La saison culturelle promettait d’être belle en 2024. Les artistes et organisateurs avaient des idées plein la tête. Les affiches colorées faisaient saliver. L’impatience de la foule grimpait gentiment. Et boom, les émeutes déclenchées le 13 mai sur fond de contestation politique ont stoppé net le flux de spectacles, concerts et créations.
La culture pleure même trois fois. Des sites privilégiés d’expression chers aux publics, de centres culturels aux médiathèques, ont subi des pillages ou l’assaut des flammes. Fin de séance. Déjà mal en point sur le plan financier avant de déplorer des dégâts considérables, les collectivités ont drastiquement réduit ensuite leurs budgets dédiés aux arts au sens large. La province Sud, par exemple, reconnaît ne pas avoir aujourd’hui de visibilité. Enfin, les conditions de sécurité ne sont plus satisfaisantes, en de nombreux endroits, pour apprécier une œuvre en groupe. Fin des applaudissements.
Les annulations tombent en cascade. Le carnaval de Nouméa n’aura pas lieu, tout comme la féérie de Noël, en tout cas, pas en l’état. Au Théâtre de l’Île, tous les spectacles de l’année, imaginés avant le chaos, sont déprogrammés. Coup de crayon aussi sur les Francofolies de Nouvelle-Calédonie dont la liste des invités 2024, de Zaho de Sagazan à Skip the Use, enchantait.
Au-delà de la disparition de l’apport culturel pourtant indispensable dans toute société qui se veut épanouie, un spectacle porte une économie, elle aussi essentielle au développement d’un territoire. Une édition des Francos génère 50 à 60 millions de francs de retombées économiques, en rémunération de techniciens, location de chambres d’hôtel, et autres restaurations… D’où l’appel désormais au soutien public pour ne pas que tout ce monde meurt.
IMPACT DES DÉPARTS
Une question de fond surgit. Avec la vague de départs post-émeutes, « arrivera-t-on à retrouver notre public demain ? » s’interroge Chris Tatéossian, directeur des Francofolies NC et gérant de la société MusiCAL Productions.
Le dilemme se pose pour les artistes locaux, selon Mathieu Venon. Voilà pourquoi « il faut s’occuper d’eux, sinon ils vont partir ». Le peintre, graphiste, sculpteur et scénographe développe son activité à l’international. Le réseau public est ici à la peine, et « le marché de l’art privé est mort ».
Beaucoup, dans l’univers culturel et audiovisuel, puisent dans leurs économies, réduisent la voilure et essaient d’envisager des projets. D’autres ont choisi la reconversion. « Si le sommeil est trop long, le réveil va être compliqué », analyse, par une métaphore, Sébastien Boudarel, gérant associé de la société spécialisée dans les prestations techniques, Oceania NC.
La culture est avant tout une passion, et tous veulent y croire. Le Salon international du livre océanien se logera dans un nouveau format. Tout comme le festival du cinéma de La Foa. Le Conservatoire de musique et de danse a réajusté son programme.
Yann Mainguet