Une Calédonienne figure dans l’équipe du ministre des Outre-mer, Manuel Valls. Léonor Guilhem, 29 ans, occupe une fonction inédite : elle est conseillère chargée de la Nouvelle- Calédonie et des affaires économiques et financières.
C’est un nouveau visage apparu à la table des négociations depuis la reprise des discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Dans l’équipe gouvernementale, aux côtés du ministre des Outre-mer, Manuel Valls, du conseiller spécial du Premier ministre, Éric Thiers, et du directeur adjoint du cabinet du ministre des Outre-mer, Charles Trottmann, Léonor Guilhem fait figure de novice et de benjamine.
À 29 ans, la native de Lifou est la dernière arrivée au cabinet de la rue Oudinot, où elle a été nommée au moment même où s’ouvraient les discussions en bilatérales à Paris. Une sacrée responsabilité pour cette jeune femme qui fait preuve d’une remarquable assurance face à un enjeu aussi décisif. « Les premiers jours, c’était quand même assez vertigineux, j’ai senti le poids sur mes épaules parce qu’on est dans un moment historique pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi l’avenir de la France, concède-t-elle. Progressivement, ce poids s’est dissipé. On est dans un rythme de travail intensif, cela fait deux mois et demi qu’on discute, c’est très dense. On est tous très engagés et motivés pour arriver à quelque chose. »
CADRES AVENIR
En tout cas, quel que soit le point d’arrivée, cette expérience de cabinet vient enrichir un parcours déjà bien fourni et qui fait la fierté de ses parents, arrivés en Nouvelle- Calédonie à la fin des années 1980. Jean- Louis Guilhem, son père, fonctionnaire territorial, travaillait à la province des îles Loyauté, à Lifou, où il gérait la mise en place des infrastructures dans le cadre du rééquilibrage avant de rejoindre la province Sud à la fin des années 1990.
C’est donc à Nouméa que Léonor Guilhem effectue sa scolarité jusqu’au baccalauréat, au lycée Lapérouse, puis en post-bac jusqu’en licence d’histoire avant d’intégrer Sciences Po à Paris. Titulaire d’un master finance et stratégie, elle intègre en 2020 le dispositif « excellence » de Cadres Avenir et passe le concours de la Banque de France. Entrée à l’Inspection générale de la Banque de France où elle s’occupe de supervision bancaire, elle y reste pendant trois ans, dont six mois en détachement à la Banque centrale européenne. Avant de rejoindre le cabinet de Manuel Valls.
Durant toutes ces années de formation et ses débuts professionnels, elle n’a jamais perdu le lien avec sa Nouvelle-Calédonie natale. Comme en témoigne la présidence du Centre pour le destin commun – un think tank de jeunes Calédoniens œuvrant en faveur du vivre-ensemble – qu’elle exerça un temps, organisant colloques et rencontres avec des élus, responsables politiques ou institutionnels et universitaires. Ainsi que l’ouvrage sur la Nouvelle-Calédonie qu’elle vient de publier dans la collection « Que sais-je ? ». Un petit livre très didactique qui aura été en quelque sorte son ticket d’entrée au ministère.
« Dans le petit écosystème calédonien, certains étaient au courant que j’allais publier un livre sur la Nouvelle- Calédonie, raconte Léonor Guilhem. C’est comme ça que mon CV a atterri sur le bureau du ministre à un moment où il avait besoin d’un conseiller technique sur la Nouvelle- Calédonie qui offre un profil assez transversal parce qu’on traite à la fois de questions juridiques, institutionnelles, politiques, économiques, sociales, géopolitiques… Il voulait quelqu’un qui soit à l’aise sur les différents domaines abordés, mais qui ait aussi une sensibilité particulière et une connaissance des dossiers calédoniens. » Elle cochait presque toutes les cases.
LE SOCLE DES ACCORDS
La voilà à présent au cœur du chaudron, habitée par la conviction qu’« un accord, un compromis politique, un cadre politique stable, c’est l’issue souhaitable et nécessaire pour la Nouvelle-Calédonie pour la paix sociale, pour l’avenir économique ».
Elle est en première ligne dans les échanges en visioconférence qui se poursuivent entre deux séances de négociations, alors que le ministre des Outre-mer et son équipe s’apprêtent à revenir à Nouméa à partir du 29 avril. Sans cacher ses doutes et ses inquiétudes, elle qui est née en Nouvelle- Calédonie entre les accords de Matignon-Oudinot et l’accord de Nouméa. « Il y a toute une génération, qu’on appelle génération des accords, qui en fait n’a jamais appris l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, les accords de paix, déplore-t-elle. Ce qui laisse la place aux interprétations et, parfois, au révisionnisme. C’est pour ça qu’il est bon de rappeler que le socle politique et juridique, ça reste les accords. On ne peut pas en revendiquer, s’approprier ou reprendre seulement une partie. »
Léonor Guilhem estime qu’à ce moment de l’histoire « la Nouvelle-Calédonie a beaucoup de chance d’avoir Manuel Valls et Éric Thiers, les acteurs appropriés pour arriver à un accord, à un compromis politique ». À son écoute, on se dit que Manuel Valls et Éric Thiers ont aussi beaucoup de chance de l’avoir.
À Paris, Patrick Roger