Au terme de trois jours de débat à huis clos à l’hôtel Sheraton de Deva, à Bourail, du lundi 5 au mercredi 7 mai, le ministre Manuel Valls et les politiques non-indépendantistes ainsi qu’indépendantistes ne sont pas parvenus à atteindre un accord global sur l’avenir institutionnel. Le projet de l’État fondé sur la souveraineté avec la France s’est heurté au plan des Loyalistes et du Rassemblement basé sur le fédéralisme au sein de la République.
« Nous rentrons dans une phase périlleuse », a confié le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, au pupitre du haut-commissariat jeudi 8 mai après-midi, quelques heures avant son départ vers la Métropole. Parce que « je crois que le vide laissé par l’absence d’un compromis est lourd de menaces ».
Organisé du lundi 5 au mercredi 7 mai à l’hôtel Sheraton de Deva à Bourail, le « conclave », selon l’expression du visiteur, n’a pas débouché sur un espoir formulé finalement depuis l’issue de la troisième consultation d’autodétermination en décembre 2021 : un accord sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Le débat à huis clos entre le ministre d’État, Manuel Valls, le conseiller spécial du Premier ministre, Éric Thiers, les représentants non-indépendantistes et indépendantistes s’est achevé sur une opposition de projets. Celui de l’État contre celui des Loyalistes- Rassemblement. Néanmoins, « j’ai proposé aux partenaires de poursuivre nos travaux au sein d’un comité de suivi. Ainsi les avancées constatées ne seront pas perdues », a insisté l’ancien Premier ministre.
D’ailleurs, « une mission interministérielle sous l’autorité du Premier ministre sera placée à mes côtés pour coordonner l’ensemble de l’action de l’État pour la Nouvelle-Calédonie ». Des points de convergence ont néanmoins été identifiés. Tels que le renforcement de l’exercice de la compétence en matière de relations internationales, le possible partage de la sécurité, l’accroissement du pouvoir fiscal des provinces ou encore la capacité d’auto-organisation de la Nouvelle-Calédonie consacrée par une loi fondamentale…
Dans ce contexte d’échec des négociations, les textes reviennent en mémoire : les élections provinciales devront se tenir avant le 30 novembre prochain avec un corps électoral gelé. Ce qui pourrait déclencher une action préalable du député loyaliste Nicolas Metzdorf au sein de l’Assemblée nationale.
« ANCRÉE DANS LA CONSTITUTION FRANÇAISE »
Une opposition, il y en a eu une, dès le vendredi 2 mai, au haut-commissariat lors d’une séance plénière, la première de ce troisième déplacement en un peu plus de deux mois. L’État a présenté oralement un projet fondé sur « une souveraineté avec la France », comme DNC l’avait évoqué dans son précédent numéro.
Manuel Valls a détaillé son intention jeudi 8 mai avant de prendre la route vers l’aéroport. Cette souveraineté avec la France pourrait se traduire par un transfert et une délégation immédiate des compétences régaliennes à la Nouvelle-Calédonie ‒ défense, sécurité, monnaie, justice ‒ l’instauration d’une double nationalité, française de droit et calédonienne, l’établissement d’un statut international, à l’issue d’un délai à déterminer et à négocier.
« Ancrée dans la Constitution française, notre proposition permettait de garder un lien structurel, solide et pérenne entre la France et la Nouvelle-Calédonie et de régler le dossier du corps électoral, la question du droit à l’autodétermination et de sortir du processus de décolonisation », a souligné Manuel Valls.
Cette suggestion a reçu, selon nos informations, un accueil favorable de Calédonie ensemble, de l’Éveil océanien, du FLNKS nouveau format et de l’UNI. Les Loyalistes et le Rassemblement s’y sont, en revanche, fermement opposés, y voyant là une sorte d’indépendance.
DÉCOUPE DE L’ARCHIPEL
Devant une telle levée de boucliers, le ministre des Outre-mer a suspendu vendredi 2 mai la séance. Pour la reprendre le lundi 5 mai, en fameux « conclave » à Deva. Sonia Backès, Virginie Ruffenach et leurs collègues, qui avaient, selon Le Figaro, même fait part de leur mécontentement au plus haut niveau de l’État, ont posé leurs idées sur la table.
Cette contre-proposition écrite, selon une source, a intégré une nouvelle organisation territoriale avec trois régions à compétences élargies. Une nouvelle découpe de l’archipel, en fait. Si les zones nord et sud-îles sont placées dans les conditions d’un partenariat avec la France, les terres du sud-ouest bénéficient, selon le projet, d’un système fédéral cher aux Loyalistes.
Leur plan n’était ni plus ni moins qu’une partition de la Nouvelle-Calédonie soumise à une expérimentation étendue sur 15 ans. Mais voilà, cette ambition « mettait en cause, à nos yeux, l’unité et l’indivisibilité de la Nouvelle-Calédonie, protégées par l’accord de Nouméa et notre Constitution », a avancé le ministre des Outre-Mer qui est convaincu de la valeur de sa proposition, de son projet. « Celui que nous avons défendu, quoiqu’il arrive, reste une base précieuse, qui je n’en doute pas sera utile dans l’avenir ».
Yann Mainguet
Photo Delphine Mayeur / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
et le dépôt d’une gerbe sur la tombe de la figure indépendantiste Yeiwene Yeiwene à Tadine, le ministre des Outre-mer a déambulé dans les allées de la 27e Fête de la crevette et du cerf à Boulouparis. « Ici, nous sommes au cœur de la Nouvelle-Calédonie »,
a indiqué Manuel Valls. Photo Yann Mainguet
Photo Delphine MAYEUR / AFP