Le virus dans la bulle

Quasiment un an après le premier confinement et onze mois de vie sans entraves, la Nouvelle-Calédonie a entamé son deuxième confinement pour une durée de deux semaines. Cette fois, le virus circule sur le territoire. Il n’est plus cantonné aux quatorzaines. Mercredi soir, seize cas au total étaient recensés, dont assurément quinze issus directement ou indirectement de la bulle sanitaire avec Wallis-et-Futuna.

Le premier confinement, entré en vigueur le 24 mars 2020 pour trois semaines, avait été décrété après la détection d’un cas de coronavirus que l’on pensait autochtone, mais qui s’était finalement avéré importé, suite à une erreur de test. La chaîne de contamination n’avait pas eu le temps de se créer. Entre-temps, 58 cas ont été détectés en quatorzaine écartant la propagation du virus.

Un an après, la situation est tout autre. La Nouvelle-Calédonie n’est plus l’une des seules terres « Covid-Free » au monde. Neuf premiers cas ont été détectés hors quatorzaines le week- end dernier, annonce faite par les autorités dimanche soir. Huit viennent ou reviennent de Wallis-et-Futuna et le neuvième est un cas contact. Deux foyers sont identifiés : un foyer dit du « centre-ville » qui comprend trois Nouméens revenus de Wallis par le vol du 27 février et une personne de leur entourage immédiat. Ici, 56 personnes contact ont été identifiées, 31 dans les entourages et 25 qui les ont côtoyés dans l’avion. Un autre foyer est hospitalier. On y trouve cinq Wallisiens-et- Futuniens : trois patients en évacuation sanitaire et deux accompagnants. Quatre étaient pris en charge à la clinique Kuindo-Magnin et le cinquième au Médipôle. Pour ce foyer, 70 cas contact ont été identifiés, majoritairement du personnel de santé.

Lundi, les autorités sanitaires ont procédé à 257 tests PCR, notamment sur une partie de ces personnes et les résultats sont tous revenus négatifs. Mardi en revanche, trois nouveaux cas ont été identifiés : ils concernent deux cas contact du foyer du centre-ville et une personne ayant voyagé récemment à Wallis-et-Futuna. Mercredi, quatre nouveaux cas positifs ont été détectés à l’issue des tests journaliers. Une personne est reliée à un patient évasané, une autre à la famille nouméenne revenue de vacances, un troisième, symptomatique depuis neuf jours est revenu de voyage de Wallis-et-Futuna et le dernier a été détecté lors d’un test de dépistage dans le cadre d’un bilan pré-hospitalier. Il n’y a pas suffisamment d’éléments pour l’instant pour relier cette personne à la vague de contaminations en lien avec Wallis-et-Futuna.

On notera par ailleurs qu’un variant anglais du Covid-19 a été identifié lors des analyses.

Précisions enfin que toutes les personnes de retour de l’archipel ou contact ne seront pas testées en même temps, mais bien selon la date de leur contact potentiel ou de leur voyage pour que le test soit probant. Toutes sont invitées à s’isoler et sont « sous surveillance ».

Des réponses attendues de Wallis

Si ces cas ont été détectés, c’est à la suite d’une enquête déclenchée par la Direction des affaires sanitaires et sociales samedi. Un souhait du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, suite à la confirmation, la veille, du premier cas de coronavirus hors sas sanitaire à Wallis- et-Futuna avec qui nous entretenions une bulle sanitaire. Un premier cas « autochtone » : le patient identifié, principal du collège de Lavegahau, avait effectué une quarantaine du 18 au 31 janvier à son retour de Métropole et était sorti après deux tests PCR négatifs, à sept et quatorze jours. Il a présenté des symptômes banals à partir du 23 février, mais n’a été testé positif que le 6 mars lors d’un troisième test PCR, lorsque son état de santé s’est aggravé.

Ce décalage implique qu’il aurait été infecté à Wallis-et-Futuna où le virus circulait déjà à bas bruit. La découverte des cas en Nouvelle- Calédonie semble d’ailleurs confirmer cette hypothèse, selon les autorités sanitaires. Tout comme la progression du virus à Wallis. Une importante campagne de dépistage a déjà permis de détecter 67 cas dont quatre à Futuna (comptage réactualisé mercredi soir). Près de 900 tests ont été réalisés depuis le 6 mars. La campagne doit s’intensifier avec l’arrivée de nouveaux tests et d’un nouvel automate ce mercredi.

Lundi, Thierry Santa, le président du 16e gouvernement, en charge des affaires courantes, s’est dit impatient d’obtenir des explications en provenance de Wallis. Les éléments n’étant pour l’instant, selon lui, pas assez précis pour comprendre où le dispositif a failli. « On suppose que le caractère free de nos territoires n’a pas forcément incité les autorités sanitaires de Wallis-et-Futuna à faire le test PCR tout de suite », a-t-il simplement constaté.

Une étude épidémiologique des services sanitaires est évidemment en cours dans l’archipel pour déterminer l’origine de l’épidémie. L’État a promis que ses conclusions seront rendues publiques.

Des mesures fortes

Dans ce contexte, la Nouvelle-Calédonie a immédiatement suspendu les vols des 7 et 8 mars ainsi que la bulle sanitaire, en place depuis juin 2020. Un dernier vol de rapatriement de Calédoniens à Wallis a été maintenu cette semaine et les personnes concernées devront être strictement confinées à domicile. Plus largement, il a été demandé à tous les voyageurs revenus de Wallis-et-Futuna depuis le 25 janvier de s’isoler et de se signaler au 05 02 03, « le listing d’Aircalin n’incluant pas forcément leurs coordonnées complètes ».

Pas moins de 600 personnes sont concernées. Et selon les dires du porte-parole du gouvernement, Christopher Gyges, elles ont déjà été très nombreuses à se signaler. Compte tenu des premiers cas se propageant sur le territoire et même si les premiers tests sont plutôt de nature à rassurer, « il y a un risque très fort que le virus commence à circuler en Nouvelle-Calédonie », a néanmoins averti Thierry Santa. D’où la décision de confiner la Nouvelle-Calédonie, dès lundi soir, pour quinze jours. L’administration de Wallis-et-Futuna a également décrété un confinement à partir de mardi.

Trouver la faille

Quelles que soient les conséquences de cette percée du virus dans la bulle, que nous visualiserons de manière plus précise dans les prochains jours, les autorités devront apporter des réponses claires et précises. En effet, les Calédoniens sont en droit de savoir précisément comment le virus est apparu à Wallis-et-Futuna. Il est nécessaire de comprendre ce cheminement et surtout de trouver où se situe la faille dans le système, que ce soit chez nos voisins, ici ou dans les deux archipels.

Lorsque le 24 février, nous avions repris à notre compte la quatorzaine des personnes arrivant de Métropole vers Wallis, en raison de la capacité d’accueil limitée de son unité Covid-19 et engorgée par plusieurs cas positifs, le gouvernement souhaitait « sécuriser la bulle sanitaire entre les deux territoires », ne plus faire « voyager côte à côte » les personnes en provenance directe de Métropole et les voyageurs au départ de la Nouvelle-Calédonie pour assurer des vols « Covid-Free ». Ce qui laisse un peu pantois, avec du recul.

Wallis-et-Futuna a t-elle eu les moyens d’assurer une sécurité sanitaire correcte ? Avons-nous, de notre côté, pris toutes les mesures nécessaires et demandé suffisamment d’assurance pour la viabilité de cette bulle ? Avons-nous globalement laissé trop de voyageurs partir et revenir en Métropole sans motifs impérieux ? À vrai dire, nous ne sommes pas à nos premières frayeurs…

Et puis que ferons-nous par la suite avec Wallis- et-Futuna, cette collectivité avec laquelle nous sommes si fortement liés ? Avec les liens familiaux, l’accueil des Evasan ? Et quid des éventuels cas graves de Covid-19 si l’épidémie se propage au sein de cette population particulièrement à risque ? Les capacités de ressources humaines en réanimation y sont très réduite avec un seul anesthésiste réanimateur. Il est pour l’instant envisagé de renforcer les équipes et les moyens sur place plutôt que de recevoir les patients comme semble l’indiquer l’envoi de renforts sanitaires par l’État ou encore l’envoi de 300 tests par la province Sud. Le haut-commissaire a aussi insisté sur l’importance de conserver ces liens intacts et assuré regarder de quelle façon il était possible d’apporter une aide. Il faudra, si tel est le cas, rassurer les populations et s’assurer d’une sécurité des plus fiables.

C.M.

©C.M.