Le tourisme au rythme de la coutume

La dixième fête du Wetr s’est déroulée le week-end dernier, à Easo. Une fête un peu perturbée par le mauvais temps alors que NC 1ère avait déployé d’importants moyens pour décentraliser bon nombre de ses programmes. L’occasion pour la chaîne de mettre à l’honneur cette île et ses habitants qui ont choisi d’asseoir une grande partie du développement économique sur le tourisme.

« On ne se quitte plus ». Le slogan de la chaîne calédonienne NC 1ère était particulièrement de circonstance, ce «week-end.À l’occasion de son opération décentralisée sur Lifou pour la fête du Miel et du Santal, près de 25 personnes de la chaîne se sont retrouvées bloquées sur l’île, avant de pouvoir redécoller, lundi, prenant au pied de la lettre le concept de leur slogan. Au-delà de l’anecdote, la météo aura eu de lourdes conséquences pour cette dixième édition de la fête du Miel et du Santal, nouvelle appellation de la fête du Wetr, même si les packages spéciaux qui font toujours un carton n’ont pas aussi bien marché que d’habitude (47 ont été vendus pour l’occasion).
Cette fête traduit l’engagement du district pour le tourisme qui remonte à de nombreuses années. Dans les années 70, le constat était là, l’île disposait des paysages, mais aussi de la culture pour développer le tourisme. Il s’est posé la question quel tourisme développer. À l’époque, le grand chef Paul Clément Sihaze a estimé que les retombées d’un hôtel pour la population ne seraient pas suffisantes. C’est finalement la proposition de Gilbert Thong, décédé il y a peu, de développer la croisière qui avait retenu l’attention des coutumiers.

Une volonté coutumière

En 1994, les premiers bateaux de croisière arrivent en baie de Santal, là où ils mouillent encore aujourd’hui. Et c’est toujours la même structure commerciale, Mejin Wetr, qui gère les relations avec les différentes sociétés de croisière pour l’accueil des touristes. Mais au- delà de la question économique, la volonté du grand chef Sihaze est de rassembler les clans et les familles, déchirées par les Événements. C’est de cette même idée qu’est née la troupe du Wetr qui visait à prendre deux à trois danseurs de chacune des 17 tribus que compte le district. La troupe est plus que jamais active. Au mois de juillet, elle représentait le Wetr aux fêtes maritimes à Brest.

Mais la particularité du Wetr, et plus généralement de Lifou, réside dans la prise en main du développement par la chefferie. Si les décisions prennent en compte les intérêts économiques, ces derniers ne sont pas nécessairement prioritaires. À titre d’exemple, Jacques Dralue, coutumier du district et membre de son comité de développement, rappelle que lorsqu’il y a trop de mariages, on ne reçoit plus de croisiéristes.
Mais l’enjeu est bien là aujourd’hui que de faire évoluer les choses, et notamment le site Paul-Clément-Sihaze, qui accueille actuellement les croisiéristes à leur descente du bateau. Le site est toujours le même sauf qu’à l’époque, les « paquebots » déposaient au plus 700 personnes. C’est désormais plus d’un millier qu’il faut prendre en charge à chaque touchée. En 2015, 120 bateaux ont fait escale à Lifou. Un chiffre qui place la petite île de Drehu à la troisième place des destinations des croisiéristes dans le Pacifique. Pour l’île, cela représente chaque année près de 200 millions de francs de retombées pour près de 200 emplois.

Un développement maîtrisé

Des chiffres importants pour une île qui voit chaque année filer sa jeunesse sur la Grande Terre. Les coutumiers ont toutefois su garder la tête froide en refusant les propositions des compagnies de croisière qui leur proposaient tout simplement de doubler le nombre de touchées dès l’année prochaine. Pour les coutumiers, il était d’abord important de se structurer avant d’envisager de passer à la vitesse supérieure. Pour les responsables, il faudra d’abord terminer la restructuration du site de Easo et rien ne sert de se presser puisqu’un planning est déjà calé jusqu’en 2024, sans compter que de plus en plus d’anciens croisiéristes reviennent visiter l’île par leurs propres moyens. Certains même pour la quatrième fois.

Dans le Wetr, la croisière reste un des éléments du développement et n’est pas une fin en soi. La coutume est au centre du dispositif et permet au passage d’éviter les conflits entre les tribus des trois districts pour la répartition des retombées économiques. Si les bateaux viennent dans le Wetr, les prestataires viennent de toute l’île. Et c’est également dans ce sens qu’un nouveau site d’accueil des croisiéristes d’une capacité de 300 à 400 personnes a ouvert à la tribu de Luecila. Le développement se veut raisonné et pas uniquement basé sur l’argent. Mais il faut tout de même faire de petites concessions, glisse avec humour un des membres du comité de développement du Wetr, à Easo, pour accueillir les croisiéristes le dimanche, l’heure de la messe a dû être avancée à six heures au lieu de neuf.

M.D.


Un nouveau site à un milliard de francs

La rénovation du site d’accueil des croisiéristes qui se dégrade est un projet sur lequel le comité de développement du Wetr travaille activement depuis quatre ans. Le projet, qui pourrait se chiffrer à près d’un milliard de francs, comprendra l’accueil des croisiéristes et un village mélanésien. Les responsables ont toutefois bien conscience de l’importance de ne pas tomber dans le folklore. La volonté initiale du grand chef était d’ailleurs de développer le tourisme culturel. De manière plus générale, la rénovation permettra de proposer de nouvelles activités. On attend la création de plus de soixante-dix emplois. Les travaux devraient démarrer en juin 2017.

Les transports au cœur du problème

Si les problèmes de transports ne concernent pas directement les croisiéristes, ils constituent un véritable frein pour le développement touristique des îles et plus généralement de la Nouvelle- Calédonie, en plus de créer de sérieux désagréments pour la population. Les avions d’Aircal, cloués au sol ce week- end pour cause de mauvais temps, en sont encore une illustration. D’ici quelques années, la question pourrait rejoindre celle des croisiéristes si l’arrivée d’un paquebot à résidence en Nouvelle-Calédonie devait se concrétiser. Cette opportunité serait génératrice d’immenses retombées pour peu que l’on arrive à sécuriser les transports et à travailler sur le prix qui est encore relativement dissuasif.