Le système de santé au pied du mur

Le conseil d’administration de la Cafat a voté son budget, vendredi 10 février. À l’unanimité, les membres du conseil représentant le patronat et les salariés ont voté à l’encontre d’une décision du gouvernement remettant en cause le principe d’étanchéité des régimes de protection sociale. Ils mettent en garde contre un risque de dérapage budgétaire et appellent à l’ouverture rapide de discussion pour réformer le système.

Cette année sera électorale, mais également sociale. Le premier conseil d’administration de la Cafat, qui s’est tenu vendredi 10 février, marque le début d’une opposition entre le gouvernement d’un côté et, de l’autre, le patronat et les syndicats, unanimes pour dénoncer les dernières décisions du gouvernement en matière de protection sociale. C’est d’ailleurs à l’unanimité qu’ils ont voté le budget de la Cafat, le 10 février, sans tenir compte de la décision du gouvernement de ne plus compenser les manques à gagner des régimes du fait d’abattements consentis à certains secteurs d’activité (lire par ailleurs). Fin 2016, le gouvernement annonçait une subvention de 15,8 milliards de francs afin d’assurer l’équilibre du Ruamm. Une enveloppe qui se compose de trois volets. Le premier, de 3,8 milliards de francs, est la participation financière de l’Agence sanitaire et sociale. Le deuxième est une participation financière complémentaire, également d’un montant de 3,8 milliards de francs. Les 8,2 milliards de francs restants sont la compensation des manques à gagner liés aux abattements de cotisations. Seul hic, après vérification des calculs, la Cafat ne s’y retrouve pas. Le déficit prévisionnel du Ruamm pour 2017 est de l’ordre de 4,5 milliards de francs.

Changement des règles du jeu

Et si la compensation pour le régime unifié d’assurance maladie est versée cette année, ce n’est plus le cas pour le régime retraite, l’assurance chômage ou encore l’assurance des accidents de travail. Les équilibres prévisionnels sont très différents, selon que l’on verse la compensation ou non. Pour les retraites, avec la compensation, le régime serait bénéficiaire en fin d’année avec un surplus de 52 millions de francs, contre un déficit de près de 2,1 milliards de francs sans la compensation. La question de ce régime cristallise les oppositions entre les partenaires sociaux et le gouvernement.

Alors que le patronat et les syndicats de salariés avaient déjà bien avancé le travail de la réforme du régime de retraite, le gouvernement est venu rebattre les cartes et changer les bases des discussions. Dans ces conditions, le Medef-NC a annoncé qu’il quitterait la table des discussions. Les syndicats, quant à eux, s’inquiètent de voir le gouvernement tenté de siphonner les réserves de la caisse pour financer le déficit du Ruamm. Une caisse dont la pérennité se retrouverait en danger si elle était ponctionnée. Les réserves de l’ordre d’une quarantaine de milliards de francs permettent de servir plus ou moins les retraites pour une année pleine. C’est bien plus que les minimums légaux mais, comme le rappelle les membres du conseil d’administration, ces réserves ont vocation à financer le déficit prévu lors de la mise en place de la future réforme en assurant une transition en douceur.

Aucun des problèmes n’est donc réglé et les tensions en matière de trésorerie que connaît la Cafat se produiront encore plus tôt cette année. Dès le mois de mars, les délais de remboursement vont commencer à s’allonger. Seuls les assurés ne devraient pas vraiment être impactés, la Cafat ayant décidé de les rembourser en priorité.

Les membres du conseil d’administration affichent leur sens des responsabilités, chiffres de la réduction des dépenses du budget de fonctionnement de la Cafat à l’appui (5 % sur les dépenses réelles en 2016 et un effort a été demandé au mutuelle dont le taux) et dénoncent l’irresponsabilité des élus qui laissent se creuser la dette de la Cafat qui est déjà de l’ordre de 19 milliards de francs (notamment auprès des hôpitaux mais aussi des provinces ou du territoire). Chacun le sait, le déficit du Ruamm n’est pas un fait nouveau. Les tentatives de réforme du système se résument pourtant à des mesures isolées ou, le plus souvent à la recherche de nouvelles recettes pour faire face à l’augmentation des dépenses sociales. Des dépenses qui ont augmenté de manière exponentielles ces dernières années avec l’accroissement de la population mais aussi et surtout l’adoption de dispositifs comme le minimum vieillesse, la prise en charge du handicap et de la dépendance mais aussi l’ouverture du Médipôle, qui a déjà coûté deux milliards de francs par an en 2016 et 2017. Des mesures indispensables mais votées sans les recettes correspondant à leur mise en place.

Bricolage comptable

Il a donc fallu trouver des astuces comptables pour boucler les budgets. Cela s’est plus particulièrement traduit par la réaffectation de la TSS à l’Agence sanitaire et sociale, qui était attribuée jusqu’en 2010 directement à la Cafat (la TSS rapportait 14 milliards de francs par an en 2010 contre 19 milliards en 2016), afin de créer un pot commun donnant l’avantage de montrer une seule masse financière. La suite logique serait de remettre en cause le principe d’étanchéité des régimes qui veut que les différents régimes ne puissent se financer les uns les autres. Cette séparation nette garantit le bon fonctionnement de régime fonctionnant avec des temporalités très différentes, notamment pour les retraites qui ont besoin de vision à long terme.

Ces choix s’expliquent par un contexte budgétaire contraint mais traduisent des carences en matière de prise de gouvernance. Depuis début 2016, des travaux sont engagés au Congrès afin de réformer le Ruamm sans qu’aucun plan n’ait encore pu voir le jour. Le traitement de questions comme celles de la taxe sur les alcools et le tabac ou encore celle envisagée sur les boissons sucrées, discutées de manière indépendantes et sur fond de querelles politiques, manque de cohérence.

Et c’est sans compter sur de nouveaux dispositifs décidés dans le cadre de soutien à l’emploi comme une indemnisation à 100 % des personnes en chômage partiel. Dans ce cas, les décisions politiques ont d’importantes répercussions sur les régimes sociaux sans que leurs administrateurs n’aient leur mot à dire. En dehors du fait que l’on colmate en attendant de s’attaquer aux problèmes, le conseil d’administration de la Cafat dénonce une remise en cause du système paritaire par le gouvernement et le met en garde : les choses n’avanceront pas sans discussions avec les partenaires sociaux et, dans le cas contraire, il faudra s’attendre à des tensions qui passeront par la rue ainsi que les tribaux. Le gouvernement assure de son côté qu’il n’a pas l’intention de mettre les autres régimes en péril. Philippe Dunoyer, le porte-parole du gouvernement, indique que les travaux sont en cours. Étant donné le contexte, il paraît peu probable que les élus cherchent à augmenter les recettes, ce qui reviendrait à augmenter le coût du travail. La solution qui se dessine serait plutôt une réduction des dépenses. Dans ce cas, on peut regretter que ces décisions ne soient pas l’occasion d’un grand débat de société permettant aux citoyens de s’exprimer. Une réduction des dépenses pourrait difficilement passer sans une réduction des remboursements de certains soins.


Pourquoi des compensations ?

Les compensations versées par l’Agence sanitaire et sociale sont le manque à gagner pour les régimes pour les cotisations qui ne sont pas versées aux régimes suites à des décisions politiques visant à soutenir des secteurs d’activité. C’est par exemple le cas de l’abattement des cotisations de 75 % pour l’hôtellerie de l’intérieur et des îles. Ces abattements concernent également les crèches ainsi que les emplois dans le secteur de l’agriculture, les employés de maison et plus généralement les bas salaires. Une partie des compensations est par ailleurs versée pour les patentés qui cotisent un peu moins que les salariés.

M.D.