Le soutien du haut-commissaire à la réforme fiscale hérisse les loyalistes

Louis Le Franc, haut-commissaire de la République, estime que la Nouvelle-Calédonie doit trouver des recettes fiscales pour redevenir crédible aux yeux des prêteur. / © Archives DNC

Louis Le Franc invite les élus à voter l’augmentation des impôts préparée par le gouvernement indépendantiste pour redonner de la « crédibilité » à la Nouvelle-Calédonie, fortement endettée. Les loyalistes y voient une méconnaissance du territoire et un manque de cohérence.

« Il faut vraiment que le gouvernement et le Congrès votent les textes fiscaux prévus afin de donner un signal de crédibilité à l’État et aux bailleurs, comme elle s’y était engagée en 2020 », lors de la signature de l’emprunt « Covid » de 28,6 milliards garanti par l’État.

Ces propos, tenus sur RRB le 24 mars, Louis Le Franc les répète volontiers. S’alignant sur les préconisations de la Chambre territoriale des comptes, il invite le Congrès à créer 28 milliards de francs de recettes fiscales pour revenir à l’équilibre budgétaire en 2025, comptes sociaux compris.

Nicolas Metzdorf (Les Loyalistes) s’est empressé d’écrire au haut-commissaire. « Dans un contexte général d’inflation, de vie chère et de hausse des prix, cela me semble totalement improductif. (…) Et surtout, c’est en totale contradiction avec la politique fiscale de baisse des impôts fixée par Emmanuel Macron et mise en œuvre par Bruno Le Maire », insiste le député de la majorité présidentielle, qui demande une « clarification » aux représentants de l’État.

DES « RECETTES DE TECHNOCRATES »

« Tout est relatif », répond Louis Le Franc à ceux qui s’inquiètent du poids de la fiscalité : le taux de prélèvements obligatoires s’élève à 45 % en Métropole, contre « 32 % en Nouvelle- Calédonie, où l’État a dépensé 195 milliards de francs en 2021 », insiste-t-il.

« La comparaison est malvenue pour une raison simple : les écarts de richesse, les inégalités sont infiniment plus inquiétants qu’en Métropole », rétorque Philippe Michel (Calédonie ensemble), fustigeant « les recettes de technocrates qui consistent à proposer une augmentation indéfinie des prélèvements ».

Il regrette toujours que le gouvernement Santa ait signé « les yeux fermés » les conditions inscrites dans l’annexe 6 pour obtenir « dans l’urgence » le prêt de 28,6 milliards.

FAIRE DES ÉCONOMIES AVANT DE CRÉER DES IMPÔTS

Yoann Lecourieux (Rassemblement-LR), déjà membre du gouvernement en 2020, ne renie pas le texte. « C’est une boîte à outils d’abord destinée à faire des économies et à revisiter la fiscalité dans son ensemble. Faisons ce travail-là avant de créer de nouveaux impôts », une position qui semble souder le camp loyaliste.

Il faut commencer par « fusionner » des établissements publics, des directions de la Nouvelle-Calédonie et « diminuer les dépenses de santé », liste Yoann Lecourieux, qui invite le haut-commissaire à abandonner son « idée incantatoire » et à « prendre connaissance de la réalité économique et fiscale de la Nouvelle-Calédonie ».

Endettée à hauteur de 80 milliards de francs ‒ 201 % de ses recettes pour un seuil de prudence à 90 % ‒ la collectivité peut- elle prendre le risque de ne plus pouvoir emprunter avec le soutien de l’État ? « Je n’accepte pas les termes du débat quand ils sont posés comme ça. On prend le problème dans le mauvais sens », répond Philippe Michel. Il appelle à « travailler sur les dépenses et la gouvernance, ensuite sur les recettes. »

Gilles Caprais

« Demander de l’aide, c’est facile »

Les propos du haut-commissaire ont évidemment créé moins de remous côté indépendantiste. « Nous nous inscrivons bien dans cette démarche-là, celle qui est préconisée par l’annexe 6 », commente Jean-Pierre Djaïwé, élu UNI au Congrès. « Il faut savoir se serrer la ceinture. Il ne s’agit pas d’asphyxier l’économie calédonienne mais de trouver le juste milieu. On doit montrer à nos bailleurs de fonds que la Nouvelle-Calédonie fait des efforts. Demander de l’aide, c’est facile. Mais on ne peut pas continuer comme ça, sinon les générations futures hériteront de ces dettes. Il faut assumer les responsabilités. »