Le secteur du bâtiment entame sa mutation

À six mois de l’application du nouveau référentiel de construction, le 1er juillet, Vaimu’a Muliava, membre du gouvernement en charge des constructions publiques, du logement et de l’urbanisme, a qualifié cette étape de « cruciale ». Il a réuni, la semaine dernière, l’ensemble des acteurs de ce dossier qui, à long terme, devrait révolutionner le secteur du bâtiment.

« On a tous en tête l’affaire des Hauts de Marconi ». Vaimu’a Muliava évoque ce qui se fait de pire en termes de malfaçons. Mais si cette affaire a été médiatisée, elle est loin d’être isolée. « Sur l’ensemble des demandes qui nous parviennent, 60 à 70 % concernent l’immobilier. À cela, il faut retirer le locatif, mais il reste quand même un grand nombre de litiges concernant la construction d’un bien », explique Luce Lorenzin, présidente de l’association UFC-Que choisir. Les nouvelles lois, qui viennent d’être adoptées à l’unanimité au Congrès, ont pour objectif de limiter ce type de situation. « Il s’agit de créer de la confiance et de la transparence », rappelle Djamil Abdelaziz, le directeur adjoint de la DAPM (Direction des achats, du patrimoine et des moyens), qui travaille depuis quatre ans à cette mutation.

Davantage de sécurité pour le client

Concrètement, deux nouvelles assurances obligatoires vont être créées (lire l’encadré) : l’une sera à la charge du client, l’autre à la charge de l’entreprise de construction. En cas de litige, le maître d’ouvrage, c’est-à-dire le client, n’aura plus à prouver qu’il est responsable. Son assurance prendra en charge les travaux s’il est démontré qu’il y a malfaçons. Son assurance se chargera, par la suite, de chercher les responsabilités de l’incident.

À plus long terme, cette loi devrait permettre d’améliorer la qualité des matériaux et des procédés utilisés. En effet, le gouvernement va soutenir les laboratoires locaux de contrôles et d’essais et établir un partenariat avec les laboratoires accrédités de Nouvelle-Zélande et d’Australie. Enfin, le référentiel devrait permettre d’« assainir » le secteur de la construction.

Une révolution pour les professionnelles du bâtiment

Désormais, n’importe qui ne pourra plus s’improviser professionnel du bâtiment. À partir du 1er juillet 2020, pour créer son entreprise et pouvoir l’enregistrer au répertoire des métiers, il faudra justifier soit d’une expérience d’au moins trois ans soit d’un diplôme. Carreleurs, maçons ou autres activités relevant du bâtiment, dès lors qu’ils envisagent de créer leur entreprise, sont bien évidemment concernés par cette mesure. L’objectif est d’empêcher les personnes sans qualification d’exercer. Les professionnels devront ensuite s’assurer. Les assurances joueront, à ce niveau, un rôle de régulateur puisqu’elles adapteront leurs tarifs en fonction de certains critères comme la qualification des employés.

Une augmentation des prix à prévoir

Est-ce que le référentiel va avoir une incidence sur les prix ? « Oui », répondent les acteurs du référentiel. On devrait voir les prix de la construction augmenter, mais à l’échelle globale, tout le monde devrait être gagnant. Sur un projet de vie aussi important que la construction d’une villa, il faut tenir compte de ce que l’on appelle la « sinistralité ». Concrètement, si votre villa est truffée de malfaçons, elle peut coûter très cher.


Emmanuel Roche, président du Comité des sociétés d’assurance

« En cas de litige, ce sera plus simple

La loi devait être applicable au 1er janvier. Pour quelle raison a-t-elle été reportée ?

Ce délai supplémentaire était nécessaire, tout d’abord, car tous les textes de loi n’avaient pas été votés au Congrès. Ensuite, il nous fallait un délai supplémentaire pour tout préparer en matière d’assurance. Finalement, ce report convient à tout le monde.

En quoi consiste la préparation dont vous parlez ?

Nous sommes en train de travailler sur l’adaptation du texte. Étant donné que nous nous basons sur la loi métropolitaine, il y a quelques points qui seront modifiés pour répondre aux besoins de la Nouvelle-Calédonie. Et nous travaillons également à la question du coût de l’assurance obligatoire.

Comment le coût sera-t-il fixé ?

Deux assurances vont être créées. L’une sera prise par le client, on l’appelle l’assurance dommages-ouvrage. Son coût sera proportionnel à celui de la construction. Le coût de l’autre assurance, celle qui sera prise par l’entreprise, sera fonction du chiffre d’affaires de celle-ci. Elle couvrira la solidité de l’ouvrage, l’étanchéité.


Depuis 1978 en MétropoleEn Métropole, elle est connue sous le nom de loi Spinetta. Elle existe depuis 1978 et impose aux professionnels du bâtiment de souscrire à une assurance. L’objectif est de faire face à d’éventuelles malfaçons dans les dix années suivant la construction. Pourquoi n’est-elle pas applicable en Nouvelle- Calédonie ? Tout simplement parce que le droit des assurances avait été transféré bien avant, en 1956, et que la réglementation a très peu évolué ici. En conséquence, en cas de litige, les victimes de malfaçons n’ont eu d’autre choix que de se lancer dans une longue et coûteuse bataille judiciaire au risque d’en être pour ses frais comme l’explique Luce Lorenzin, présidente de l’association UFC-Que choisir. « Nous avons eu le cas d’un constructeur qui a préféré se mettre en faillite, avant de réapparaître quelque temps après sous un autre nom ».

V.G. 

©M.D.-DNC