Le secteur de l’immobilier accuse le coup

Ville de NoumÈa (97 000 habitants en 2009), capitale de la Nouvelle-CalÈdonie

Perturbé par un contexte politique, institutionnel et social instable, le marché de l’immobilier navigue aujourd’hui à vue. Les professionnels du secteur observent des tendances assez pessimistes et s’attendent à une nouvelle baisse des transactions sur Nouméa. Les chiffres 2020, à paraître d’ici septembre, risquent de le confirmer.

« Dans cette période d’incertitude, il y a une absence totale de visibilité. » Divy Bartra, qui vient d’être nommé à la présidence de la FTAI, Fédération territoriale des agents immobiliers, constate jour après jour les répercussions de la conjoncture sur le marché. « On sait, sans pouvoir le chiffrer, qu’un certain nombre de clients se réfugient dans la location en attendant que les échéances référendaires soient passées. En tout cas, ils ont tendance à retarder leur projet d’investissement. » En ce qui concerne la location, l’offre reste supérieure à la demande sur Nouméa, une situation propice à la baisse des loyers.

Arrêt brutal de la construction

Autre constat : la construction de logements collectifs a quasiment disparu. « Cette baisse peut s’expliquer en partie par la fin du dispositif de défiscalisation locale fin 2018 qui permettait, pour toute acquisition d’un logement intermédiaire neuf, une réduction d’impôt étalée sur dix ans pour les primo-accédants », note l’Institut d’émission d’outre-mer dans son rapport annuel, paru il y a quelques semaines. Cependant, cette tendance ne concerne que le collectif neuf.

Dans le secteur de la construction de maisons individuelles, il est beaucoup plus difficile d’obtenir des chiffres, car la seule donnée dont on dispose concerne la vente des terrains. Étant donné les difficultés dans le secteur du BTP et la baisse historique de la consommation de ciment depuis trois ans, on suppose que la construction de villas est cependant impactée. Si le marché du neuf s’est effondré, celui de l’ancien s’était plutôt maintenu jusqu’en 2019.

Une tendance qui a évolué depuis. « Puisque le volume total des transactions a baissé de 15 % en 2019, on s’attend logiquement à un repli sur l’ancien également pour 2020. C’est une conclusion évidente qui apparaîtra clairement quand on aura les chiffres exacts », poursuit Divy Bartra. Ces chiffres seront publiés en septembre par l’Observatoire de l’immobilier. Pour l’heure, les professionnels s’attendent d’ores et déjà à une nouvelle baisse des transactions en 2020.

Regain post-confinement

Malgré cette conjoncture délicate, Cédric Bérode, vice-président de la CINC, Confédération de l’immobilier de Nouvelle- Calédonie, estime, de son côté, que la situation n’est pas catastrophique. « C’est vrai qu’après les incidents à l’usine du Sud et la période de vacances, l’activité en début d’année a été très calme. Mais depuis la fin de la période de confinement, nous avons constaté un regain d’activité, ce qui permet de compenser partiellement cette période difficile. Aujourd’hui, on peut dire que l’on est revenu à un niveau raisonnable, comparable à celui de la fin de l’année dernière. C’est probablement lié au fait que nous avons une population jeune qui a besoin de se loger malgré tout. »

Si les quartiers Sud ont toujours la cote, les transactions sur le Grand Nouméa sont moins fréquentes que les années précédentes, « mais elles n’ont pas disparu pour autant, notamment sur Païta », nuance-t-il. À noter que les taux d’intérêt, encore très bas, contribuent au maintien de l’activité. Dans un contexte aussi tendu, les agences spécialisées sur des produits de standing et haut de gamme accusent le coup. Les structures immobilières spécialisées dans la vente de « petits produits » semblent, elles, tirer leur épingle du jeu.

* Pour la première fois depuis le recensement de 1983, l’Institut de la statistique et des études économiques a enregistré un écart de 10 300 personnes entre les arrivées et les départs sur la période 2014-2019.


Le marché très fluctuant sur VKPP

Le marché de l’immobilier sur la zone VKPP, Voh-Koné-Pouembout-Poya, n’a rien à voir avec les tendances observées autour de la capitale. En province Nord, l’effet référendum n’existe pas, le marché est directement impacté par les événements locaux. En 2014, l’un des deux fours de l’industriel KNS est mis à l’arrêt. Parallèlement, une partie des expatriés, employés pour la phase de construction de l’usine du Nord, quitte le pays. Alors que de nouveaux lotissements sortent de terre et que des logements collectifs voient le jour, le marché s’effondre. « Aujourd’hui, on peut dire que c’est reparti. Depuis l’extension du lycée Michel-Rocard en 2017 et l’ouverture du centre hospitalier peu après, le marché du locatif se porte bien et les prix des loyers sont remontés. On est, aujourd’hui, au même niveau qu’à Nouméa. Concernant les transactions, c’est également dynamique », estime Cyrille Berhault, gérant de l’agence Ellipse immo à Kone.

Des difficultés pour 2022

La crise de 2014 a cependant refroidi les investisseurs et depuis cette époque, le parc immobilier, qui avait rapidement fleuri, n’a quasiment pas évolué ces sept dernières années. « La situation risque donc d’être tendue l’an prochain au niveau locatif, car on attend l’arrivée d’une centaine de personnes avec l’ouverture du centre de détention prévue mi-2022 », indique Cyrille Berhault, de l’agence Elipse immo, à Koné.

Parallèlement, le dispositif de défiscalisation, qui permettait à environ 150 propriétaires de bénéficier d’une réduction d’impôt pour l’achat de logements neufs sur VKPP, arrive à terme en 2022. Ces logements seront donc vendus ou mis en location. Voilà qui devrait encore changer la donne.

V.G.