Le projet australien de Vale cristallise les oppositions

Le collectif Usine du Sud = usine pays a lancé un appel à la mobilisation, vendredi, pour s’opposer à la vente de Vale-NC au consortium porté par l’Australien New Century Resources. Si la direction poursuit les négociations, l’opposition des coutumiers représente un risque réel pour la réalisation de la transaction.

L’usine du Sud fait couler beaucoup d’encre et ce n’est pas près de s’arrêter. Pour bien comprendre ce qui se joue dans le Sud, il faut remonter aux débuts des années 2000 avec le lancement du chantier. Un chantier poussé politiquement en réaction au projet de l’usine du Nord. L’un comme l’autre ont toujours été fortement marqués par l’intervention du politique et la volonté de démontrer la supériorité de leur modèle économique respectif. Le projet de l’usine du Sud a toutefois dû faire face à la forte opposition des représentants coutumiers des chefferies du Sud au travers du comité Rhéébù Nùù, créé en 2001. L’objectif était de faire entendre la voix des autochtones et d’imposer des normes environnementales strictes.

La confrontation a conduit à de nombreux blocages de l’usine ainsi qu’à des dégradations (le grand blocage d’avril 2006 a coûté près d’un milliard de francs). Face au mouvement, la direction brésilienne de Vale a dépêché son président de l’époque, Murilo Ferreira, pour signer en 2008 le pacte pour un développement durable du Grand Sud. Il prévoit plusieurs avancées sur le plan environnemental ainsi que des engagements financiers pour aider les populations locales à développer la région.

Mobilisation vendredi matin

De déboires en déboires, l’usine du Sud n’a jamais réussi à relever son défi industriel de faire fonctionner l’une des toutes premières usines hydrométallurgies de nickel. Ayant accumulé d’importantes pertes, le géant brésilien, embourbé dans un scandale environnemental lié à la rupture d’un barrage au Brésil ayant entraîné la mort de 115 personnes et la disparition de 248 autres, a décidé de se séparer de son actif calédonien. Après avoir réduit la valeur comptable de l’usine à peu de chose, la recherche d’un repreneur a commencé fin 2019.

Antonin Beurrier, le président de Vale NC a dévoilé à la presse son projet de cession à un consortium porté par New Century Resources (NCR), une jeune société minière australienne. L’accord exclusif de négociation de 60 jours, reconduit récemment pour 45 jours, a, de fait, écarté les autres projets de reprise et en particulier celui porté par la Sofinor, en partenariat avec le géant mondial Korea Zinc. Très rapidement, le comité Rhéébù Nùù a fait savoir son opposition au projet du PDG. Les coutumiers pointent notamment le fait que les engagements du pacte n’ont pas été respectés. Ils réclament donc à l’industriel de respecter sa parole sur le plan financier et de donner des garanties suffisantes pour assurer la protection de l’environnement.

Au registre des revendications, il est également question du repreneur australien dont les coutumiers ne veulent pas. Si Antonin Beurrier minimisait le poids de l’opposition en mai dernier, elle a pris de l’ampleur depuis. Le 12 août, à la tribu de la Conception, une première réunion invitant les huit aires et l’ensemble des organisations intéressées par l’avenir de l’usine s’est tenue et a permis de se compter. Lundi, la conférence de presse s’est déroulée au Sénat coutumier pour annoncer la mobilisation du vendredi 21 août. Le rendez-vous est fixé à huit heures, à la Maison des syndicats de la Vallée-du-Tir.

Sofinor-Korea Zinc plutôt que NCR

Le mot d’ordre, qui reprend le nom du collectif, est : Usine du Sud = usine pays. Un collectif qui regroupe les huit aires coutumières, le Sénat coutumier, l’USTKE, quelques associations environnementales, le FLNKS et ses composantes, ainsi que la DUS et le MNSK. Comme l’a souligné Daniel Goa, le président de l’Union calédonienne, « ces ressources appartiennent aux Calédoniens et à nos générations futures et nous en sommes les gardiens. Ne laissons pas les multinationales piller et décider à notre place ».

Le collectif dénonce la délocalisation indirecte de l’usine avec la fermeture de la raffinerie, élément clef de la nouvelle stratégie de l’industriel. Pour tenter de résumer, les producteurs de batteries électriques n’utilisent pas de NHC (le produit intermédiaire produit par Vale NC), mais de l’oxyde de nickel et du sulfate de cobalt. Les clients comme Tesla ne passeront donc pas de contrat directement avec Vale NC ou son repreneur, mais avec le raffineur. En l’occurrence, le raffineur du NHC calédonien est Vale Nickel Dalian, une usine du géant brésilien implantée dans le nord-est de la Chine. Si les choses devaient rester en l’état, Vale aurait certes mis 50 milliards de francs sur la table pour assurer la reprise de son usine, mais pourra récupérer l’essentiel de la valeur ajoutée en assurant la commercialisation du produit fini.

Récupérer l’essentiel de la valeur ajoutée, c’est l’une des ambitions du collectif qui réclame un montage similaire à celui de l’usine du Nord, à la différence près que l’usine est déjà payée, contrairement à celle du Nord. Le géant coréen aurait la charge d’exploiter l’usine et la raffinerie tout en offrant une assise financière suffisante pour servir de garantie en cas d’incident, notamment environnemental, ce que n’offrirait pas le repreneur australien, selon le collectif. Le PDG de Vale, qui a récemment présenté au personnel le futur logo de la société et son nom, Prony Resources, devrait avoir bien du mal à faire passer son projet dans l’état, d’autant que l’une des revendications fortes est de reprendre le dossier déposé par la Sofinor et Korea Zinc. Il y a fort à parier que le dossier est loin d’être bouclé, tout comme celui de la réforme du code minier permettant les exportations de minerais issus des réserves géographiques métallurgiques.

M.D.

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