La population s’est développée trois fois moins vite sur terres coutumières qu’ailleurs sur le territoire depuis les accords de Matignon et la provincialisation. C’est ce qu’il ressort du panorama des tribus réalisé par l’Isee* à partir des données du recensement de 2019. Un Kanak sur deux réside désormais en tribu. Ils étaient 62 % en 1989.
PLUS D’UN CALÉDONIEN SUR CINQ VIT EN TRIBU
En 2019, plus d’un Calédonien sur cinq habite en terres coutumières et un Kanak sur deux (56 400 pour 55 500 hors tribu). C’est moins qu’il y a 30 ans. Les jeunes s’installent de plus en plus en ville pour poursuivre leurs études ou travailler, en particulier les femmes, « très souvent plus diplômées », remarque l’Isee.
Conséquence de cet exode : près de 50 000 Mélanésiens ne résident pas dans la commune de leur tribu d’appartenance (ils étaient 18 000 en 1989). « Par exemple, Lifou compte 9 195 habitants du point de vue démographique auxquels, d’un point de vue coutumier, se rajoutent 13 800 personnes appartenant à une tribu de l’île, mais habitant dans une autre commune. »
DIPLÔMES ET EMPLOIS : UN GRAND ÉCART AVEC LE RESTE DU PAYS
Si la part des bacheliers en tribu a été multipliée par dix, passant de 2 à 20 %, « le retard en termes de diplômes ne s’est pas comblé : une personne sur cinq est bachelière contre une sur deux ailleurs ». Et « l’écart entre les Kanak et les non Kanak demeure important ».
Le « plus préoccupant », ajoute l’Isee, c’est que « la moitié des jeunes de 16 à 29 ans ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi ».
Le taux d’emploi progresse également moins vite (42 % contre 65 % hors tribu) et l’emploi dit « formel » y est plus précaire, avec davantage de saisonniers et de temps partiel. Mais, précise l’Isee, « le recensement ne permet pas d’appréhender dans quelle mesure cette réalité est choisie ou non, et complémentaire aux activités informelles » de la vie en tribu.
Autre constat : le taux de chômage y est deux fois plus important.
UNE ÉCONOMIE MOINS TRADITIONNELLE
Le salariat s’est répandu et l’activité diversifiée, conséquence, « le poids de l’agriculture a fortement diminué ». Les secteurs les plus pourvoyeurs d’emploi sont l’administration, l’enseignement et la santé.
Et les deux usines du Nord et du Sud « ont permis à de nombreux actifs d’éviter l’exode et de résider en tribu tout en travaillant à proximité ». Les ouvriers (35 %) sont la catégorie sociale la plus représentée devant les employés, les professions intermédiaires et les agriculteurs-pêcheurs.
« UN QUART DES MÉNAGES N’A PAS ACCÈS AU CONFORT ÉLÉMENTAIRE »
Certes, l’équipement s’est nettement amélioré, 94 % des logements disposent de l’eau courante, 91 % ont l’électricité et la moitié des ménages possèdent une voiture. Mais « environ 4 500 familles, soit un quart des ménages en tribu, n’ont pas accès à ce confort élémentaire ».
Il s’agit souvent des zones éloignées ou moins bien desservies en eau, comme Poum et Ouvéa.
À SAVOIR
Les clans, base de l’organisation coutumière de la société kanak, ont été réunis en tribus au sein de districts coutumiers, eux-mêmes regroupés
en aires coutumières. La tribu est une reconnaissance administrative, son existence « légale » date de 1867. La Nouvelle-Calédonie compte 341 tribus, 61 districts coutumiers et 8 aires coutumières.
A.-C.P.
©Illustration Shutterstock : La population en tribu a augmenté de 26 % entre 1989 et 2019, passant de 48 000 à 60 300 personnes, contre 82 % ailleurs, où elle est passé de 116 200 à 211 000 personnes.
*Institut de la statistique et des études économiques.
Pour aller plus loin : « Les tribus de Nouvelle-Calédonie en 2019 » et « Portrait de votre tribu » sur le site internet isee.nc