Le plan « d’après 19 avril » attendu ce jeudi

Sans nouveau cas avéré de Covid-19 depuis bientôt deux semaines, la Nouvelle-Calédonie prépare son déconfinement ou plutôt « l’adaptation de ses mesures de confinement ». Le retour à la vie économique et sociale sera progressif et devra s’accompagner de moyens. Il faudra, quoi qu’il en soit, continuer à vivre avec cette menace.

Thierry Santa l’a annoncé, samedi dernier, depuis son lieu de quatorzaine qu’il a désormais quitté : après une nouvelle semaine de précaution, et surtout de préparation, la Nouvelle-Calédonie peut envisager, à partir de ce lundi, 20 avril, un assouplissement des règles de confinement en vigueur depuis quatre semaines maintenant.

Cette perspective est rendue possible par les résultats positifs que nous avons pu observer : un nombre de cas avérés faible (18), isolés et importés, et surtout aucune nouvelle infection détectée depuis près de deux semaines.

Cet état de fait, satisfaisant, est lui-même la conséquence des mesures mises en œuvre depuis le 18 mars : la fermeture précoce du territoire, le placement systématique en quatorzaine des personnes rapatriées et de celles chargées de leur rapatriement, la détection et l’isolement des personnes « contact » et à risque, le dépistage élargi (plus de 3000 tests réalisés) et, bien sûr, le confinement de la population même si un certain nombre de secteurs ont continué à fonctionner.

Cette gestion et les résultats obtenus, avec un peu plus de recul, permettent aux autorités de penser qu’elles ont gardé le contrôle sur la situation, que l’épidémie a été évitée – tout du moins pour l’instant – voire que le virus ne circule pas localement.

Elles estiment donc que nous pouvons envisager de renouer avec la vie économique et sociale… en prévoyant des garde-fous. En clair, que la situation sanitaire ne justifie plus le confinement actuel avec les conséquences que l’on connaît sur les revenus des familles et les entreprises.

Calendrier progressif

Le nouveau cadre de cet « après 19 avril » doit être précisé. Il a été préparé par une « cellule d’anticipation » et ses contours discutés avec les autorités sanitaires, économiques, éducatives… Le président du gouvernement et le porte-parole de l’exécutif, Christopher Gyges, ont évoqué à plusieurs reprises une adaptation d’un point de vue « géographique, économique et sanitaire ».

L’exemple de l’Autriche a été cité en point presse.
Où en est donc ce pays qui est l’un des premiers de l’Union européenne à sortir du confinement ?L’Autriche, d’abord, a été relativement épargnée par le virus. Elle recense 14 000 cas et 368 morts pour quasiment 8,8 millions d’habitants. Les premières contaminations locales sont arrivées au même moment qu’en France et l’évolution était tout aussi inquiétante. Mais elle a réagi plus vite et plus drastiquement. Elle n’a jamais été débordée et a pu compter sur la discipline de ses citoyens.

Quatre semaines après le début du confinement, l’Autriche a donc présenté un calendrier progressif. Les petits commerces ont été autorisés à rouvrir mardi, ainsi que les magasins de jardinage et de bricolage, à condition de pouvoir faire respecter les gestes barrières. Les autres commerces, magasins de vêtements, coiffeurs, suivront dans deux semaines à l’exception de l’hôtellerie-restauration qui pourra reprendre par étapes, à partir du 15 mai, tout comme les écoles. Les limitations de sortie (travail, courses, balades, etc.) seront prolongées jusqu’à la fin du mois. Les évènements grand public sont annulés jusqu’à l’été.

Les reprises s’accompagnent de mesures sanitaires : la multiplication des tests et l’obligation de porter un masque dans les commerces et les transports publics. L’Autriche n’est pas la seule à privilégier une reprise prudente, c’est ce qui est envisagé un peu partout, notamment en France, mais elle entame ce chemin en précurseur et sera donc particulièrement scrutée. Son objectif a été affiché sans fioritures par le chef du gouvernement, conservateur, Sebastian Kurz : « Sortir plus vite de la crise que les autres ». Le pays se réserve toutefois l’opportunité de resserrer les vis si la situation devait rebasculer.

Questions

La Nouvelle-Calédonie entend donc, elle aussi, suivre cet exemple. Et serait, pour une fois, en avance sur la Métropole. Elle pourrait commencer par élargir le nombre d’entreprises, de commerces autorisés à fonctionner, étaler la reprise scolaire et conserver les règles en vigueur sur la distanciation, les gestes barrières, les évènements et les lieux rassemblant du public.

Les points sensibles ne manquent pas. Rouvrir les écoles pour éviter que les inégalités se creusent et pour libérer les parents est une chose, mais comment faire respecter les gestes barrières notamment aux plus petits ? Les enfants rentreront-ils en même temps, la classe sera-t-elle faite par petits groupes ?

On pense aussi à la différenciation géographique. Même si tous les cas sont importés, seule la province Sud est concernée. Complètement épargnées jusqu’à preuve du contraire, les provinces des Îles et Nord devraient-elles être considérées de manière particulière, comme l’a évoqué le président Jacques Lalié ? Rien n’est moins sûr.

Se pose par ailleurs la question des bars, restaurants et hôtels touchés depuis plus longtemps que les autres. Quand et sous quelles conditions pourraient-ils rouvrir ?

Enfin et surtout, quels sont nos moyens matériels présents et envisagés pour garantir une protection suffisante des professeurs, des travailleurs en masques, blouses, solutions hydroalcooliques et de la population générale en masques, comme cela est désormais préconisé par l’Académie nationale de médecine.

Nos autorités ont passé des commandes et lancé un appel à projets pour la production locale. À l’Assemblée nationale le député UDI, Jean-Christophe Lagarde, a interpellé le Premier ministre sur notre manque en masques et en tests pour un déconfinement. Édouard Philippe a indiqué que l’État essayera de fournir « un maximum d’équipement ». Tout cela devra être précisé. Il semble que ce soit partout un prérequis absolu pour une reprise d’activité.

Et puis, il faut aussi, dans le même temps, continuer à se prémunir d’une éventuelle aggravation de la situation. La Nouvelle- Calédonie, comme l’a recommandé le Conseil scientifique Covid-19, isole dans des structures dédiées les arrivants, les malades et assure un suivi actif des cas contacts. Elle s’est également équipée en hydroxychloroquine et a autorisé de manière préventive son usage par les médecins libéraux. Elle est, par ailleurs, en train de constituer sa réserve sanitaire. Elle teste systématiquement, depuis le 2 avril, toutes les personnes en fin de quatorzaine, même asymptomatiques, et globalement, toutes les personnes symptomatiques. Un plan de dépistage « massif » des Calédoniens est à l’étude avec un déploiement qui s’appuierait sur les dispensaires.

Mais envisage-t-on de se doter des moyens d’un dépistage généralisé avec des tests sérologiques, à l’essai en Métropole, qui permettent de tester les personnes sans symptômes, de mesurer qui a déjà eu le Covid-19 et est donc immunisé ? Ces tests devraient être validés d’ici une ou deux semaines et une commande pourrait être passée.

S’intéresse-t-on par ailleurs à l’utilisation du plasma des patients guéris (sérothérapie utilisée pour d’autres infections virales) qui offre un autre espoir de traitement que la chloroquine en l’attente d’un vaccin ? Cette option devrait aussi être étudiée.

Au final, il est essentiel de bien garder à l’esprit que la vie ne pourra pas reprendre normalement dans la mesure où l’on continue de rapatrier des résidents, à recevoir du fret, à vivre finalement dans un monde frappé de plein fouet par une pandémie.

Le président l’a rappelé : « le risque zéro n’existe pas et n’existera pas ! » Il faut donc apprendre à vivre avec la menace du Covid-19, continuer à se préparer au pire, imaginer même de devoir revenir à un confinement strict si la situation devait basculer. Et surtout inscrire dans la durée nos nouvelles habitudes de distanciation sociale, de respect des gestes barrières…

Christopher Gyges a insisté : « Nous ne sommes pas dans la même situation que la Métropole ». Ce qui selon lui nous permet une adaptation locale. La reprise sera quoi qu’il en soit, décidée de concert par le gouvernement et l’État.


Un déconfinement  « prématuré » pour Calédonie ensemble

Après avoir participé, mardi, à la mission d’information du Congrès, qui a notamment procédé à l’audition de la Dass, la cellule anticipation et du membre du gouvernement en charge de l’enseignement, Calédonie ensemble pense qu’un déconfinement à partir de lundi prochain est prématuré.

Le parti explique sa position en raison du « manque de garantie » de pouvoir disposer de masques de protection et de tests de dépistage, un principe « que le président de la République a lui-même posé comme conditions d’une sortie progressive du confinement à l’échelle nationale » et qui figure dans les 10 recommandations du conseil scientifique Covid-19 pour les outre-mer.

Calédonie ensemble pense, par ailleurs, que nous serions le premier territoire à l’échelle de la République à engager une telle stratégie et que faute de retours d’expérience, nous serions exposés « à tous les risques » avec des inquiétudes notamment dans les écoles et le milieu coutumier.

Le Premier ministre a par ailleurs souligné que le déconfinement nécessitait une « logistique complexe » ainsi qu’un « important travail de préparation. » Il semble donc à Calédonie ensemble que les principes retenus à l’échelle nationale devraient l’être pour le territoire. Et de conclure qu’un déconfinement précoce « serait pire pour l’économie s’il devait être suivi d’un reconfinement ».


Des textes exceptionnels au Congrès

Les membres de la commission permanente ont adopté, samedi, lors d’une séance du Congrès
plusieurs délibérations instaurant des mesures exceptionnelles liées à l’épidémie de Covid-19.
L’accès au chômage partiel pour les entreprises touchées par les conséquences de la crise sanitaire ainsi qu’un assouplissement des règles administratives et fiscales ont été entérinés.

Le Congrès a, par ailleurs, validé l’aide pour les ressortissants bloqués à l’étranger, fixé le régime des réquisitions (notamment des hôtels) ainsi que le financement de toutes les opérations de rapatriement et de quatorzaine pour un budget estimé par Yoann Lecourieux, membre du gouvernement, à 1,5 milliard de francs.

Les élus ont par ailleurs étendu aux médecins libéraux la possibilité de prescrire l’hydroxychloroquine au cas où l’épidémie dépasserait le périmètre hospitalier.

Enfin, un texte a été voté pour obliger les grandes et moyennes surfaces à distribuer leurs denrées en date limite d’utilisation optimale à la banque alimentaire de Nouvelle-Calédonie. La plupart des groupes ont salué le volontarisme et les décisions « courageuses » du gouvernement à qui il revient en premier lieu de gérer cette crise.


Un planning plus lisible pour les rapatriements

Le programme de rapatriement des résidents à l’étranger et en Métropole va s’étaler encore sur trois semaines environ en collaboration avec Aircalin. Au programme, chaque mardi, un vol en provenance de Sydney, chaque mercredi, un vol en provenance de Tokyo et chaque jeudi, en provenance d’Auckland. Le rapatriement au départ de Paris est programmé à partir de cette semaine, chaque vendredi, puis avec un vol supplémentaire les mercredis à partir du 29 avril. Le rythme des voyages dépend des capacités d’accueil des hôtels (sept établissements sont désormais réquisitionnés) et des règles en vigueur dans les autres pays. Mercredi 723 personnes étaient en quatorzaine dans les hôtels.


Les équipiers du Lapérouse « traités comme tous les arrivants »

Les 92 membres d’équipage du Lapérouse, bateau de la compagnie Ponant navigant sous pavillon français sans passager, sont soumis à une quatorzaine à bord. Leur état de santé a fait l’objet d’un contrôle dès leur arrivée dans les eaux calédoniennes et ils sont suivis régulièrement. Comme pour les rapatriés, ils feront l’objet d’un test de dépistage à l’issue de leur quatorzaine. Le navire, qui était en Nouvelle-Zélande, a fait une demande de protection du pavillon pour venir se replier localement.


Le cas des personnes guéries

Selon les autorités, une personne est considérée comme guérie lorsqu’elle ne présente plus aucun signe de la maladie, 14 jours après l’apparition des premiers symptômes. Pour être autorisée à quitter le Médipôle, elle doit passer deux tests négatifs à 48 heures d’intervalle.

C.M.