La 23e assemblée générale du Pecc s’est tenue en septembre à Manille, aux Philippines, en présence de ses 25 pays membres. Au programme, ce thème : « Moteurs de croissance pour le XXIe siècle : parvenir à une croissance équilibrée, inclusive et durable », avec une séance sur les mines et les difficultés rencontrées par certains pays. Compte rendu avec Dominique Chu Van, président du comité calédonien du Pecc.
DNC : Le sujet des mines et des ressources naturelles a été développé avec trois témoignages intéressants. À commencer par celui de la Mongolie…
Dominique Chu Van : Cet ancien satellite de l’URSS de trois millions de personnes, trois fois la France, s’est retrouvé sans rien après la chute du bloc soviétique. Un large programme d’investissements étrangers a été lancé au début des années 90 pour exploiter un sous-sol extraordinaire : 6 000 gisements de plus de 80 minéraux, une réserve de charbon de huit milliards de tonnes… Lors du boom, 4 % des actifs ont produit le tiers du PIB, les investissements étrangers et le PIB ont été multipliés par 10, la monnaie mongole a été appréciée de 50 %…
DNC : Que s’est-il passé lors de la crise ?
Dominique Chu Van : Au cours de la crise de 2009, on a vu que cette croissance super rapide n’avait pas été bien gérée. Le tugrik mongol a perdu 35 % de sa valeur ! Il y a des problèmes environnementaux, de la corruption, les mineurs se sont retrouvés à la rue et les populations se sont retournées contre les étrangers. Ils ont été touchés par ce que l’on appelle la « Dutch disease » ou la malédiction des ressources naturelles. Leur message est aujourd’hui extrêmement sévère.Ils veulent retirer les politiciens des trois grands partis des affaires, ceux qui n’ont pas su gérer ce développement, et les remplacer par des jeunes éduqués, davantage tournés vers l’intérêt général.
DNC : Autre exemple, celui des Philippines, un concurrent de la Nouvelle-Calédonie en matière d’exportation de minerai…
Dominique Chu Van : Un pays qui exporte trois fois plus de minerai de nickel que la Nouvelle- Calédonie vers la Chine. Les Philippines comptent 100 millions d’habitants dont 12 millions travaillent à l’étranger. Ils ont eux aussi mis en avant d’importants problèmes environnementaux, un développement anarchique des mines et de gros soucis de répartition des richesses.
DNC : Quelles leçons en tirent-ils aujourd’hui ?
Dominique Chu Van : Les Philippins préconisent « d’éduquer » les firmes minières à respecter les lois et les bonnes pratiques internationales, de renforcer le poids des gouvernements locaux, de développer la capacité des communautés à mieux communiquer et travailler avec les compagnies minières…
DNC : L’exemple de l’Australie a également été évoqué…
Dominique Chu Van : C’est l’exemple d’un développement réussi du secteur des services grâce aux matières premières. Le secteur du METS (Mining Equipment, Technology and Services) qui développe tout ce qui tourne autour de l’industrie (engineering, maintenance, etc.), a eu une croissance supérieure à celle des mines elles-mêmes sur tout le territoire australien. Pour eux, ce qui est vital, c’est le capital humain et le savoir-faire pour maîtriser et réduire les coûts, rester compétitifs globalement, puis exporter ces services. Pourquoi ne pas avoir cette même ambition chez nous avec nos usines ? C’est possible avec tous nos jeunes qu’il faut déjà bien orienter et auxquels il faut aussi donner envie !
DNC : Le rapport de l’institut McKinsey, pôle de recherche économique
et social du groupe McKinsey, sur comment vaincre la malédiction des matières premières a été évoqué. Que ressort-il de ce rapport ?
Dominique Chu Van : Il y a d’abord ces constats : augmentation des pays dépendants aux matières premières, 58 en 1995 et déjà 81 en 2011, 69 % des personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde vivent dans ces pays, 80 % d’entre eux ont des revenus inférieurs à la moyenne mondiale…
DNC : Quelles sont alors les pistes proposées ?
Dominique Chu Van : L’institut McKinsey préconise l’évaluation des politiques dans plusieurs domaines. La question des institutions et de la gouvernance a été évoquée avec, par exemple, la participation majoritaire ou minoritaire du pays dans les sociétés exploitant les ressources. Ici, ils indiquent qu’il n’y a pas de doctrine idéale mais qu’il faut trouver sa propre voie, être pragmatique et s’adapter aux réalités du monde.
Selon eux, il y a, par contre, certains principes vitaux pour réussir : avoir une réglementation claire et stable, des rôles parfaitement définis au sein des institutions et entre les différents acteurs, éviter les conflits d’intérêts, utiliser les observateurs économiques issus des autres secteurs, retenir les meilleurs talents dans le pays, développer ses propres infrastructures grâce aux projets ou encore avoir une politique fiscale compétitive mondialement, utiliser efficacement les revenus des matières premières pour que les retombées profitent au pays et le faire en toute transparence.
DNC : Allez-vous fournir ce rapport localement ?
Dominique Chu Van : Ce rapport, publié en décembre 2013, est disponible sur Internet et est en anglais. Sa lecture est un must pour tous ceux qui veulent comprendre et trouver des idées pour faire avancer notre pays. C’est une étude très complète qui a quand même identifié 87 pays dépendant des matières premières pour leur développement. La Nouvelle Calédonie en fait partie. La complexité du sujet et des études réalisées, les nombreuses expériences et taux de réussite très différents cités dans ce rapport ne devraient-ils pas être une incitation pour nous à faire preuve d’humilité dans nos débats ?
Propos recueillis par C.M.
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Qu’est-ce que le Pecc ?
Le Conseil de coopération économique du Pacifique (Pecc) est un partenariat de représentants du milieu des affaires et de l’industrie, du gouvernement et du monde universitaire de 25 pays du Pacifique cherchant à renforcer la collaboration économique dans la région. Le Pecc applique son approche tripartite à une variété de programmes de recherche stratégique dans des domaines tels que la politique commerciale, le développement des marchés financiers, mais aussi l’énergie et l’urbanisme écologique. Le Pecc a un statut d’observateur officiel au forum Coopération économique Asie- Pacifique (Apec) et il s’investit dans un certain nombre d’activités de recherche pour ce groupement régional.