Le pays du « long nuage blanc » peut-il inspirer ?

Selon les autorités néo-zélandaises, certains défis au développement des terres maories demeurent, notamment l’accès limité à l’information et au financement. (© Fiona Goodal via AFP)

L’économie maorie a enregistré une croissance régulière de plus de 5 % par an, selon les autorités néo-zélandaises. Les chambres consulaires et autres chefs d’entreprise invitent à étudier ses spécificités pour le développement des terres coutumières en Nouvelle-Calédonie.

He kai kei aku ringa. Il y a de la nourriture au bout de mes mains. Ce proverbe, qui signifie la résilience, la responsabilisation et l’espoir, dénomme le partenariat de croissance économique entre les Maoris et la Nouvelle-Zélande. Le modèle inspire en Nouvelle-Calédonie pour le développement des terres coutumières.

Le sujet fut abordé avec Winston Peters, ministre kiwi des Affaires étrangères et vice-Premier ministre, lors de sa visite en décembre. Manuel Valls, ministre d’État des Outre- mer, y a fait référence dans sa déclaration devant les acteurs économiques du Caillou fin février. La question a surgi lors de l’édition 2025 du French Business Pacific Forum, début mars à Auckland, avec la CPME NC. « Il n’y a pas de solution miracle, et le contexte est différent », observe Jacinthe Toura, cheffe d’entreprise à Canala, qui s’est penchée sur ce modèle. Néanmoins, « il faut poursuivre l’analyse. Ce n’est pas impossible ».

IDENTITÉ

Les Maoris représentent près de 20 % de la population néo-zélandaise. Et, selon les chiffres officiels, leur contribution à l’économie de la Nouvelle-Zélande est passée de 17 milliards de dollars NZ (6,5 % du produit intérieur brut) en 2018 à 32 milliards de dollars (soit 8,9 %) en 2023.

Il y a 40 ans, cette part était établie à 1 % du PIB, c’est- à-dire le niveau de la richesse créée ces dernières années dans l’espace coutumier de Nouvelle-Calédonie, selon David Guyenne, président de la Chambre de commerce et d’industrie. Des signaux ne sont ici pas bons, à la lecture d’une étude de NC ÉCO publiée en 2021. Entre autres conclusions émises par le groupe qui rassemble les acteurs économiques du territoire : la tribu est de moins en moins attractive pour ses jeunes et perd ses forces vives.

Or « par l’économie, le monde coutumier maori a pu accéder à de la prospérité », observe le responsable de la CCI. Ce qui permet de favoriser « la réduction des inégalités » ou encore « l’affirmation d’une identité »… Au point où l’« on parle de la “renaissance maorie” ».

Si la réflexion débute sur le Caillou et si une réplique à l’identique est inconcevable, les chambres consulaires et autres chefs d’entreprise estiment que le sujet doit être creusé. Il y a tout d’abord une base solide. Les Maoris ont un rôle constitutionnel reconnu et puissant dans la société néo-zélandaise, étayé par le document fondateur de la nation, le traité de Waitangi.

Puis les moyens ont été mis au niveau universitaire et de la recherche, pour l’élaboration et l’accompagnement de l’entreprise maorie. Société dont la gouvernance, l’objet social, l’organisation sont la traduction même de l’esprit de ce peuple polynésien. L’expertise du gouvernement national a aussi été déployée dans le but d’agencer cette économie et d’inciter les tribus à se lancer dans la démarche.

Ces habitants ont notamment instauré des institutions et des structures de soutien pour promouvoir leur développement économique. Comme la MWDI, un organisme financier unique, gouverné, géré et exploité par des femmes pour les projets des femmes et de leur famille, en fournissant des prêts et des conseils aux entreprises. En outre, des fiducies, ou trusts, sont créées pour gérer des terres appartenant à plusieurs personnes. Le gouvernement nomme également un Maori trustee dont le rôle est d’administrer le foncier en pleine propriété maorie et d’autres actifs au nom des propriétaires bénéficiaires.

QUESTION DU GDPL

Selon un rapport officiel néo-zélandais, le plus grand nombre d’entreprises appartenant à des Maoris en 2023 se trouve dans la construction (5 865), l’agriculture, la sylviculture et la pêche (4 908), et les services professionnels, scientifiques et techniques (3 117).

Des acteurs calédoniens pensent eux aux cultures, à l’artisanat, au tourisme, au commerce, à la mine, à l’industrie agroalimentaire ou encore à l’énergie. Mais, au regard de l’expérience, « le statut du GDPL mérite que l’on se pose la question : est-ce le bon véhicule ? » estime David Guyenne. Le groupement de droit particulier local est principalement constitué de personnes de statut civil coutumier et est régi par le droit afférent.

La Nouvelle-Zélande a opté pour un seul type juridique d’entreprise, maori ou non. Des outils sont toutefois utilisés pour lancer et favoriser le développement d’un secteur : défiscalisation, subventions, prêts spécifiques… « Quand on veut construire un projet commun, c’est toujours mieux quand on a des règles communes. La fiscalité en fait partie », ajoute le président de la CCI. Point central : les principaux concernés, les autorités coutumières, doivent évidemment adhérer pour que le mouvement s’enclenche en Nouvelle-Calédonie.

« Le schéma fonctionne. Mais on ne peut pas parler de nouveau modèle économique sans parler du modèle sociétal » analyse Jacinthe Toura, à Canala. La valeur comptable des actifs des Maoris est passée de 69 milliards de dollars NZ en 2018 à 126 milliards de dollars en 2023. Soit une évolution de 83 %.

Yann Mainguet