« Le patrouilleur outre-mer Auguste Bénébig est une révolution »

Le nouveau navire des Forces armées de Nouvelle-Calédonie (FANC) doit arriver à Nouméa lundi 3 avril, vers 15 h 30. Le patrouilleur outre-mer (POM), premier de son type à sortir des chantiers navals de la Socarenam à Boulogne-sur-Mer, sera visible depuis le Rocher à la Voile ou depuis l’eau pour les propriétaires de bateau. Un second, le Jean Tranape, le suivra en 2024. Entretien avec le capitaine de vaisseau Guillaume Montanié, commandant de la base navale de Nouméa.

 

DNC : Les Forces armées de Nouvelle- Calédonie (FANC) accueilleront bientôt un nouveau patrouilleur, l’Auguste Bénébig. Est-ce que les Calédoniens verront une différence ?

Capitaine de vaisseau Guillaume Montanié : Nous aurons une meilleure surveillance de notre zone économique exclusive (ZEE) et une meilleure capacité d’intervention, que ce soit dans le cadre des différentes missions du patrouilleur et de l’action de l’État en mer. Le bâtiment est plus moderne, avec plus de confort.

À bord, les conditions de vie sont confondues avec les conditions de travail. Si le bateau bouge moins, les marins se reposeront mieux et ils seront capables de mieux tenir leurs quarts. Avec moins de roulis et de tangage, ils mettront plus facilement en œuvre les systèmes de surveillance et d’armes.

Le nouveau patrouilleur, plus gros, sera plus visible à ses retours de mission. Ce bâtiment moderne suscitera peut-être aussi plus de vocations au cours des ouvertures au public et des activités avec la jeunesse. Cela va jouer sur l’image d’une Marine moderne. Et, je pense, sur celle d’une nation qui investit et qui tient ses promesses.

On passe de la deux-chevaux à la Tesla. »

Pourquoi ce renouvellement était-il nécessaire ?

Les patrouilleurs de type P400 (La Glorieuse et La Moqueuse, NDLR), construits dans les années 1980, arrivaient à bout de souffle. Les moteurs étaient épuisés. La structure de la coque, dans un océan Pacifique qui ne porte que le nom, a beaucoup souffert. On passe de la deux-chevaux à la Tesla. Le patrouilleur outre-mer est une révolution,

tant le gain de capacité est important dans trois domaines : il est plus endurant, plus agile et rapide, tient mieux la mer et peut projeter un drone qui rallonge de 50 km sa portée de surveillance. La ZEE française est la deuxième plus grande au monde. Nous avons maintenant des senseurs et des capteurs à son échelle.

Ce nouveau navire est-il plus adapté à l’océan Pacifique ?

Ce sont des patrouilleurs de zone Indo-Pacifique. Ces bateaux ont été conçus pour patrouiller dans cet espace. Le cahier des charges prend en compte la nécessité d’aller loin et longtemps, des caractéristiques propres aux trois zones de déploiement : La Réunion, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

L’Auguste Bénébig est parti de Brest avec une mer 6 et tenait parfaitement des creux de 4 mètres. C’est encourageant pour ses futures missions.

C’est une reconnaissance de la contribution de la Nouvelle-Calédonie, un des premiers territoires ralliés à la France libre. »

Pourquoi les noms de Jean Tranape et Auguste Bénébig ont-ils été retenus ?

Ce sont deux Calédoniens dont l’engagement et les actes de bravoure lors de la Seconde Guerre mondiale raisonnent encore dans la mémoire des Calédoniens. Ils sont tous deux compagnons de la Libération. C’est une reconnaissance de la contribution de

la Nouvelle-Calédonie, un des premiers territoires ralliés à la France libre. C’est la première fois que ces noms sont attribués. Cela montre toute l’attention que la Marine porte aux outre-mer. Ces noms aideront indéniablement à l’appropriation par la population de ces nouveaux patrouilleurs. Les Calédoniens en seront très fiers.

Que va devenir La Glorieuse ?

Il y a d’abord la phase de désarmement, puis la phase de déconstruction. Tout le désarmement se fera ici. Les travaux commenceront mi-mai, après l’exercice Croix du Sud. Dans la Marine, retirer l’équipage constitue le désarmement.

Avant cela, nous sécurisons le bâtiment. Nous débarquons le matériel qui est revendu ou placé sur d’autres bâtiments. Des industriels locaux viennent ensuite pomper les soutes et les nettoyer. Tous les produits dangereux sont retirés. Dernière étape, le bâtiment est obturé, les hélices et les matures sont enlevés. Là, nous avons une dernière cérémonie des couleurs.

 

 

Le bateau rentre ensuite dans la seconde phase, la déconstruction. Le gouvernement, le cluster maritime et le port autonome veulent créer une filière locale. Des discussions sont déjà engagées. La volonté de le faire localement est nouvelle. La plupart des bateaux sont retournés en Métropole pour être désarmés et déconstruits.

Certains ont été coulés, comme La Dieppoise qui est devenu un site de plongée. Pour couler un bateau, il faut qu’une demande officielle soit formulée. Avant de se poser la question, il faut vérifier que la réglementation locale le permette et que le ministère des Armées l’autorise.

 La fin d’un bateau nécessite tout un devoir de mémoire. »

Comment dit-on adieu à un navire militaire ?

L’État-major interarmées est en train de travailler sur une dernière ouverture au public. La fin d’un bateau nécessite tout un devoir de mémoire. Nous réfléchissons à entretenir son souvenir. Le canon de 40 mm va être mis en valeur à la base navale de Nouméa. Des objets symboliques pourront être récupérés par la ville marraine (Dumbéa, NDLR) et le commandant supérieur des FANC.

 

 

Les plaques « Honneur », « Patrie », « Valeur » et « Discipline » se retrouveront sur le fronton du bâtiment du commandement de la base navale. Le renard (un tableau de présence pour les officiers, NDLR) ira sur le nouveau POM. C’est une forme de passage de témoin.

Propos recueillis par Brice Bacquet

« La France investit dans ses outre-mer et dans l’axe Indo-Pacifique », se réjouit le capitaine de vaisseau Guillaume Montanié. / © B.B.