Le Palika a 40 ans : des bougies au goût amer

Il s’est dit des choses à Voh le week-end dernier, à l’occasion des festivités organisées pour célébrer le quarantième anniversaire du Palika. Le parti de Paul Néaoutyine avait invité les principaux groupes politiques du pays afin qu’ils puissent donner leur « vision sur l’avenir du pays à l’aube de la sortie de l’Accord de Nouméa ». Chez les non-indépendantistes et finalement sans surprise, Calédonie ensemble a non seulement honoré l’invitation, mais Philippe Gomès s’est livré à une déclaration qui n’a pas manqué de faire réagir au moins autant que sa présence à la fête. À tel point que ce qui apparaît pour beaucoup comme une faute politique a conduit cette semaine le parti à faire feu de tout bois pour prendre la défense de son chef de file.

Mise en ligne et abondamment commentée sur les réseaux sociaux, la photo de la semaine est incontestablement celle d’un Philippe Gomès aux premières loges pour voir les militants du Palika et de la gauche locale souffler les bougies d’un fort appétissant gâteau aux couleurs de la Kanaky. La petite histoire ne dit pas si la crème pâtissière était digeste, car dans cette affaire il est essentiellement question de symboles. La préparation de la sortie de l’Accord de Nouméa demande sans contestation possible que le fil du dialogue ne soit pas rompu entre les différents partenaires de l’Accord. C’est vrai en Nouvelle-Calédonie entre les partenaires locaux, c’est tout aussi vrai avec le partenaire État.

Mais une fois posé ce constat d’évidence, incontestable et d’ailleurs incontesté contrairement à ce que voudraient faire croire quelques ragots de bas étages, les différents responsables politiques du pays doivent tout de même prendre enfin en compte l’extrême sensibilité de la population sur cette question. Or les festivités organisées voici une semaine par le Palika, si elles sont parfaitement légitimes, 40 ans, cela se fête, étaient sans ambiguïté sur le but et les objectifs poursuivis par le parti à la tête de la province Nord et qui apporte sans sourciller son soutien à la politique conduite par le Président du gouvernement : « Faire accéder le pays à l’indépendance, c’est notre responsabilité. »

Indéniables convergences

Sur le fond, mais finalement sans grande nouveauté, Paul Néaoutyine a évoqué un avenir qu’il conçoit au regard du slogan de son mouvement tout en envisageant avec pragmatisme l’option d’une indépendance- association même si elle n’est pas, à ce jour, partagée par l’ensemble de la famille indépendantiste.

Pour sa part, Philippe Gomès a remis sur la table sa fameuse « petite nation calédonienne dans la grande nation française » et d’appeler de nouveau de ses vœux l’émergence d’un peuple calédonien exprimant un désir d’avenir partagé. Dans cette double perspective, l’exercice d’inventaire qui doit aboutir au décompte de convergences et des divergences se teinte d’un nouvel éclairage.

Les proximités et l’axe dénoncés de longue date réapparaissent au grand jour comme au meilleur du conflit des rouleurs.
C’est d’ailleurs assez paradoxal mais aussi symptomatique seulement quelques jours après que l’assemblée de la province Nord se soit prononcée contre la cession d’une action de la STCPI à l’État pour mettre en œuvre le plan dit Gomès de sauvetage de la SLN. Il existe visiblement des raisons de rupture que la raison ignore et donc des convergences objectives pour ne pas dire des connivences que tous les argumentaires stéréotypés ne peuvent occulter.

L’objectif n’est d’ailleurs pas uniquement le scrutin de 2018. Car si cette perspective est bien aujourd’hui celle qui cristallise l’attention des Calédoniens, ce sont les deux élections programmées l’an prochain, à savoir la présidentielle et les législatives, qui motivent sur le terrain les partis non indépendantistes. Le positionnement de Calédonie ensemble, qui se targue de n’être rattaché à aucun mouvement national, permet toutes les alliances, même les plus improbables, et tous les changements de bord. Et si ce pari peut s’avérer payant, tant en ce qui concerne les échéances nationales que les scrutins locaux, il manque pour le moins de clarté et de dignité.

C.V.