La troisième commune la plus peuplée du territoire (28 000 habitants) a été touchée par les exactions comme ses voisines. Sa morphologie a cependant donné un résultat différent : des dégâts matériels moins nombreux, mais une “prise” de Saint-Michel et un énième isolement de la population au sud à partir de Saint-Louis.
Les émeutiers ont détruit ce qu’ils pouvaient sur la partie nord : des commerces depuis le Pont-des-Français jusqu’à Saint-Michel (Darty, quatre commerces à Conception, une dizaine dans le cœur de ville à Boulari, McDonald’s, etc.) qui sont cependant bien moins nombreux qu’à Dumbéa ou Ducos. Robinson a pu être épargné à ce niveau.
La mairie recense au moins 120 millions de francs de dégâts sur le mobilier urbain, les éclairages publics, les réseaux d’eau, électriques, la vidéosurveillance qui venait d’être doublée (26 caméras détruites sur 30), les bâtiments communaux (mairie, bureaux, bibliothèque du Pont-des-Français, marché, centre culturel, gendarmerie).
Sur la partie province, la RP1 est fortement endommagée et le collège de Boulari, sauvé par les habitants de plusieurs tentatives d’incendie, a perdu plusieurs salles de classe et administratives. Heureusement néanmoins, la présence de la deuxième route de La Conception a constitué une échappatoire même si elle a été bloquée et nettoyée à une dizaine de reprises.
SAINT-MICHEL PRIS POUR CIBLE
Toutes les zones intérieures partant de la RP1 et donc les logements et les écoles (seules quelques intrusions et vitres cassées ont été recensées) ont été protégés par les riverains. Toutes, sauf Saint-Michel, situé juste avant Saint-Louis et habituellement protégé à Thabor en cas de troubles à la grande tribu. Ici, la gendarmerie a été prise pour cible, des logements ont été vandalisés, des véhicules incendiés et des carjacking signalés. La maison de la ferme laitière a été incendiée.
Les populations ont été terrorisées. « Des personnes ne voulaient pas sortir ou se soigner. Pour certains, c’est un amusement de taper sur des tôles avec des bâtons mais en face, on a vu la peur. Ici, ce ne sont pas des immeubles, donc c’est ouvert », relate le maire Eddie Lecourieux. On recense au Mont-Dore, la mort d’un gendarme et des victimes indirectes.
LE SUD, UNE « GRANDE PRISON »
La commune est à nouveau rongée par le problème de la route à Saint-Louis, où les forces de l’ordre n’ont pas encore mené leur grosse opération. « On vous dira que vous pouvez passer, mais c’est faux, ce n’est pas sécurisé. Ils vous laissent passer à l’aller et vous prennent tout au retour », alerte Florent Perrin, président de l’association Citoyens montdoriens.
Au Mont-Dore sud, vivent 11 000 personnes et 3 000 à Yaté. Elles n’ont pas connu les destructions de la partie nord, mais elles composent avec d’importants barrages aux Jardins de Belep, à La Briquetterie et à Plum. Chicanes et carcasses sur 500 à 600 mètres. Lundi 10 juin, une habitation inoccupée du lotissement Porte-Dore à La Coulée a été la cible d’un incendie, des échanges de tirs auraient eu lieu avec les gendarmes. Les riverains font état de fouilles et de vols de véhicules, de carjacking sur des personnes âgées.
Les habitants sont isolés, avec ce sentiment récurrent d’être abandonnés. Dès la fermeture de la route, le protocole de liaison maritime a été mis en place entre la mairie et la province Sud pour les malades, dialysés, femmes enceintes, les vivres pour les maisons de retraite. Il est depuis monté en puissance avec le transport de 500 personnes par jour. De petites barges ont effectué des rotations la deuxième semaine avec des palettes pour les commerces (produits secs).
Une rampe d’accès a été construite par la commune au Vallon-Dore pour accueillir des chargements plus importants, notamment de carburant dont le premier est arrivé le 9 juin. L’absence de directeur au port autonome a fait perdre six jours selon la municipalité. L’objectif est d’atteindre quatre barges par semaine.
L’association Citoyens montdoriens a demandé de pouvoir utiliser le bateau de Prony Resources et d’élargir les horaires du couvre-feu pour pouvoir travailler. Ils jugent les approvisionnements encore insuffisants, notamment sur le gaz et le frais. La ferme Paddock Creek a un besoin immédiat de nourriture pour ses 100 000 poules (une dizaine de tonnes par jour). Avant, elles produisaient 65 000 œufs par jour, c’est désormais 6 000. Il manque aussi de la farine pour les boulangeries. Que ce soit pour les personnes ou les vivres, la situation n’est pas tenable d’autant que les besoins seront grandissants. L’essentiel est bien « la sécurisation et l’ouverture de notre axe », répète le maire.
L’attente sur les quais
Angela s’est rendue du Vallon-Dore à Boulari pour voir sa mère. Si elle apprécie cette solution maritime, elle estime qu’« on ne peut rien prévoir avec les temps d’attente ». « Ma grande crainte est que quelque chose arrive de l’autre côté et qu’on ne puisse pas y aller. C’est comme une grande prison depuis un mois. »
Loïc et Carl* habitent Plum, l’un travaille dans le BTP, l’autre dans une entreprise de Ducos. Ils font le déplacement tous les jours pour quatre heures de travail. « On vient nous chercher à Boulari, c’est plus simple. » Leur objectif : percevoir un salaire, même diminué, le mois prochain.
500 personnes sont transportées quotidiennement entre le Vallon-Dore et Nouméa ou Boulari par différents types de navettes, Coral Palms (100 places – deux rotations) et taxi-boat (10 à12 personnes).
*Les prénoms ont été modifiés.
Chloé Maingourd