Le letchi n’est pas à la fête

Saison catastrophique pour le letchi qui va manquer à Noël. La fraîcheur et la sécheresse de sa région natale, en Chine, lui ont cruellement fait défaut au moment de la floraison, une fois de plus. Le fruit fragile semble moins adapté que jamais au climat calédonien, au point que du côté de Houaïlou, des producteurs réfléchissent à le remplacer.

Une bonne année, une moyenne, puis une mauvaise : ainsi va le cycle habituel de la culture du letchi en Calédonie.

Dans la région de Houaïlou, les producteurs se demandent où sont passées les bonnes années. La chaleur et les 3 000 millimètres de précipitation dans l’année ont été fatals. Pas de stress hydrique, pas de floraison, pas de fruit.

« Rien, nada. Zéro kilo, même pas une fleur » sur les cent pieds du lycée agricole Do Neva. Thomas Carlen constate que le climat devient « de plus en plus aléatoire » : quand l’excès d’eau n’empêche pas la naissance du fruit, la sécheresse le fait tomber de l’arbre.

« Le letchi étant très sensible, il deviendra une culture secondaire pour l’agriculteur », prédit le directeur du lycée, ce qui serait un bouleversement à Houaïlou. « Pour les cinq ou six producteurs qui ont plus de 200 pieds, c’est une vraie question. »

Car voici une autre règle : face aux difficultés, face aux revenus trop instables, un agriculteur s’adapte. « Nous, on a déjà commencé la reconversion en plantant de la lime, qui est vraiment adaptée à notre type de sol. »

Thomas Carlen essaye aussi une variété précoce d’orange, la Washington Navel. « Pour l’autre partie du verger de letchis, on hésite encore. On pourrait planter de la mandarine, qui reste un produit très demandé. »

PAS ENCORE DE SOLUTION MIRACLE

Comment s’adapter à la hausse des températures, au changement climatique dans son ensemble ? Du côté de l’association de producteurs Arbofruits, on scrute les tentatives effectuées hors de Calédonie.

« À La Réunion, ils font des essais de culture en altitude pour essayer de retrouver un peu de fraîcheur. On continue à faire toutes les expérimentations possibles, mais il faut se dire que même ailleurs, on n’a pas encore trouvé la solution miracle », prévient Gaël Caron-Laviolette.

Le directeur place quelques espoirs dans les variétés autres que la Tai-So, qui constitue « 99 % » du verger calédonien.

« L’IAC a introduit il y a une dizaine d’années la variété hawaïenne Kaimana, plus adaptée aux conditions calédoniennes. » Mais de là à « endiguer les conditions climatiques… », il ne s’avance pas. Et l’IAC non plus.

22 VARIÉTÉS, ZÉRO FLEUR

Depuis 1993, l’Institut agronomique néo-calédonien a introduit 22 cultivars. « Cette année, aucune n’a produit de fleur », indique Stéphane Lebegin, ingénieur agronome responsable de la station de Pocquereux.

Son constat est simple : « on est démuni face au changement climatique ». Ses conséquences sont d’autant plus fortes que le letchi n’a jamais été un fruit pleinement adapté au climat calédonien.

« Le letchi vient de la région de Canton, en Chine. Là-bas, la journée, il fait 15 degrés et le climat est plus sec. La Calédonie est à la limite de la zone où on peut le cultiver », et semble passer progressivement de l’autre côté.

Rien ne dit qu’il soit impossible de cultiver le letchi par temps plus chaud, mais il faudra développer cette nouvelle variété.

« Il faudrait beaucoup plus de moyens humains et financiers pour améliorer notre compréhension, pour lancer une batterie d’expérimentations génétiques et techniques », estime Stéphane Lebegin. « Et on est déjà très mobilisés sur l’orange, la mandarine, la banane… On ne peut pas, seuls, pallier toutes les demandes. »

Gilles Caprais

Photo : G.C. En 2021, année moyenne, une centaine de tonnes avaient été commercialisées au mois de décembre, contre 52 l’année précédente, et 160 tonnes en 2018, excellente année.

25 ans de réfléxion 

Pour trouver des réponses aux faibles rendements, aux récoltes qui se suivent et ne se ressemblent pas, la Chambre d’agriculture et de la pêche et Arbofruits avaient entrepris des voyages d’études en Chine en 1997 et à Taïwan en 2000, année où le chercheur Teng Yung-shing était venu « apporter un appui à l’élaboration de techniques largement utilisées à Taïwan » : taille, incisions annulaires, fertilisation.

Mangue et vanille également concernées

L’excès de chaleur et d’humidité a également réduit à néant la floraison des manguiers. Chez Arbofruits, on s’attend également à une saison catastrophique pour la vanille.