La Compagnie maritime des îles doit recevoir un bateau de fret supplémentaire en décembre. À l’heure actuelle, seul l’Isan assure le cabotage vers les Loyauté et l’île des Pins.
En toute discrétion, le Karaka a été mis à l’eau samedi 20 septembre à Miri, en Malaisie. La présence des drapeaux bleu-blanc-rouge et FLNKS laisse peu de doute sur sa destination. Ce bateau va naviguer dans les eaux calédoniennes à partir du mois de décembre et compléter ainsi la flotte de la Compagnie maritime des îles. « Il va venir sécuriser et renforcer la desserte maritime de la Nouvelle-Calédonie, puisqu’actuellement, il n’y a plus qu’un seul navire, l’Isan, qui assure la desserte en fret et en carburant », souligne Thomas Quiros, directeur général de la CMI. Il y avait une urgence d’avoir un backup pour les carénages. »
Depuis plus d’un an, la CMI est confrontée à un « monopole de fait ». Auparavant, le cabotage vers les îles était exercé par trois opérateurs : la Société de transport des îles (Stîles) avec le Laura III, Transweb avec le DL Scorpio et la CMI avec l’Isan. En décembre 2022, le DL Scorpio a été saisi à titre conservatoire par le tribunal mixte de commerce, en raison de nombreux impayés, et a quitté le territoire en octobre 2023. Par jugement du 11 juillet 2024, le tribunal mixte de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la Stîles. Le Laura III est toujours à quai à Nouméa. Dans son dernier rapport annuel, l’Institut d’émission d’outre-mer a évalué que « le cabotage représente un tonnage total de 115 000 tonnes en 2024 ».
UNE CONSTRUCTION RAPIDE
Pour compléter sa flotte, la Compagnie maritime des îles avait tout d’abord opté pour un ferry mixte, mais les émeutes de mai 2024 ont changé ses plans (lire ci-contre). Les études techniques du Karaka ont été lancées en juillet et août de l’année dernière. L’armateur s’est orienté vers le chantier qui a construit l’Isan. Le Landing Craft de 68 mètres de longueur et d’une capacité de fret de 1 900 tonnes a d’ailleurs des caractéristiques proches de son prédécesseur. La signature a eu lieu le 29 novembre et la construction n’a duré que onze mois. « On a fait beaucoup de recrutements et il y en a encore quelques-uns à venir », prévient le directeur. De soixante-cinq employés actuellement, la CMI devrait monter jusqu’à soixante-dix.
UNE ROUTE VERS LE VANUATU
À l’heure actuelle, l’Isan assure des rotations hebdomadaires sur Maré et Lifou. Une semaine sur deux, il alterne Ouvéa et l’île des Pins. Malgré l’absence de concurrence, le directeur de la CMI constate « une baisse d’à peu près 20 % des volumes de fret ». Conséquence de la crise économique post-émeutes, « les bateaux ne sont même pas pleins ».
L’armateur a donc cherché de nouveaux débouchés. Le Karaka va permettre « d’ouvrir une nouvelle ligne internationale entre la Nouvelle-Calédonie et le Vanuatu pour correspondre aux volontés des gouvernements respectifs de renforcer des accords commerciaux entre les deux pays, alors qu’il n’y a pas de ligne directe existante », a annoncé Thomas Quiros. En 2017, le gouvernement de Philippe Germain avait ainsi signé un cadre conjoint de coopération avec son homologue vanuatais. « On fournit l’outil, on ouvre la ligne et on va faire en sorte de pousser ce développement économique en offrant quelque chose qui soit raisonnable », assure l’armateur. Le Karaka va commencer par une rotation par mois. Si l’opération est fructueuse, la compagnie compte monter à deux dessertes mensuelles.
Fabien Dubedout
LE HAVANNAH 2 EN STAND-BY
En début d’année 2024, Jacques Lalié, alors président de la province des Îles, avait jeté un pavé dans le lagon en déclarant vouloir se tourner vers le privé pour remplacer le Betico 2, au grand dam de la SAS SudÎles qui gère le navire.
Dans la foulée, la CMI a présenté son projet de ferry mixte, fret et passagers, le Havannah 2 destiné à desservir les Loyauté et l’île des Pins. « On est parti le 10 mai 2024 à Singapour pour signer et lancer la construction », raconte Thomas Quiros. Des émeutes et un changement de présidence des Îles plus tard, « le projet Havannah 2 n’est pas abandonné, mais il a été mis en stand-by au vu de la situation économique depuis la crise de mai 2024 ». « Aujourd’hui, il y a de la lacune en transport aérien et maritime pour le passager, mais il n’en demeure pas moins que le nombre de passagers annuels a été diminué par deux », estime le directeur de la CMI, qui ajoute : « On a fait des propositions à plusieurs reprises au gouvernement et on reste à leur disposition. »
Le membre en charge des affaires maritimes, Samuel Hnepeune, a, quant à lui, évoqué le remplaçant du Betico 2 lors de l’émission Inter@ctif de NC La 1ère, mercredi 1er octobre : « On relance tout juste le projet de renouvellement du Betico, conduit par la Sodil et la province des Îles. Aujourd’hui, le cabinet de défisc[alisation] vient tout juste d’être choisi. Le choix du chantier est en train de s’opérer ces jours-ci. » Reste à savoir si le Betico 2 sera en mesure d’attendre l’arrivée d’un nouveau navire.

