Tracé en 2011, le parcours a été officiellement inauguré le week-end du 2 et 3 avril. « L’aboutissement d’un long travail de palabres » avec les deux tribus pour l’ouverture d’un des « plus beaux tronçons de Nouvelle-Calédonie » qui porte une grande valeur historique et patrimoniale.
Un soulagement. « Cela fait un bout de temps qu’on attend ce moment, réagit Roger Médiara, le président du conseil des clans de Ouipoin. Cela a été dur d’en arriver là et on est content, c’est le résultat de nombreuses réunions. » Le sentier de grande randonnée entre les tribus de Nassirah à Boulouparis et de Ouipoin à La Foa, lancé en 2007 et porté par la province Sud, a finalement été inauguré le week-end dernier. Il a fallu, plus que tracer un chemin, trouver la voie du compromis. « C’est l’aboutissement d’un long travail de palabres », témoigne Jean Kays, référent du dossier pour la tribu de Nassirah. Car « ce n’est pas juste un sentier, c’est le partage et la découverte de notre organisation sociale, l’ouverture de nos chefferies au monde extérieur ».
« Lieu d’échange entre les clans »
Les anciens ont veillé. Le tracé, situé en grande partie sur la ligne de crête, reprend le « chemin des vieux », précise Roger Médiara. Avec, en guise de point de rencontre, le mont Do, « lieu d’échange entre les clans de la mer et de la montagne », raconte Jean Kays, où les uns amenaient poissons et coquillages et les autres tubercules et ignames, matérialisé par plusieurs dizaines de cairns laissés par les clans il y a plus de 500 ans pour marquer leur passage. Un parcours à forte valeur symbolique. « Une partie des opérations de la révolte d’Ataï s’y est déroulée, c’est une région marquée par l’histoire », indique Jean-Francis Clair, auteur des documents et panneaux informatifs du GR.
La coutume lors de l’inauguration du sentier le week-end dernier en présence de coutumiers et d’élus de la province Sud.
Écotourisme
Ce GR peut également s’avérer bénéfique sur le plan économique. D’autant que « c’est un projet de développement respectueux de la population dont elle doit profiter, un peu comme cela se passe dans le Nord », estime Jean-Francis Clair, auteur de Nouvelle- Calédonie sauvage, la bible des randonneurs. Si, à Ouipoin, le gîte Chez Élise existe déjà, des jeunes de Nassirah souhaitent créer des activités : par exemple, déposer les sacs des randonneurs avec le repas directement au refuge afin qu’ils n’aient pas à les porter, proposer des balades équestres ou encore monter un camping. Des formations de guide du patrimoine se sont déjà déroulées en février et mars. « L’idée est d’assurer des visites guidées pour faire découvrir la vie en tribu et le début du sentier », annonce Malia Terebo, chargée du patrimoine archéologique et immatériel à la direction de la culture, de la jeunesse et des sports.
Les paysages sont très variés sur le parcours. Ici, en arrivant sur Ouipoin.
Vues sur les baies de Saint-Vincent et Thio
Savane de niaoulis, traversées de creek, forêt sèche et humide, maquis minier… une telle diversité de paysages fait de ce tracé « un des plus beaux GR de Nouvelle-Calédonie », affirme Philippe Le Poul, directeur de la culture, de la jeunesse et des sports de la province Sud. Trois jours de marche « pas trop longs », sans difficulté notable si ce n’est le passage de la Oua Nonda, qui peut s’avérer très dangeureuse par temps de pluie, « et des vues sur les baies de Saint-Vincent et de Thio et les vallées avec de beaux couchers de soleil ». Avec deux « refuges bien aménagés » qui permettent de passer la nuit, de faire du feu et offrent des points d’eau (non potable). Un itinéraire « intéressant », juge Jean-Francis Clair, parce qu’il côtoie la réserve intégrale du mont Do, qu’il est « techniquement assez facile, bien entretenu et avec beaucoup de trous d’eau pour se baigner ».
Le marcheur pourra également, avec un peu de chance, observer un cagou, des plantes carnivores, ainsi qu’une « curiosité », le Captain Cookia, un petit arbre qui, quand il fleurit, voit son tronc s’habiller de fleurs rouges. Davantage qu’une randonnée. « Ce n’est pas seulement mettre un pied devant l’autre, ce sentier ne vit que par les populations qui l’ont créé. Il valorise des lieux et des liens entre les clans. »
Le Captain Cookia.
Une charte des bonnes pratiques
Pour que le projet voie le jour, il a fallu lever les « contraintes » dans le cadre de discussions menées depuis plusieurs années. Parmi les préalables ? Convenir d’une période de fermeture du tracé du côté de la tribu de Nassirah lors de la période de chasse, du 15 décembre au 31 janvier et pendant le mois d’avril.
Une charte des bonnes pratiques a également été élaborée à destination de ceux qui pénètrent dans la tribu. « C’est un espace privé et parfois les gens roulent vite et perturbent la tranquillité des lieux. La charte stipule, par exemple, qu’il n’est pas possible de prendre des photos sans l’autorisation des gens, qu’il faut respecter la faune et la flore, ne pas prélever de plantes, etc. »
3 – C’est le nombre d’étapes du GR Nassirah-Ouipoin. Étape 1 : de la tribu de Nassirah au refuge du mont Do. Étape 2 : du refuge du mont Do au refuge des Cagous. Étape 3 : du refuge des Cagous à la tribu de Ouipoin.
34,1 km – C’est la distance totale (11,8 km, 11,5 km et 10,8 km).
2 699 m – C’est le dénivelé positif total (+ 1 300 m, +716 m et + 683 m). Le point le plus haut du parcours se trouve à 894 m.
De nombreux bassins dans la rivière permettent de se baigner le long du chemin.
Le refuge du mont Do, très bien équipé.
La vue panoramique sur les montagnes en repartant du mont Do, direction Ouipoin.
Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P. et J.-F. Clair)