Le gouvernement engage une réflexion sur le nickel

Photo prise ‡ NoumÈa le 5 avril 2009, de l'usine du groupe brÈsilien Vale-Inco, en mauvaise posture en Nouvelle CalÈdonie ‡ la suite d'une fuite sulfurique ‡ son usine de nickel, qui a rÈcemment touchÈ une zone proche d'un site du rÈcif corallien inscrit au patrimoine de l'humanitÈ de l'Unesco. L'incident s'est produit le 1er avril ‡ l'unitÈ de production d'acide sulfurique de ce complexe industriel d'une capacitÈ de 60.000 tonnes annuelles de nickel, qui doit Ítre mis en service en milieu d'annÈe. AFP PHOTO MARC LE CHELARD Picture taken in NoumÈa, New Caledonia on April 5, 2009 showing the Brazilian Vale-Inco nickel plant, which sufferered an acid leak causing damages on a coral chain, registered as a UNESCO world heritage area. The accident occured on April 01, at this industrial plant with a capacity of 60,000 tons a year. A company spokesman confirmed said. "We have stopped commissioning at the plant while an investigation is underway". AFP PHOTO MARC LE CHELARD

Le nickel est un secteur clef de l’économie calédonienne. Les dernières années ont vu une redistribution complète des cartes avec l’essor de producteurs à bas coûts. Les trois usines ne sont pas parvenues à prendre le train en marche dans un contexte d’absence de stratégie à l’échelle du territoire. Le gouvernement vient de lancer un cycle de réflexion ayant pour double objectif d’améliorer le niveau de connaissances et de donner une image éthique et responsable à l’industrie calédonienne au niveau international.

La situation de l’industrie calédonienne du nickel est préoccupante. Si aucun repreneur n’est trouvé d’ici le 31 octobre, Vale a annoncé la mise sous cloche de son usine du Sud. La SLN a, pour sa part, engagé une procédure préventive afin d’éviter la liquidation qui constitue un risque très sérieux dans les mois à venir. Dans le Nord, KNS qui dispose du seul actionnaire encore prêt à investir, a fermé une de ses deux lignes et tente tant bien que mal de maîtriser son processus de production.

Les trois usines partagent un autre point commun, celui de faire partie des unités les moins compétitives au monde. Tout cela dans un contexte planétaire plutôt porteur d’espoirs liés au développement des véhicules électriques, en dépit des incertitudes lié à la crise sanitaire mondiale et aux affrontements diplomatiques entre la Chine et les États-Unis.

Après que le Congrès ait adopté un schéma des mises en valeur des richesses minières de la Nouvelle-Calédonie en 2008, toutefois loin de constituer une véritable stratégie à l’échelle du territoire, le gouvernement vient de lancer un cycle de travail sur le nickel qui vise à rassembler les connaissances sur le sujet et de recueillir les positions de chaque acteur minier. L’objectif n’est pas de mettre tout le monde d’accord, mais de produire du savoir autour de cette question du nickel qui est aujourd’hui essentielle pour l’économie de la Nouvelle-Calédonie. Les acteurs doivent s’entendre au sens large, à savoir les professionnels de la métallurgie et de la mine, les institutions, le monde économique ainsi que la société civile.

Un travail sans la province Nord

À noter que la province Nord a refusé de participer aux échanges estimant, pour reprendre les mots de son président, Paul Néaoutyine, que cette démarche relève du « pipeau ». Si la conciliation des positions entre les provinces Nord et Sud paraît impossible, ce n’est pas ce pourquoi plaide Thierry Santa, qui voit dans ce cycle un double objectif. Le premier est de faire en sorte que toutes les parties prenantes disposent d’un même niveau d’information dans le but d’adopter les meilleures décisions pour le territoire. Le marché a considérablement évolué en quelques années. L’inox n’est désormais plus seul avec l’essor du marché des batteries à destination des véhicules électriques. Un marché encore très incertain en raison de l’avancée des recherches dont le sens ne semblent pas aller vers une utilisation plus massive des métaux coûteux tels que le nickel ou le cobalt.

L’impératif d’une baisse des coûts de ces métaux pour rendre possible la démocratisation des véhicules électriques semble difficilement compatible avec la compétitivité des entreprises locales. Le second objectif est de placer la Nouvelle- Calédonie sur la scène internationale en tant que producteur « vert » de nickel ou du moins une source de nickel éthique et responsable. Si l’idée de valoriser des productions prenant mieux en compte la responsabilité sociétale et environnementale fait son chemin, celui-ci sera encore long avant que cela puisse faire une réelle différence pour les clients dont le premier critère reste le prix. Les associations environnementales calédoniennes, pas encore consultées sur la question, ont d’ailleurs pour beaucoup des avis très critiques sur le sujet. Le collectif EPLP a été éconduit et invité à participer uniquement à la consultation en ligne.

Une réflexion autour de six thématiques

Six thématiques (responsabilité sociale et environnementale, accompagnement de l’administration : vers un guichet unique, optimisation des ressources et réserves, développement des compétences, retombées économiques, fonds pour les générations futures) seront au menu de groupes de travail animés par des acteurs désignés par le gouvernement. Ils consulteront les organisations qu’ils jugeront pertinentes et auront la charge de rédiger des synthèses. Ces travaux et des présentations d’experts internationaux seront restitués dans le courant du mois de décembre. Une fois ce travail posé, le Congrès aura toute liberté pour remettre en débat la question du nickel et adopter une stratégie pour le territoire, qu’elle soit unique ou non.

Afin de faire vivre ce travail, en particulier au niveau international, un site dédié a été mis en place, www.nickel.nc. Il a vocation à expliquer la démarche et proposer de l’information sur le nickel, ce qui n’est pas le cas pour le moment. Il sera la vitrine pour repositionner le nickel sur le marché international. À noter qu’il propose également une consultation citoyenne qui s’apparente davantage à un sondage pour mieux cerner les attentes de la population qu’une véritable consultation sur un dossier plutôt technique.

Si la démarche se veut novatrice, la question de fond qui sous-tend ce cycle, à savoir s’il faut assurer le maximum de retombées économiques pour le territoire et comment, n’a pas varié, comme le pointait déjà le rapport très complet de 2005 de l’ancien sénateur UMP Henri Torre (en ligne dans son intégralité sur le site du Sénat), l’adoption du schéma de la mise en valeur des richesse minières en 2008 ou encore lors de la conférence internationale sur le nickel organisée à Nouméa, en 2013.

M.D.

©afp/ Marc Le Chélard