Le gouvernement dit oui à la modification du code minier

Thierry Santa vient d’annoncer l’adoption en collégialité de la réforme du code minier permettant l’exportation de minerai des réserves géographiques métallurgiques des massifs de Tiébaghi et Goro. Deux autres avant-projets de loi du pays ont également été adoptés : la création d’une taxe sur une redevance d’extraction et d’une taxe sur les exportations, ayant vocation à alimenter les fameux fonds pour les générations futures.

Le projet de texte a fait l’objet de nombreux atermoiements. Adopté une première fois en collégialité, il avait été renvoyé sans ménagement lors de sa première présentation devant le Congrès. Après plusieurs reports pour essayer de trouver les soutiens politiques nécessaires, Thierry Santa est finalement parvenu à faire passer le texte en collégialité, le 4 août. Une adoption qui est toutefois loin d’avoir fait l’unanimité.

Sur les onze membres du gouvernement, on retrouve l’opposition classique loyaliste/ indépendantiste. Les positions étaient relativement claires avant l’examen du texte, chacun ayant précisé plutôt clairement ses positions. La seule inconnue était la position de l’Eveil océanien, qui avait récemment semé le doute avec la constitution de la « majorité océanienne » au Congrès. Le nouveau parti a finalement décidé de prendre position en faveur de la modification du code minier.

Si cette position est confirmée lors du vote de la loi au Congrès, elle devrait permettre de dégager une majorité pour faire passer la réforme et assurer à la SLN et Vale d’exporter les minerais des réserves géographiques métallurgiques qu’ils ne peuvent pas exploiter avec leurs usines. Pour rappel, les réserves métallurgiques sont des massifs auxquels sont attachés des outils industriels qui sont les seuls à pouvoir en transformer les minerais. C’est en particulier le cas de l’usine de Vale NC, avec le massif de Goro, ou de l’usine de Doniambo, avec le massif de Tiébaghi.

Des remous sur le plan politique

Le choix de l’Éveil océanien ne sera probablement pas sans conséquence sur le plan politique. Après avoir largement salué la décision du parti de Milakulo Tukumuli de constituer un groupe avec les indépendantistes au Congrès, ce vote risque bien de marquer une vraie rupture et compliquer le dialogue, à deux mois du référendum, et alors que les enjeux économiques à venir sont vitaux, en particulier pour le maintien de l’emploi. C’est d’ailleurs l’une des principales raisons qui a poussé l’Éveil océanien à se ranger en faveur du projet. La mobilisation des syndicats n’y est probablement pas étrangère.

Des syndicats qui sont par ailleurs dans une situation plutôt inconfortable. Aussi bien chez Vale qu’à la SLN, les plans sociaux et les serrages de vis se sont multipliés ces dernières années sans pour autant que la situation de l’un ou l’autre des métallurgistes s’améliore. Il y a encore trois semaines, le directeur général de la SLN alertait sur le risque de devoir placer l’entreprise en procédure de sauvegarde. Les syndicats ont conscience que la masse salariale est une variable d’ajustement facilement mobilisable. Conscients des risques, les syndicats sont peu enclins à mener la fronde.

Pour la SLN, cette autorisation à venir ne signifie pas pour autant la fin des ennuis. Pour exporter, l’entreprise devra mobiliser les moyens matériels nécessaires. Autrement dit, les exportations nécessitent des investissements relativement lourds, sans compter ceux qui s’avéreront bientôt incontournables au niveau de l’usine, à commencer par la réfection d’un four. Ce sont des dizaines de milliards de francs et des embauches qui seront indispensables à la réussite du plan de sauvetage. Et les chiffres ne vont pas forcément dans le sens de l’opérateur historique, qui peine à tenir le rythme d’augmentation de sa production de minerai prévu dans l’arrêté du gouvernement autorisant l’exportation de quatre millions de tonnes.

C’est sans compter sur ces deux millions de tonnes de minerai « inexploitable » localement auxquels la SLN souhaitait obtenir deux millions de tonnes supplémentaires, c’est du moins le sens de la demande qui avait été adressée au gouvernement et qui a été mise de côté. Si l’on regarde les chiffres des cinq premiers mois de l’année, la tendance est plutôt la même qu’en 2019. Cette compensation des pertes d’exploitation par l’export risque toutefois de trouver rapidement des limites. Les actionnaires ont tous fait savoir qu’ils ne mettraient pas la main à la poche pour injecter de l’argent frais.

Le cash tiré des opérations d’exportation pourrait ne pas suffire pour couvrir l’ensemble des besoins. L’industriel devra donc faire des choix et il y a fort à parier qu’il privilégiera les activités les plus rentables, les exportations, au détriment de la métallurgie. En creux, on voit clairement se dessiner le risque pointé par le Cese, lors de l’examen du projet de texte, à savoir que la SLN se transforme en exportateur de minerai. Aujourd’hui, la richesse de la SLN tient à son domaine minier, bien plus qu’à ses actifs industriels. Dans les couloirs du gouvernement, la fermeture de l’usine ne relève plus de la science-fiction. Le scénario est très clairement pris au sérieux et l’on réfléchit même à des alternatives industrielles qui permettraient d’éviter la casse sociale et la banqueroute du système de protection sociale. Chaque année, la SLN verse près de 10 milliards de francs de salaires et 3,5 milliards de francs de cotisations sociales.

L’usine du Sud est dans une situation sensiblement différente. Pour le PDG, Antonin Beurrier, lors de l’annonce de la prolongation de la période de négociations exclusives, l’absence d’autorisation ne remettait pas en cause le projet industriel, mais aurait tout de même nécessité de trouver des économies supplémentaires de l’ordre de deux milliards de francs. Ce premier pas vers une autorisation est donc un signal plutôt positif, aussi bien pour les équipes de Vale NC que pour le potentiel repreneur australien. L’industriel devra toutefois réaliser des investissements au niveau du port afin de pouvoir charger le minerai. Reste que le sort de Vale est également loin d’être scellé. Si, selon le PDG de Vale NC, l’affaire pouvait être conclue d’ici la fin de l’année, les oppositions au projet ne manquent pas.

Le gouvernement, leader ou suiveur ?

Les indépendantistes ont fait savoir ce qu’ils pensaient de New Century Ressources et de son projet de reprise, tout en indiquant soutenir le projet porté par la Sofinor, en partenariat avec Korea Zinc. Les coutumiers ont également fait savoir toute leur opposition au projet défendu par Antonin Beurrier. L’élection d’un nouveau président de l’aire Drubea-Kapumë, le 7 août, devrait assoir la position de l’aire, en accord avec les coutumiers du Sud qui ont réaffirmé encore récemment leur désaccord (lire plus bas). Si les coutumiers n’ont pas leur mot à dire dans la procédure de cession du complexe, ne pas en tenir compte pourrait coûter cher au repreneur. Quoi qu’il arrive, la confiance est sérieusement entamée.

De manière plus générale, ces décisions interviennent sur fonds de discussions autour de la stratégie nickel défini par les élus du Congrès. La précédente est inscrit dans le marbre du schéma de mise en valeur des richesses minières, adopté en 2019. Il prévoyait notamment d’optimiser les retombées pour le territoire en valorisant au maximum le minerai sur le territoire, d’où un encadrement très strict des exportations, assoupli au fil du temps.

Si le gouvernement, et en particulier son président, entend bien pouvoir définir une nouvelle stratégie minière concertée, les décisions prises actuellement qui engagent pour dix ans en matière d’exportation, et a bien plus long terme pour la cession de Vale, laissent penser le contraire. Comme souvent, le gouvernement doit assumer le rôle de pompier et, plutôt que de fixer le cap, les collectivités subissent les décisions stratégiques des industriels.


Un fonds pour les générations futures ?

L’annonce ne surprendra pas vraiment. Le gouvernement a annoncé, en marge de l’adoption de l’avant-projet de loi du pays visant à modifier le code minier, la création d’une taxe et d’une redevance. Une annonce clairement faite dans l’urgence pour tenter de trouver des compromis politiques et faire passer l’inacceptable pour les indépendantistes, toutes tendances confondues. Il faudra attendre pour avoir plus de détails. Selon les documents fournis par le gouvernement, la redevance à l’extraction pourrait être reversée aux communes minières qui ont payé un lourd tribut à l’industrie extractive sans en retirer de réels bénéfices en dehors des salaires. Les provinces en seraient également bénéficiaires. Cette redevance pourrait entrer en application au 1er janvier 2021.

Une taxe sur les exportations est également envisagée. L’idée est de pouvoir abonder le fonds pour les générations futures, véritable serpent de mer, qui pourrait voir le jour prochainement. C’est du moins ce que souhaite Thierry Santa. Les modalités seront discutées lors du cycle de discussions sur le nickel qui a déjà commencé. De fait, le projet relève encore de l’annonce. En attendant la création d’un « fonds souverain », il est prévu que le produit de la taxe à l’export abonde le fonds nickel.

Concernant l’avant-projet de loi du pays visant à modifier le code minier, il reprend, pour une grande part, les recommandations du Cese. Afin d’éviter que les métallurgistes se transforment en mineurs, le texte prévoit notamment que les autorisations d’exportation soient conditionnées à une activité industrielle de transformation locale. Elles seront accordées pour cinq ans, renouvelables une fois. Les opérateurs d’usines off-shore détenues par des intérêts calédoniens seront enfin consultés en priorité pour la vente du minerai.

M.D.