Le gouvernement avance un plan de relance

Le gouvernement a présenté, le 9 novembre, son plan de relance composé de 22 mesures qui reprend, dans les grandes lignes, celui mis en place fin 2019. Si les représentants des chefs d’entreprise et des chambres consulaires se sont félicités d’une méthode visant à mettre tout le monde autour de la table, c’est loin d’être le cas des syndicats.

Autour de la table, uniquement des hommes, tous chefs d’entreprise, et réunis pour présenter le plan de relance du gouvernement porté par Christopher Gyges, le membre du gouvernement en charge de l’économie. Une représentation qui est loin d’être un détail puisque c’est bien l’ensemble du monde économique et social que le gouvernement souhaite voir contribuer au plan de relance et, plus généralement, à l’évolution de l’économie calédonienne.

Au lendemain de la présentation du plan, l’Usoenc n’a pourtant pas caché son opposition. « J’hallucine !, s’emporte un des responsables de l’Usoenc. La semaine dernière, nous avons été convoqués, les sept organisations salariales, dans un cagibi et l’on nous a présenté les 22 mesures. Christopher Gyges nous a prévenus au début du rendez-vous qu’il n’avait qu’une heure à nous consacrer. À la fin, il nous a demandé si l’on soutenait ce plan, en nous disant, « Allez les gars, c’est important d’aller devant la télé pour relancer l’économie. » La réunion s’est très mal finie. Gyges prend des mesures, tout seul, sans cohérence, et pense qu’il va sauver le pays tout seul. »

Problème de méthode

Un sentiment que l’on retrouve chez certains patrons qui tiennent toutefois des propos un peu plus feutrés. Le fait est que ces chefs d’entreprise ont bien du mal à envisager un plan de relance sans que ne soient évoquées les questions de fiscalité ou de budget. Un dernier point qui suscite bien des inquiétudes. Les importantes difficultés de recettes fiscales laissent planer un doute sur la capacité du gouvernement à pouvoir présenter un budget d’ici la fin de l’année. En dehors des mesures déjà mises en œuvre, le plan reprend des annonces qui avaient déjà été faites en proposant plus ou moins un calendrier d’application qui restera toutefois conditionné au vote des lois du pays nécessaires par le Congrès. Si des mesures comme « la mobilisation de l’épargne des Calédoniens vers des projets structurants (…) en créant un fonds d’investissement local » sont annoncées pour la mi-2021, par exemple, aucun détail plus concret n’est donné.

Ces 22 mesures* s’inscrivent plus généralement dans un plan en trois étapes, qui a commencé lors du confinement avec un report de charges sociales ou encore la mise en place d’un chômage partiel à 70 % du salaire brut. La deuxième étape est celle de la relance et des 22 mesures « urgentes ». La troisième et dernière étape sera celle de la transformation de l’économie calédonienne résumée ainsi, « cette période complexe doit permettre à la Nouvelle-Calédonie de transformer son modèle économique en l’inscrivant dans une dynamique de long terme, plus durable, plus moderne et plus agile ».

Comme le soulignaient des économistes** dans l’ouvrage la Nouvelle-Calédonie face à son destin, « les dynamiques de l’économie assistée sont pour partie encore bien présentes : les transferts alimentent toujours une part importante des importations, directement et via le jeu des consommations intermédiaires (…) La Nouvelle-Calédonie est donc actuellement dans une phase de transition. Il importe qu’une nouvelle stratégie de développement prenne le relais de celle du développement des projets et industriels, pour permettre au pays de moins dépendre de la manne financière publique ». Sachant cela, les prises de participation des collectivités dans le projet de reprise de Vale posent donc question. Si les collectivités calédoniennes s’engagent encore dans la mine, comment vont-elles financer la diversification qu’elles souhaitent ? En particulier dans les start-up et le numérique, très gourmands en capital qui fait précisément défaut sur le territoire. C’est sans parler du manque de formation et du niveau des salaires élevés dans les secteurs de la mine et de la fonction publique qui ne sont pas des facteurs encourageants pour les filières en création.

La question de la formation est également peu abordée dans ce plan de relance. Jean-Louis d’Anglebermes n’était d’ailleurs pas présent à la conférence de presse. Sollicité, le membre du gouvernement en charge de la formation et de l’emploi préfère ne pas s’exprimer sur la question, laissant poindre un désaccord entre membres du gouvernement. Le plan prévoit des formations pour accompagner les reconversions. Une mesure qui peut paraître intéressante au premier abord sauf que les formations ne seront pas diplômantes, interrogeant sur la cohérence des mesures visant à encourager la professionnalisation des filières, sans compter que le gouvernement n’a pas pu apporter de précisions quant au financement de cette mesure.

La question sociale oubliée ?

Globalement, le plan se penche essentiellement sur le soutien aux entreprises, en prévoyant de nouvelles exonérations, notamment pour l’insertion des jeunes. Des exonérations financées par une hausse des taxes sur les carburants. Une idée qui met à mal le sens de l’impôt, d’autant plus qu’une partie des taxes sur les carburants, normalement allouée à l’Agence calédonienne de l’énergie pour financer la future centrale électrique, a déjà été récupérée par le gouvernement. Les petites entreprises ne sont pas oubliées. Il est prévu une baisse des seuils d’éligibilité afin de permettre aux petites entreprises de bénéficier de la défiscalisation locale, par exemple, mais aussi de proposer un plan spécifique pour les travailleurs indépendants (patentés) et TPE d’ici la fin de l’année.

Rien ou pas grand-chose, en revanche, sur la question du pouvoir d’achat si ce n’est la reconduction de la prime de 100 000 francs maximum, entièrement défiscalisable, un dispositif déjà en place, mais qui n’a pas encore fait l’objet d’évaluation. Dans le courant du premier semestre 2021, il est également prévu des suppressions de droits de douanes sur des produits importés d’Australie, de Nouvelle-Zélande et de Fidji. Des nouveaux renoncements à des recettes fiscales qui posent question quant à la capacité du gouvernement à grever son budget alors que les perspectives sont très sombres. Le fait que ce plan évoque à peine la question sociale dans un contexte de potentielle progression des inégalités, de dégradation du marché de l’emploi, d’une précarisation croissante des travailleurs calédoniens et de problèmes de vie chère plus que persistants laisse songeur.

De la même façon, de quel choc de confiance parle-t-on si la continuité des services publics calédoniens ainsi que le système de protection sociale ne sont assurés que par un recours à un nouveau prêt de l’AFD de l’ordre d’une vingtaine de milliards de francs ? Seule bonne nouvelle, ou demie bonne nouvelle, le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a rappelé vendredi, à l’occasion d’un débat budgétaire à l’Assemblée nationale, qu’il examinerait les dépenses sanitaires liées à la covid pour, éventuellement, les transformer en subventions.

*L’intégralité des 22 mesures sont à retrouver sur le site du gouvernement (www.gouv.nc)

**Jean-Michel Sourisseau, Vincent Géronimi, Séverine Blaise, Séverine Bouard et Natalia Zugravu-Soilita.


Vers une hausse des impôts ?

Le plan de relance n’aborde quasiment pas la question de la fiscalité en dehors de la possibilité d’augmenter les taxes sur les carburants. Il faut toutefois s’attendre à ce qu’elle soit renforcée de manière importante. Ce sera le cas de la TGC, taxe générale sur la consommation, qui prévoit un taux plus ou moins unique de 15 %, ce qui devrait conduire à une hausse des prix des produits aujourd’hui plus faiblement taxés. C’est sans compter sur le recours à un nouveau prêt de l’AFD pour combler le déficit du Ruamm et restructurer sa dette. Il faudra aussi tenir compte de la prise en charge de compétences qui avaient été déléguées aux provinces et notamment la subvention aux hôpitaux ou encore l’aide médicale. Lors de son débat d’orientation budgétaire, la présidente de la province, Sonia Backes, a indiqué que les présidents des exécutifs s’étaient mis d’accord pour rétrocéder ces délégations de compétence. Un accord valable pour la province Sud ainsi que la province Nord. On se demande bien comment le gouvernement pourra les assumer en sachant que leur financement représente un montant de l’ordre d’une dizaine de milliards de francs.

M.D.