Le gouvernement aux portes de l’instabilité

Pour Omayra Naisseline et Pierre-Chanel Tutugoro, du groupe UC-FLNKS et Nationalistes, le possible dépôt d’une motion de censure se veut être « un marqueur fort ». Photo Y.M.

Le groupe UC-FLNKS et Nationalistes du Congrès menace de déposer une motion de censure à l’encontre de la présidence du gouvernement pour sa gestion des affaires calédoniennes. Mais le projet d’accord de Bougival n’est sans doute pas très loin.

La communication est bien cadencée. Mercredi 15 octobre, le groupe UC- FLNKS et Nationalistes au Congrès a annoncé le dépôt d’une proposition de loi du pays instaurant une imposition « de solidarité » sur le patrimoine.

Le lendemain et le surlendemain, l’Union calédonienne et le FLNKS ont alerté, tour à tour, face à un éventuel « passage en force » du processus législatif. C’est-à-dire, du projet de loi organique sur le report des élections provinciales à juin 2026, un temps supplémentaire pour permettre la discussion et la mise en œuvre de l’accord de Bougival sur l’avenir institutionnel du territoire, que le Front rejette farouchement. Samedi 18 octobre, la CCAT a appelé au maintien du scrutin avant le 30 novembre prochain et à la mobilisation.

Trois jours plus tard, mardi, Pierre-Chanel Tutugoro, président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes, a signé une lettre ouverte demandant la démission d’Alcide Ponga, élu Rassemblement-LR à la tête du 18e gouvernement. Le loyaliste est accusé d’« une succession de  réformettes sans cohérence », de « choix budgétaires contraires à la justice sociale » ou encore d’« une relation déséquilibrée avec l’État ».

« Une semaine » de réflexion 

Le courrier est accompagné d’un avertissement. Si la demande n’est pas entendue – ce qui est fort probable –, le groupe UC-FLNKS et Nationalistes prendra « toutes (ses) responsabilités institutionnelles et politiques pour mettre un terme » à la gouvernance. L’option de la démission de la liste n’étant possible qu’après un délai de dix-huit mois, selon la loi organique, or la précédente chute de l’exécutif remonte au 24 décembre 2024, seule la formule de la motion de censure est envisageable. « Ce sera fait », a confirmé mercredi 22 octobre Pierre-Chanel Tutugoro, qui laisse à Alcide Ponga « une semaine » de réflexion avant le dépôt de la mesure radicale sur le bureau du Congrès.

L’assemblée devant ensuite se réunir au terme de deux jours francs, le vote pourrait intervenir vendredi 31 octobre. Reste à bâtir une majorité parmi les 54 membres. Pas évident du tout. « Nous avons confiance en l’avenir », a répondu sobrement le président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes. À travers cette action, l’Union calédonienne et ses partenaires veulent lancer « une alerte » sur la gestion des affaires calédoniennes, pointer « une dérive libérale et néocoloniale », mais mettent aussi à l’épreuve Calédonie ensemble et surtout L’Éveil océanien et leurs collègues indépendantistes de l’UNI.

Pierre-Chanel Tutugoro se défend de tout lien avec la chaude actualité parlementaire nationale, avec l’accord de Bougival. La concordance entre les calendriers de la menace d’une motion de censure et de l’examen du projet de loi organique sur le report des élections provinciales est toutefois à noter. Comme si l’intention de l’UC, de sanctionner la présidence Ponga, voulait témoigner d’une instabilité locale, donc appuyer l’urgence d’un retour aux urnes au plus vite. Avec un corps électoral gelé.

« On ne laissera pas Paris nous imposer des solutions. Le FLNKS ne se laissera pas faire », a insisté, vendredi 17 octobre, Romuald Pidjot, de l’UC. La directive du congrès du FLNKS à la Conception, samedi 9 août, est de « tout mettre en œuvre pour bloquer Bougival », puisque « Bougival, c’est le maintien ad vitam æternam dans la puissance coloniale française ». Tout mettre en œuvre pour bloquer « dans la légalité », y compris, évidemment, le projet de loi constitutionnelle qui vise à transcrire l’accord dans la norme suprême.

« C’est flou »

Après l’approbation du Sénat, le 15 octobre, l’Assemblée nationale débutait une semaine plus tard, à l’heure du bouclage de cette édition de DNC, mercredi, l’examen de la proposition de loi organique invitant au report des élections provinciales au plus tard le 28 juin 2026. Cette séance pouvait durer, le groupe La France insoumise, opposé au texte, ayant déposé un mur d’amendements – près de 2 000. L’issue du vote promis très serré était incertaine, et dépendait aussi de l’assiduité des députés.

En commission des lois de l’Assemblée nationale, lundi 20 octobre, le bras de fer avait déjà commencé. « « Bougival », pour nous, c’est flou », a argué le député indépendantiste Emmanuel Tjibaou. « Cela nécessite de clarifier le débat et de poser une seconde phase de discussions », notamment sur « les modalités d’exercice du droit à l’autodétermination et la décolonisation ».

Le collègue loyaliste, Nicolas Metzdorf, a estimé que sa position a toujours été très claire : « La porte est ouverte pour continuer les négociations, continuer à discuter sur la base de cet accord [de Bougival], qui est une base avancée. » Autrement dit, « on ne peut pas repartir de zéro ».

La ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, a livré un élément lors d’une interview accordée au média Outremer360°, samedi 18 octobre : « Je ne souhaite pas faire sans le FLNKS ». Mais le Front ne voudra probablement pas échanger sous la pression du calendrier.

Yann Mainguet