Le FLNKS au bord de l’implosion ?

À l’issue de leurs congrès respectifs, les formations indépendantistes semblent plus divisées que jamais. Les stratégies annoncées sont pour le moins divergentes, pour ne pas dire contradictoires, mais finalement logiques et attendues. D’un côté, l’Union calédonienne avance sur la voie du boycott des échéances nationales tandis que le Palika et son ombre, l’UPM, veulent faire des rendez-vous électoraux de 2017, une occasion d’aller à la rencontre des électeurs avant le référendum de 2018.

C’est depuis la côte Est, et plus précisément Houaïlou, que Daniel Goa a fait passer le message du plus vieux parti calédonien. L’objectif c’est 2018, sous-entendu, 2018, c’est l’indépendance et il faut s’y préparer. Dans cette perspective à quoi bon s’intéresser à des mandats de la République puisque cela  ne nous concernera plus d’ici deux ans.

Et de relancer l’idée ubuesque et toujours fumeuse d’une assemblée référendaire autoproclamée puisqu’il n’a jamais été question qu’elle soit désignée par des électeurs.
Dans la même logique, l’UC enfonce le clou sur la question du corps électoral de sortie, se disant évidemment grandement insatisfaite sur ce point des conclusions du dernier Comité des signataires.

Et de mettre en garde : « Quel sens donner à la consultation de sortie, si le peuple premier ne s’exprime pas sur son avenir ? » Il faut comprendre dans cette formule que si, comme le demande l’UC, tous les Kanak de statut coutumier ne sont pas inscrits pour participer au scrutin de 2018, les résultats en seront faussés, que le scrutin sera donc « insincère » et que toutes les conditions seront réunies, soit pour ne pas y participer, soit pour en contester le verdict, notamment devant les instances internationales et notamment l’Organisation des Nations unies. Tout en appelant de leurs vœux l’apaisement, les dirigeants de l’UC posent en réalité les jalons de la contestation politique.

Dans le même ordre d’idée, mais il faut reconnaître avec une certaine constance, l’Union calédonienne demande que l’on aille au bout de sa propre lecture de l’Accord de Nouméa, et que soient ainsi transférées, avant 2018, les compétences inscrites à l’article 27 de la loi organique. Peu importe que sur ce point cet avis ne soit pas partagé par les autres partenaires.

Enfin, sur le sujet de la délinquance, qui préoccupe désormais, au quotidien, tous les Calédoniens, indépendamment de leur origine, le parti de Daniel Goa et Roch Wamytan s’inscrit objectivement dans une logique de déni en parlant non pas de la violence faite aux victimes par des groupes de jeunes instrumentalisés, certains d’ailleurs totalement à leur insu, mais de violence du système.

Ce système honni, c’est notre modèle de société, accusé de nier la culture, les langues et les traditions kanak, alors même que ce corpus de valeurs est, avec celles issues de l’Europe des Lumières, la pierre angulaire de l’Accord de Nouméa adoptée à une très large majorité par les Calédoniens.

Divergences de fond et tensions en ligne de mire

Faut-il en déduire que les acquis de trente ans de paix et de rééquilibrage à vitesse accélérée doivent être effacés, faut-il entendre derrière ces discours qu’une parenthèse se referme pour en revenir aux heures sombres ? Certaines voix s’élèvent pour le dénoncer et il est de plus en plus difficile de leur donner tort. En dehors de la problématique de la délinquance, pour laquelle les différentes composantes du FLNKS semblent parler d’une même voix, il en va bien différemment des autres dossiers évoqués le week-end dernier au cours des différents congrès.

Ainsi l’Union progressiste mélanésienne a fait savoir, sans la moindre ambiguïté, qu’elle serait engagée dans les combats électoraux de 2017 et qu’elle entendrait proposer des candidats pour les législatives, faire campagne et utiliser cette campagne pour faire avancer ses idées et ses projets pour l’avenir.

Mais le point qui à ce jour cristallise une réelle opposition, une divergence majeure dans la stratégie, c’est celle du corps électoral de sortie. En contradiction totale avec l’Union calédonienne, le Palika plaide ainsi pour une inscription volontaire de tous ceux qui ne figureraient pas encore sur les listes électorales, y compris avec l’aide de l’État en matière d’information individuelle et d’incitation à une démarche volontaire.

Les mois qui arrivent s’annoncent donc particulièrement tendus aussi dans les instances du FLNKS. Que penser, en effet, d’une campagne électorale dans les différents fiefs indépendantistes quand d’un côté, les uns viendront faire campagne pour un candidat alors que les autres diront aux mêmes électeurs potentiels qu’il ne faut en aucun cas se rendre aux urnes.

C.V.