Guy-Olivier Cuénot : « Le fait d’avoir respecté l’Accord de Nouméa ne fait pas un grand Président »

Si Marine Le Pen est en net recul en Nouvelle-Calédonie, elle continue son ascension à l’échelle française (23,1 % au premier tour). La candidate du Rassemblement national appelle maintenant à « faire barrage » à Emmanuel Macron autour d’une autre vision de la France, explique Guy-Olivier Cuénot, président de son comité de soutien.

DNC : Marine Le Pen a perdu localement près de 12 000 voix au premier tour par rapport à 2017 (18,8 % contre 29 %). Quelle est votre analyse ?

Guy-Olivier Cuénot : Le recul en voix est en partie lié au recul de la participation. Par contre, en pourcentage, si on additionne les voix de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour, on s’est maintenus. C’est la même famille d’électeurs qui se tourne actuellement vers la défense du pouvoir de décision du peuple. En Métropole, on n’a pas assisté à cette dynamique puisqu’elle a progressé par elle-même et Éric Zemmour s’est ajouté.

Il a séduit les gens qui étaient aussi en souffrance de la politique d’Emmanuel Macron. C’est pour cela que le regroupement se fait naturellement avec ses électeurs, ceux de Nicolas Dupont-Aignan et même une partie de la France insoumise. En fait, tous ceux pour lesquels ce programme social – l’économie au service de l’humain – compte.

On a entendu des électeurs d’Éric Zemmour dire qu’elle s’était « ramollie » à droite, qu’elle n’avait rien dit ces dernières années au sujet de la Nouvelle-Calédonie, l’usine du Sud, etc. Qu’en pensez-vous ?

La stratégie de Marine Le Pen n’est pas de bomber le torse, c’est d’avoir un programme applicable et qui soit appliqué. Et elle ne se positionne pas de droite ou de gauche, mais sur les idées, qui sont dans la ligne gaullienne. Concernant les problématiques de sécurité, elle a toujours voulu le renforcement

des forces de l’ordre, les dispositifs préventifs et répressifs. La prévention, en matière de délinquance, c’est déjà s’occuper de tous les laissés-pour-compte de l’économie. Enfin, concernant les problématiques spécifiques de type usine du Sud, elle a condamné les violences, mais elle n’avait pas à s’immiscer.

 

J’entends, en filigrane, qu’il y aurait un statut de préparé, des choses dans les tuyaux. Mais enfin, avec qui s’est faite la discussion ?

 

Les soutiens d’Emmanuel Macron défendent un bilan exemplaire, notamment sur la fin de l’Accord. Ce n’est pas votre avis…

Le simple fait d’avoir respecté l’Accord de Nouméa quand on n’a pas le choix ne fait pas de quelqu’un un grand Président. Il a tenu le calendrier, mais le premier référendum est tout de même arrivé à la limite. On a eu le document du Oui et du Non très tardivement. Il a aussi accepté que les natifs de droit commun ne soient pas inscrits d’office, contrairement aux natifs de droit coutumier.

Et ça, on le doit à Sonia Backes qui est allée négocier l’avancée du deuxième référendum à la faveur de cette inégalité de traitement. Ensuite, il y a eu la position des indépendantistes au troisième. Que la moitié de la population n’aille pas voter, pour un référendum, c’est problématique. L’impasse politique, le manque de dialogue, c’est leur faute.

Vous êtes attaqué sur votre positionnement pour la date du 12 décembre. Aviez-vous demandé un report ?

Le groupe qui se nomme Les Loyalistes dit cela, c’est juste un mensonge. Les rapports de commission en font foi, la séance publique du Congrès qui en a débattu en fait foi. J’ai toujours dit que le 12 décembre, date initiale, était préférentiel. Simplement, quand la crise du Covid a frappé, s’est posée la question de la faisabilité de ce vote.

Et vu l’enjeu, j’ai demandé qu’il soit prévu un plan B au cas où il n’aurait pas été faisable. C’est de la bonne gestion des risques. La commission des lois du Sénat préconisait la même chose. Je refuse ce mensonge, qui est même venu du ministre Lecornu. C’est vraiment la technique de la Macronie. Répéter tout et son contraire pour déstabiliser l’opinion.

Si Marine Le Pen est élue, le processus va suivre son cours ?

Marine Le Pen reprendra effectivement les liens, mais avec une facilité de dialogue qui est la sienne, avec toutes les forces vives. Car j’entends, en filigrane, qu’il y aurait un statut de préparé, des choses dans les tuyaux. Mais enfin, avec qui s’est faite la discussion ? La discussion avec la société civile, ce n’est pas la mettre devant le fait accompli avec une sorte de grand débat, un peu de télé et puis on balance ce qu’on avait prévu de vous balancer.

On a vu ces pratiques : c’est de la manipulation. Nous, on a une ligne qui est claire : le statut sera dans la France, avec la fin du gel du corps électoral, la fin de la discrimination entre citoyens, mais sur le contenu du statut, nul ne peut pour l’instant le connaître puisque qu’il n’a pas été débattu, discuté, partagé avec l’ensemble des Calédoniens.

Deux visions de société s’affrontent. Quelle est selon vous la différence fondamentale ?

On a un Président qui est européiste, internationaliste, affairiste, qui voit la Commission européenne comme le chef suprême des pays de la communauté européenne alors qu’elle n’est pas élue, et qui œuvre dans l’intérêt des multinationales. On a vu les scandales McKinsey, Alstom. Dans une démocratie normale, il ne pourrait pas se représenter.

Il faut sortir de cette vision technocratique qui est une dictature molle et sournoise. Parce qu’on nous fait accepter l’inacceptable, pas à pas. Marine Le Pen défend le référendum d’initiative citoyenne, la primauté des lois nationales sur les traités internationaux et la proportionnelle à l’Assemblée nationale pour que tous les partis puissent être représentés. Le peuple doit décider par lui-même.

 

Les Français ont été privés de libertés publiques comme on n’en avait jamais vu depuis Vichy.

 

La gestion de la crise Covid est également au cœur du sentiment anti-macron…

Le cabinet McKinsey a notamment décidé à la place de l’administration française avec des conflits d’intérêts monstrueux au profit des laboratoires. Les Français ont été privés de libertés publiques comme on n’en avait jamais vu depuis Vichy. Quand on me parle d’extrême droite, je souris parce que les pires mesures de division de la société, de stigmatisation ont été prises ces dernières années.

Et en Nouvelle- Calédonie, on a surjoué les erreurs du gouvernement national de façon caricaturale par opportunisme politique. Encore aujourd’hui, on doit avoir un schéma vaccinal complet et un motif impérieux pour aller en Métropole alors qu’un étranger n’a besoin que d’un test antigénique. C’est juste insupportable. Toutes les mesures liberticides seront abrogées.

Le pouvoir d’achat est au centre de cette campagne. Que propose Marine Le Pen ?

Si votre économie de proximité est bien défendue, elle bénéficie aux populations, à l’emploi. Ensuite, soit on flèche les moyens sur les allègements fiscaux des multinationales soit on les flèche pour le bien-être de nos citoyens. Nous favoriserons les circuits courts et l’autosuffisance alimentaire, le développement des TPE/PME.

Nous prévoyons également la suppression des surtaxes douanières de 10 %. Même si nous avons la compétence économique, fiscale, il ne faut jamais oublier que le niveau national donne le ton. Je vous invite à voir comment les squats se développent.

 


Marine Le Pen a travaillé son image et veut rassembler tous les insatisfaits du quinquennat d’Emmanuel Macron. Localement, elle est soutenue par la majorité des soutiens d’Éric Zemmour et de Nicolas Dupont-Aignan. Le Rassemblement n’a pas donné de consigne de vote, l’Union populaire demande de ne donner aucune voix à Marine Le Pen. Les indépendantistes ont choisi de rester en dehors de cette élection.

 

♦ L’outre-mer en voie de « tiers-mondisation »

« Marine Le Pen propose un programme sur 15 ans, qui remet les ultramarins au centre du dispositif national au lieu de les fragmenter. L’outre-mer est en voie de tiers-mondisation : on voit ce qu’il se passe aux Antilles, à Mayotte… D’ailleurs, à part ici et à Tahiti, tout l’outre-mer a sanctionné Emmanuel Macron lourdement. Même la Corse l’a sanctionné. Il a maltraité les régions périphériques. Il n’est pas attaché au terroir. »

 

♦ L’environnement

« La meilleure chose qu’on puisse faire, c’est produire sur place, avoir un comportement vertueux en matière économique. Emmanuel Macron a désindustrialisé la France, il a puni son agriculture. La France a perdu
du savoir-faire, vendu à l’étranger. Il faut miser sur le nucléaire, et combiner ici le photovoltaïque et l’hydraulique, arriver à un surplus et produire de l’hydrogène vert. Les éoliennes sont des arnaques. »

 

♦ Les Loyalistes

« Maintenant, quand on est loyaliste, on ne peut que voter Macron. C’est la pensée unique. Le terme loyaliste est un adjectif qui réunissait tous ceux qui voulaient rester dans la France quelle que soit leur sensibilité.
Ça a été récupéré par les macronistes. Pourtant, au moins la moitié des gens qui composent ce groupe avaient appelé à voter Marine Le Pen et pas Emmanuel Macron en 2017. Il y a une incohérence entre s’afficher gaulliste, attaché à la nation, aux traditions, à l’identité et défendre Emmanuel Macron qui incarne tout le contraire. »

 

♦ Conflit russo-ukrainien

« Marine Le Pen a condamné clairement cette violation d’une frontière internationale. Mais elle s’oppose aux embargos qui vont contre l’intérêt du peuple français, qui vont faire exploser le coût de la vie en France
et en Nouvelle-Calédonie en fin de chaîne, sans faire de mal à la Russie. Par contre, il faudrait une action diplomatique claire, ne pas rajouter d’armes là où les civils s’entretuent… C’est lamentable. Et contextualiser ce conflit qui ne sort pas de nulle part. »

 

♦ Immigration

« En Nouvelle-Zélande, en Australie ou au Canada, si vous arrivez du jour au lendemain, il vous faut un titre de séjour. Si vous voulez un logement, il faut que vous en ayez les moyens. Si vous voulez travailler, il faut qu’il y ait des besoins. Il n’y a rien d’extraordinaire si ce n’est de la bonne gestion au service de l’intérêt du peuple. »

 

Propos recueillis par Chloé Maingourd (© C.M. et AFP)