Le difficile retour au bercail des jeunes diplômés

Beautiful young tourist girl with backpack and carry on luggage in international airport, on travelator

Une fois diplômés, beaucoup de jeunes Calédoniens choisissent de ne jamais revenir. Une tendance que la Chambre de commerce et d’industrie et son association Talents calédoniens tentent d’inverser.

Un habitant sur dix a quitté le territoire entre 2014 et 2019. Soit parce qu’il n’est pas né ici (trois quarts des cas), soit parce qu’il a poursuivi ses études à l’extérieur. Une partie de ces étudiants n’est jamais revenue. « Comment est-ce possible que nos talents ne reviennent pas sur notre territoire où il fait si bon vivre ? », s’interroge Charles Roger, directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI).

Le constat n’a rien de nouveau. Entre 2014 et 2021, le solde migratoire est déficitaire selon les dernières estimations de l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee). Les départs sans retour l’expliquent en partie.

Et cet exil a des conséquences économiques concrètes : les entreprises du territoire ne parviennent pas à trouver les compétences dont elles ont besoin. « Toutes ont des difficultés de recrutement, il n’y a pas de secteurs de niche. Des métiers très classiques sont en tension : contrôleur de gestion, ressources humaines, etc. », détaille le directeur général de la CCI.

BRISER LA DÉSILLUSION

Selon une enquête de l’association Talents calédoniens, créée par la CCI en 2020 pour contrer cette tendance, les jeunes diplômés ne se réinstallent pas car ils manquent d’opportunité ou parce qu’ils craignent de ne pas s’épanouir professionnellement. Or, ils étaient 37 % de bacheliers à quitter le territoire en 2020. Un pourcentage en baisse avec la crise sanitaire.

Natacha est l’une de ces jeunes Calédoniennes partie en Métropole suivre un cursus en relations internationales, spécialisation Asie-Pacifique. Après six ans d’études, elle a décidé de rentrer. Elle a cherché pendant un an une offre correspondant un minimum à son bagage universitaire. « Je me suis résignée à prendre un emploi alimentaire qui ne correspondait absolument pas à mon diplôme. J’ai donc appris le métier sur le tas », témoigne celle qui pensait rapporter « des connaissances utiles au pays ».

Jeudi 6 octobre, les Talents calédoniens ont organisé une conférence de presse pour présenter leur programme « Re-vivre en NC », une formation-test pour inciter au retour après des études supérieures en Métropole ou à l’étranger.

Natacha s’est déjà imaginée repartir en France ou ailleurs. À chaque fois, l’éloignement familial l’a découragée. « J’ai été très déçue du manque de confiance des entreprises et des institutions locales envers les jeunes diplômés. Il y a toujours une excuse pour ne pas nous prendre. Soit c’est un manque d’expérience, soit un trop plein de diplômes », déplore-t-elle.

Aujourd’hui, elle en regretterait « presque d’être partie aussi longtemps » pour des études qui ne lui servent pas professionnellement. « Il y a une trop grande déconnexion entre les parcours scolaires et la réalité du tissu économique local, pointe Pierre Kolb, président de Talents calédoniens. Il faudrait faire des liens avec les opportunités locales dès le processus d’orientation. »

L’ENVIE DE REVENIR

L’association milite pour donner « envie de venir ou de revenir en Nouvelle-Calédonie ». En 2022, elle lance « Re-vivre en NC » avec la province Sud, la CCI, le haut-commissariat de la République et la Maison de la Nouvelle-Calédonie. Ce programme vise à épauler 30 Calédoniens de moins de 30 ans (nés ici ou ayant fait plus de 10 ans de leur scolarité) sur le retour ou revenus depuis moins d’un an. « On va les aider à trouver leur poste de rêve ou à créer une entreprise », explique Pierre Kolb.

Une session de six mois sera organisée en février 2023. Un parrain, chef d’entreprise membre de l’association Talents calédoniens, accompagnera chaque candidat sélectionné. La campagne de recrutement se déroule via le site de la CCI jusqu’au 6 novembre. « On ne favorise pas les plus brillants, ni les lauréats des plus grandes écoles, mais les plus méritants. »

Le dispositif est un test cherchant à démontrer l’intérêt de tels accompagnements. « Ce n’est pas un problème simple, il n’y pas de solution miracle », expose Pierre Kolb. Le simple fait de montrer que les entreprises sont volontaires est, selon lui, un premier « signal positif ».

Photo : Illustration Shutterstock

Brice Bacquet

Une plateforme pour rendre le territoire attractif

En 2023, l’association Talents calédoniens compte mettre en ligne une plateforme pour « expliquer la Nouvelle- Calédonie et inciter au retour », dans le cadre de son programme « Re-vivre en NC ».

Comment se loger ? Où chercher un emploi ? Comment fonctionne le système de santé ? Quelles démarches administratives ? « Le site répondra aux premières questions pratiques des candidats au retour en relayant sur les sites partenaires », explique Pierre Kolb.

Le portail doit faciliter la recherche des aspirants, en leur proposant des informations essentielles à leur future installation. Il sera un premier outil pour accompagner les talents calédoniens de demain.