Le dépistage, l’autre nerf de la guerre

Face à la propagation du Covid-19, la campagne de dépistage a déjà été adaptée avec le déploiement massif des tests rapides de la réserve stratégique de la Dass. En l’absence d’un taux de vaccination élevé, cette méthode, sous quelque forme que ce soit, restera un outil indispensable à la gestion de ce virus pour mesurer sa propagation, les besoins hospitaliers, servir à la sortie de confinement, ou encore voir arriver différentes vagues.

 

Une semaine après la découverte des premiers cas, la rapide propagation du puissant variant Delta a déjà imposé un changement de paradigme au niveau des tests. La stratégie reposait jusqu’à présent sur l’utilisation des tests PCR, dont la précision était très utile dans une situation Covid-Free pour déceler le virus en particulier chez des personnes sans symptômes, en sortie de sas sanitaire et pour éviter l’introduction. La PCR devait être également très utile après la détection des premiers cas pour renforcer les tests en population générale sur quelques points stratégiques. Mais l’ampleur de la propagation s’est rapidement illustrée.

La couverture vaccinale étant encore insuffisante et les moyens en analyses de PCR limités, un dépistage de masse par tests antigéniques a dû être initié pour détecter les différents clusters, espérer endiguer la propagation virale à grande échelle et mesurer la situation. Le Dr Ann-Claire Gourinat, biologiste médicale, membre du groupe d’experts Covid NC, expliquait récemment qu’en situation « hors de contrôle », la stratégie serait adaptée aux « moyens limités dont disposent les laboratoires pour atteindre un niveau de testing élevé ». Qu’elle reposerait sur l’utilisation des tests antigéniques, dits tests rapides en population générale, tandis que les PCR seraient réservés aux hospitalisés, aux voyageurs, aux évasans, « pour lesquels il faudrait garder une réserve ».

Des tests moins coûteux

Les tests antigéniques sont efficaces quand on a des symptômes. Ils permettent un dépistage simple et plus rapide de la charge virale – 15 minutes contre 24/48 heures pour les PCR – ils sont moins coûteux et ne nécessitent pas les moyens de haute technicité ni le personnel très qualifié qu’implique la technique de PCR. C’est pourquoi ils peuvent être déployés à grande échelle. « À partir du moment où on a une circulation du variant Delta en population, l’important c’est de dépister un maximum de gens, surtout les personnes symptomatiques et donc potentiellement contaminantes pour les isoler, apporter des traitements adaptés à leurs symptômes, des soins plus précoces et casser les chaînes de transmission », ajoute le Dr Pierre-Henri Moury, réanimateur au CHT et également membre du comité d’experts Covid NC.

Seul problème, la sensibilité de ces tests inhérente à la technique et à la qualité du prélèvement : ils peuvent parfois produire de faux négatifs essentiellement chez les personnes asymptomatiques. Les PCR en milieu hospitalier « assurent lors de difficultés de diagnostic d’authentifier le Covid par rapport à d’autres pathologies ».

Un outil essentiel

Un large dépistage est indispensable pour mesurer l’évolution de l’épidémie et prévoir les besoins hospitaliers. « Le nombre de tests positifs permet effectivement de prévoir le nombre de malades qu’on aura à l’hôpital la semaine prochaine et en réanimation dans deux semaines », confirme le Dr Moury. Le dépistage va également permettre de mesurer l’efficacité du confinement, du couvre-feu, le degré de maîtrise de la situation et d’orienter la stratégie sanitaire. « On est au début de l’épidémie et on espère atteindre, comme dans les autres pays, un pic avec une décroissance grâce au confinement et une circulation qui sera tolérable et tout de même mesurable », commente le spécialiste.

Par la suite, il faudra continuer à tester tous les syndromes grippaux ou pseudo-grippaux pour voir quel type de maladie circule. « Il faudra qu’on soit toujours à l’affût d’un redémarrage épidémique. On a quand même toujours beaucoup de surprises avec cette maladie et même si on contrôle les choses à un moment avec un confinement, qu’est-ce qui nous dit que ça ne redémarrera pas après ? » Il faudra donc vivre avec ces tests pour se situer face à la maladie, d’autant plus si le taux de vaccination reste insuffisant. Ils seraient effectivement un peu moins utiles dans une société très bien vaccinée et avec des risques de saturation moins importants dans les établissements de santé.

Chloé Maingourd   © V.G.

 


Des tests chez les généralistes

Les tests antigéniques issus du stock de la Dass sont en cours de distribution dans les pharmacies. Les médecins généralistes et pharmaciens peuvent désormais faire ces tests. Ils sont destinés aux personnes qui présentent des symptômes ou qui ont été en contact avec une personne positive. Le résultat rapide, en 15 minutes, permet aux patients de vite s’isoler.

Un stock suffisant

La réserve stratégique de la Dass comportait 30 000 tests rapides. Le haut- commissaire, Patrice Faure, a indiqué lundi qu’un premier envoi de 200000 tests antigéniques et 100000 tests salivaires avait été effectué dimanche. Un deuxième cargo est attendu en fin de semaine avec en plus des concentrateurs en oxygène, des vaccins et des tests PCR. « Les commandes de tests, qui ont été faites auprès de l’État, nous permettent largement de voir venir et d’avoir une utilisation diffuse sur le territoire pour affronter cette première partie d’épidémie », indique le Dr Pierre- Henri Moury.

Capacités

Tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne en matière de tests, tout dépend de leurs moyens matériels, humains et d’approvisionnement. En Métropole, on est ainsi monté à 580 000 individus testés chaque jour et en Polynésie française, 2 800 PCR par jour. Notre capacité d’analyse en PCR est de 800 par jour au CHT, CHN et à Calédobio en arrêtant d’autres activités. Le gouvernement n’a pas été en mesure de nous apporter des réponses sur le total des tests actuellement pratiqués par jour sur le territoire. Pour tester massivement en PCR, il faudrait investir dans du matériel haut débit (un investissement à 30 millions de francs) et dans des ressources humaines qualifiées.

Et les autotests ?

Les autotests, pour l’heure, ne sont pas inclus dans la stratégie locale parce qu’il faut être capable de dépister le maximum de gens et de manière la plus précise possible. « Mais ils pourront être utiles par exemple dans le cadre d’une reprise d’activité » précise le Dr Moury.