Le couloir se resserre

Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des Outre-Mer, a été auditionné mardi 13 février par la commission des lois du Sénat sur le report des élections provinciales. (© Capture d'écran Sénat)

Le ministre Gérald Darmanin fait aujourd’hui face à une Union calédonienne agacée par le projet de dégel du corps électoral et un Palika attaché aux discussions pour un accord global.

Arrivé mardi soir à La Tontouta en compagnie du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti et de sa collègue Marie Guévenoux, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a pu observer une Nouvelle-Calédonie divisée. Si la parole de l’État trouve un écho auprès des Loyalistes et de leurs partenaires, comme il a pu être mesuré vendredi à Ko We Kara autour de Sonia Backès, les élus de Calédonie ensemble semblent écartés du jeu. Et les indépendantistes diffèrent sur leur stratégie.

La mécanique législative, elle, est en marche à Paris, avec un projet de loi constitutionnelle visant à dégeler le corps électoral provincial et un projet de loi organique reportant ces élections au plus tard au 15 décembre 2024. La révision de la Constitution entrera en vigueur le 1er juillet, sauf si un accord a été conclu entre les Calédoniens avant cette date.

Selon Gérald Darmanin, auditionné mardi 13 février par la commission des lois du Sénat, « c’est justement parce que nous avons mis ces textes de loi sur la table qu’il y a des discussions » sur l’avenir institutionnel entre politiques locaux. Plus encore, pour le ministre, « toutes les tendances, indépendantistes et non-indépendantistes, ont signé un document, il y a un an, qui acceptait le dégel du corps électoral à dix ans… Certains le conditionnaient à un accord global, mais le principe même du dégel était accepté ».

« Nous demandons à l’État de nous donner le temps » de rechercher un accord global entre Calédoniens, insiste Jean-Pierre Djaïwé du Palika. (© Y.M.)

Cette phrase a rehaussé la colère de l’Union calédonienne, parti qui a publié dès le lendemain un démenti. « Vous touchez là au sacré des sacrés ! C’est-à-dire : le peuple kanak existera-t-il ou non demain ? », a appuyé Christian Tein. De fait, l’UC va demander officiellement à l’État de retirer le projet de loi constitutionnelle, le sénateur Robert Xowie étant un relais à Paris pour cette démarche. Dans le cas contraire, le ton monterait « pour faire échec au projet de l’État de dégeler le corps électoral » et un appel à la mobilisation générale serait lancé.

« TROIS DOCUMENTS »

Le mécontentement s’est déjà exprimé par le refus de rencontre entre les représentants de l’UC et le ministre Gérald Darmanin durant son séjour. Mouvement désormais habituel à Nouméa le jour d’arrivée du locataire de la place Beauvau, une manifestation de la Cellule de coordination des actions de terrain, ou CCAT, composée de l’UC, de l’USTKE ou encore du MOI, a connu un pic de tension mercredi à Nouméa pendant une dizaine de minutes avec le jet de bombes lacrymogènes par les forces de l’ordre. Avant un retour au calme.

Gérald Darmanin ne l’a pas caché devant les sénateurs : il n’y a pas pour l’instant d’accord global sur l’avenir institutionnel. « Nous avons aujourd’hui trois documents » expose même Jean-Pierre Djaïwé du Palika : une version 4 du document martyr amené par l’État et travaillé sans l’UC ni le RDO, des propositions de convergences à l’issue d’une action initiée par Calédonie ensemble, et un projet en cours discuté avec Les Loyalistes. D’où la difficulté.

Pour Gilbert Tyuienon et les militants de l’UC, « la visite de Gérald Darmanin est comprise comme une forme de provocation supplémentaire ». (© Y.M.)

Plus encore, selon le responsable indépendantiste, la démarche de l’État avec le projet de loi constitutionnelle est « maladroite ». Coup de « pression ». Jean-Pierre Djaïwé s’interroge : les loyalistes n’auraient-ils pas intérêt à jouer la montre dans les échanges entre Calédoniens, dans le but de présenter au final des amendements quand le texte passera à l’Assemblée nationale ? « Nous allons poursuivre les discussions avec les non-indépendantistes pour parvenir à un accord, et nous nous donnons comme échéance la fin mars », explique l’homme de Hienghène. Si aucune entente ne se profile dans un mois, « nous verrons quelle attitude adopter ».

Yann Mainguet

AU CALENDRIER : La discussion en séance publique du Sénat sur le projet de loi organique se tiendra le 27 février, et celle sur le projet de loi constitutionnelle, les 26 mars et 2 avril.