Le Congrès presse l’État de payer

Philippe Gomès défend l’unité des représentants au-delà des divergences politiques « pour sauver le pays du cataclysme économique et social qui nous menace ». Photo : Anne-Claire Pophillat.

Les élus ont adopté à une large majorité – le groupe UNI s’est abstenu –, mercredi 28 août, la proposition demandant l’adoption d’un plan quinquennal 2024-2029 de reconstruction et d’accompagnement de la Nouvelle-Calédonie par l’État de 500 milliards de francs, déposée par Calédonie ensemble.

« Dérisoires. » C’est ainsi que Calédonie ensemble juge les aides fournies par l’État à la Nouvelle-Calédonie depuis le début de la crise dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution incitant l’État à mettre la main à la poche à la hauteur « des besoins d’un territoire en faillite ».

Les compagnies d’assurances peinent à verser les indemnités dues et les financements octroyés aux entreprises tardent, estime le groupe politique initiateur du texte, qui plaide pour un traitement « en extrême urgence » du dossier calédonien, en associant les institutions locales et l’État à travers un plan d’un montant évalué à 100 milliards de francs par an.

De quoi garantir « le sauvetage du pays », puis « engager sa reconstruction ». Mercredi matin, Philippe Gomès a évoqué « un pays en voie de clochardisation », « 35 000 emplois du privé menacés sur 68 000 », « 43 milliards de pertes de recettes fiscales, douanières et sociales », « 50 milliards de destruction des infrastructures publiques », etc.

« ASSUMER SES RESPONSABILITÉS »

L’appel adressé à l’État est naturel, pensent les élus. D’abord parce que la France se doit d’être aux côtés de la Nouvelle-Calédonie, comme elle l’a été par exemple pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy après le passage du cyclone Irma. Calédonie ensemble s’est d’ailleurs largement inspiré du plan de sauvetage mis en place à l’époque par le gouvernement central pour ces deux collectivités des Antilles. La solidarité nationale doit jouer. Et puis, l’État tient une part de responsabilité dans les événements, considère Philippe Gomès, ayant été « incapable de maintenir le dialogue » et « d’assurer sa mission régalienne de maintien de l’ordre public ».

Les Loyalistes veulent envoyer « un message fort » à l’État, déplorant la lenteur « dans la distribution des aides », déclare Philippe Blaise. En échange, un amendement du Rassemblement engage les groupes « à mettre en œuvre tous les efforts pour un retour au calme », indique Virginie Ruffenach. « C’est la seule condition avec laquelle nous pouvons demander à l’État d’assumer » ses obligations.

Outre les aides à la trésorerie des entreprises et aux collectivités, une des principales sollicitations consiste à soutenir l’investissement avec le « lancement immédiat de grands chantiers ». François Suve, présidente de l’intergroupe Les Loyalistes, plaide pour « la construction du centre pénitentiaire, d’un lycée agricole, et la majoration de la part de l’État dans les contrats de développement ». Cet « engagement massif » de l’État doit être suivi de réformes structurelles dans le cadre du plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction (S2R) mené par le gouvernement, selon Calédonie ensemble.

UN COMITÉ INTERMINISTÉRIEL

Ce travail doit être traité au plus haut niveau politique, insiste Philippe Gomès, qui appelle à la création d’un comité interministériel dès la nomination du Premier ministre. Et à la désignation d’un délégué interministériel rattaché au chef du gouvernement, « interlocuteur constant » chargé d’accompagner la mise en œuvre du programme.

Localement, l’union est requise pour « parler d’une seule voix » afin d’être entendu. D’où la mise en place d’un comité interinstitutionnel (présidents du Congrès, du gouvernement, des provinces, des associations des maires, du Cese, du Sénat coutumier, etc.), qui sera chargé de négocier avec l’État. Une commission rassemblant la société civile, économique et sociale l’assistera. Le calendrier est serré. L’objectif étant de présenter ces travaux aux élus nationaux en vue de l’examen du projet de loi de finances en octobre.

Approbation quasi générale. Pierre-Chanel Tutugoro, président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes, « s’inscrit dans l’état d’esprit » et invite à « mettre de côté les querelles de chapelle », craignant « un risque d’insurrection sociale ». « Si rien n’est fait, cela pourrait jeter notre pays dans le chaos. » Les Loyalistes saluent « ce consensus, qui marque un premier pas décisif vers la reconstruction ».

Seul bémol, celui de l’UNI, qui s’est abstenu. Jean-Pierre Djaïwé, président du groupe, regrette que l’unanimité affichée ne se soit pas manifestée plus tôt sur des sujets comme le Ruamm, la CLR, Enercal, ce qui aurait peut-être permis « de faire en sorte qu’on ne soit pas encore à demander à l’État de nous aider », s’interrogeant : « est-ce que ce n’était pas quelque chose de voulu pour qu’on se retrouve là ? ».

Jean-Pierre Djaïwé invite les conseillers « à s’inscrire pleinement dans l’action du gouvernement. Si l’UNI partage l’idée que l’État doit participer, nous soulignons que cela doit rester conditionné à une participation équivalente de la Nouvelle-Calédonie et à des réformes. L’assistanat est le terreau de tous les maux que nous connaissons aujourd’hui ». Et ainsi présenter « un plan unique et concerté d’une seule voix ».

PRINCIPALES MESURES DE LA RÉSOLUTION

Un moratoire sur les charges patronales pendant un an pour les entreprises lourdement affectées – « la mesure la plus importante en termes de trésorerie », juge Philippe Gomès.

Le report possible de 18 mois du remboursement des prêts garantis par l’État sur simple demande.

Le financement des différents régimes chômage jusqu’au 31 décembre (évalué à 30 milliards de francs) et le prolongement du chômage total.

La mise à disposition immédiate de la réserve sanitaire nationale.

L’instauration d’une défiscalisation nationale « spéciale reconstruction ».

La création d’un fonds d’investissement de proximité « relance Nouvelle-Calédonie » ouvrant une réduction d’impôt.

La transformation des prêts Covid en subventions (49,5 milliards).

Une aide au titre de la compensation des pertes fiscales.

La création d’un fonds dédié pour les collectivités locales touchées par les émeutes.

La préservation des emplois de l’industrie minière et métallurgique.

 

Anne-Claire Pophillat