Le Congrès ouvre la porte de la Chine

Après un long débat ce mercredi, les élus du Congrès ont ouvert le canal d’exportations du minerai de nickel à faible teneur vers la Chine, en n’en interdisant pas le principe à 27 voix contre 25. Rouleurs et petits mineurs peuvent se sentir enfin soutenus.

Convoqués en session extraordinaire par le haut-commissaire, les élus ont répondu aux questions formulées par le représentant de l’État pour éclairer le gouvernement (seul compétent en matière d’autorisation d’exportations) dans ses décisions.  À l’origine de cette convocation on s’en souvient, les divergences d’interprétation du schéma de mise en valeur des richesses minières adopté en 2009 et plus particulièrement la possibilité ou non de l’exportation de minerai à faible teneur vers la Chine, un client « non traditionnel ». Sujet qui provoque de fortes tensions depuis des mois et qui a connu son paroxysme avec le conflit social des rouleurs du mois d’août.

Une majorité qui se dévoile

Sur la principale question de savoir si les demandes d’exportations vers la Chine (au nombre de 4) étaient compatibles avec les principes posés par le schéma minier, 27 élus ont répondu oui. Une majorité composée des élus Républicains (15), UCF (3), d’une grande partie des élus de de l’UC (13) et de Basile Citré du LKS.

Outre deux abstentions (Pierre Chanel Tutugoro et Angy Boehe, absente – UC) 25 représentants ont estimé pour leur part que ces demandes n’étaient pas compatibles avec ce même schéma minier : les élus Calédonie ensemble et ceux de l’Uni Palika.

Suite à ce vote réalisé à main levée, malgré la demande de Calédonie ensemble en faveur d’un scrutin a bulletin secret, il a fallu ensuite se prononcer sur les critères permettant au gouvernement d’apprécier le bien-fondé de telles demandes. À la majorité, il a été décidé d’inscrire à l’ordre du jour du gouvernement dans un délai de quinze jours, les quatre demandes en cours pour la Chine pour un volume total de 1 930 000 tonnes, de les autoriser pour une durée de 18 mois maximum et pour une teneur inférieure à 1,65 %.

Japon

La deuxième question concernait la recevabilité ou non des demandes d’augmentation du niveau des exportations vers les clients traditionnels, en l’occurrence le Japon. Le vote a été encore plus serré avec une égalité de 27 voix, mais la voix prépondérante du président a fait pencher la balance pour cette augmentation.

Cette fois cependant, le Congrès n’est pas parvenu à définir les critères sur lesquels le gouvernement devra s’appuyer pour se prononcer. Il a simplement été acté que le contrat de la SLN devait être examiné avant le 30 novembre, et d’ici six semaines, à partir du dépôt du dossier pour MKM.

S’adapter au contexte actuel

Les Républicains, par la voix de Sonia Backes et Grégoire Bernut, et l’UCF, par la voix de Philippe Blaise, n’ont eu de cesse de répéter que le schéma de mise en valeur des richesses minières n’interdisait en rien les exportations vers d’autres clients mais relevait justement des autorisations du gouvernement. Selon eux, la volonté des élus qui avaient voté en sa faveur en 2009 était bien de « fournir un cadre où chacun aurait sa place dans la stratégie minière », petits mineurs ou grands groupes industriels et non pas « d’exclure une corporation ou un modèle de développement, ou d’instaurer un monopole en faveur de QNI ou de Posco ». Et dans un contexte actuellement déprimé, ils ont avancé la nécessite de « saisir les opportunités pour maintenir l’emploi sur mine ».

Basile Citré, pour le LKS, a indiqué pour sa part qu’il acceptait de « déroger au schéma minier, un outil néanmoins primordial, pour que les rouleurs maintiennent leur activité ».

Roch Wamytan, président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes, a également fait valoir la ponctualité de l’opération. « La Nouvelle-Caledonie doit saisir cette opportunité. Il est important de ne pas amplifier les difficultés », a-t-il défendu. Caroline Machoro-Reigner a plus largement souligné que l’UC était « favorable à ce que la SMSP saisisse des opportunités de développement international », mais que « son action ne devait pas occulter la dynamique nécessaire au développement local ». Le groupe a émis le vœu que la richesse minière soit « source de cohésion plutôt que de division » et a demandé la reprise des travaux du Comité stratégique industriel pour produire la future stratégie du pays.

« Stratégie à la petite semaine »

Calédonie ensemble s’est opposé tout net aux arguments formulés par cette majorité. Sur la forme, le parti a rappelé que le schéma ne constituait « ni un document d’orientation, ni une variable d’ajustement politique », que la Chine n’était pas un client traditionnel et que l’augmentation vers le Japon était « hors de proportion » avec les préconisations du schéma puisqu’elle reviendrait à doubler les exportations de nickel contenu sur la décennie, hors Corée, alors qu’elles ont déjà été doublées ces cinq dernières années.

Philippe Michel a parlé d’un débat « décalé » dans un contexte où, selon lui, les exportations de minerai brut constituent la seule activité minière continuant à générer des bénéfices.

« À l’exception d’une seule société (MKM, ndlr) les petits mineurs n’ont jamais autant exporté », a-t-il argumenté. Il a par ailleurs soutenu que cette « stratégie à la petite semaine (…) constituait une faute économique et politique, qui affaiblirait durablement notre industrie métallurgique ». Car elle va, a-t-il expliqué, à l’encontre du principe d’optimisation de la ressource du schéma minier. L’approvisionnement des stocks de minerai à basse teneur dans les ports chinois participerait selon lui à la dépréciation des cours, et lui donnerait sur le marché un avantage aux dépens des opérateurs locaux.

Position également soutenue par l’Uni Palika pour qui la maîtrise de la ressource est capitale pour optimiser la création de valeur ajoutée. « L’exportation ne doit pas être synonyme de dilapidation de la ressource par une surexploitation qui ne laisserait rien pour les générations futures », a ainsi fait valoir Joseph Goromido.

L’intervention de Paul Neaoutyine a été particulièrement suivie. Le président de la province Nord a affirmé qu’on lui faisait souvent « un mauvais procès d’intention » et que l’on pouvait « développer le nickel calédonien de façon citoyenne ».

Il a aussi prévenu ceux qui sont en train de se précipiter vers la Chine : « Nous les connaissons bien nous. Une fois qu’ils tiennent quelque chose, ils ne le lâchent pas ».

Une fois toutes ces positions réitérées et clarifiées, reste maintenant à voir si le gouvernement et son président en particulier, vont respecter l’avis des conseillers et ne pas entraver le cheminement des demandes formulées par les mineurs. L’avis du Congrès n’a certes aucune valeur juridique, mais bien une légitimité démocratique qu’il serait forcément dangereux d’occulter…

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Réaction 

Max Foucher, vice-président de Contrakmine.

« La majorité du Congrès a pris conscience que l’économie du territoire a besoin des petites exportations pour fonctionner. Il est sûr et certain que s’il n’y avait pas eu cela, il y aurait eu de la misère dans ce pays. Parce que les grosses exportations sur la Corée, qui représentent une stratégie pays à l’heure actuelle, ne laissent pas encore les retombées au pays pour fonctionner. On sait très bien que tous les métallurgistes sont déficitaires actuellement, alors pourquoi on n’imaginerait pas que notre four offshore de Corée ne soit pas lui aussi déficitaire ? (…) On sait qu’en exportant on arrive à survivre et c’est le principal, surtout sur une petite durée ! Le principal, c’est ce cap et puis de continuer à se mettre autour d’une table pour construire l’avenir du pays.
Maintenant le combat va continuer. Nous n’avons pas confiance en notre gouvernement, mais on va croiser les doigts et on va attendre. On espère qu’avec une séance comme celle-ci, l’exécutif a compris que la majorité des élus est favorable à ces exportations. Et on peut remercier tous ceux qui ont voté dans notre sens. Ce sont des gens qui veulent construire le pays, qui regardent loin devant.

Enfin, le vote à main levée était une bonne chose, pour la population, les médias. Il ne faut pas avoir peur de montrer publiquement ses convictions. C’est ce que nous avons fait jusqu’à présent. Et j’espère qu’on n’est pas dans une dictature et qu’on continuera à faire fonctionner ce pays, à faire travailler tous les gens qui ont besoin de travailler, de ces revenus mensuels pour vivre ».

C.M 

Photos M.D