Le Congrès, divisé, maintien la vaccination obligatoire

L’examen de la proposition de délibération visant à abroger la vaccination obligatoire a cristallisé les tensions mardi au Congrès et divisé au sein même de certains groupes. Le texte a finalement été rejeté. En revanche, l’obligation, censée être appliquée au 31 décembre, a été reportée au 28 février.

« Nous sommes les élus des vaccinés et des non-vaccinés. » Cette phrase prononcée par Milakulo Tukumuli (Éveil océanien) résume ce qui s’est illustré mardi au sein de l’hémicycle du boulevard Vauban. Une véritable division sociétale sur la difficile question de la vaccination obligatoire contre laquelle manifestaient encore plusieurs centaines de personnes le jour même devant le Congrès.

La proposition visant à abroger la délibération 44/CP instaurant l’obligation vaccinale en Nouvelle-Calédonie avait été proposée le 19 novembre en nom propre par Virginie Ruffenach, Guy-Olivier Cuenot, Omayra Naisseline, Pierre-Chanel Tutugoro et Milakulo Tukumuli. Elle a été rejetée par 30 voix contre, 22 pour et deux abstentions. L’application de l’obligation prévue initialement au 31 octobre, puis au 31 décembre, a néanmoins été reportée une nouvelle fois, au 28 février.

Faire confiance

Les porteurs du projet ont motivé dans le détail leur démarche. « L’obligation avait été votée quand seuls 20 % de la population était vaccinés. C’était un choix courageux, mais aujourd’hui, on arrive à un plafond de verre et il faut changer de stratégie », a avancé Milakulo Tukumuli.

« Cette obligation génère désordre et divisions, elle pose des difficultés en entreprise ou dans les hôpitaux où il est impossible de reclasser. Et on parle d’une faible efficacité du vaccin sur le variant Omicron. Il faut donc revenir au pragmatisme et à l’information des personnes fragiles », a défendu Virginie Ruffenach, présidente du groupe Avenir en confiance.

Pour Guy-Olivier Cuenot (Rassemblement national-Avenir en confiance), cette mesure n’est plus justifiée. « C’est comme si l’on imposait en saison cyclonique une alerte 2 permanente. » Il affirme que « ces injections ne freinent pas l’épidémie » et qu’il faut faire cesser cette « petite musique selon laquelle les non-vaccinés sont porteurs de mort », sachant que les vaccinés peuvent tout aussi bien être porteurs du virus.

« On ne peut pas faire semblant de ne pas voir les problèmes que pose l’obligation », plaide Pierre Chanel Tutugoro, président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes et Éveil océanien, qui affirme que « l’abrogation est une adaptation à la situation actuelle, plutôt qu’un recul ». Pour Omayra Naisseline, du même groupe, les indicateurs actuels ont bien justifié un assouplissement des autres mesures et devraient donc justifier l’abrogation de cette obligation.

Un outil de protection

Ce discours s’est heurté à tous ceux qui pensent qu’au contraire, notre stratégie doit toujours reposer sur la vaccination, notamment dans les rangs de Calédonie ensemble. Pour Philippe Michel, chef du groupe, revenir sur cette obligation alors que de nombreux pays y viennent, « c’est prendre à nouveau le risque de saturer nos hôpitaux à la faveur d’un rebond qui s’est produit partout sur la planète » et de « sacrifier l’économie et les entreprises avec un nouveau confinement ». Philippe Gomès s’est demandé comment on pouvait être le premier pays à se penser immunisé. « C’est un raisonnement qui ne tient pas la route. » Selon lui, les données n’ont pas évolué dans le sens positif « et si on ne tremble pas sur les manettes on permet au pays d’être protégé ».

Selon Sonia Backes (Avenir en confiance), les experts prédisent jusqu’à 3 000 contaminations par jour en Nouvelle-Calédonie avec le variant Omicron. Elle a redit que 93 % des victimes calédoniennes n’avaient pas un schéma complet. Gil Brial s’est inquiété du message envoyé aux Calédoniens. « Cette délibération va flouter tout ce qui a été fait ces derniers mois. » Du côté de l’UNI, Jean-Pierre Djaïwé estime que la liberté, droit universel, donne cette fois « un couloir au virus pour circuler dans le monde ». Selon lui, les mesures prises jusqu’à présent ont permis de contenir en partie la propagation et « face à l’intérêt général, il y a un choix à faire ».

Quelques élus, dont Nicolas Metzdorf (Générations NC) et Philippe Gomès, qui se sont positionnés contre l’abrogation, ont néanmoins demandé au gouvernement de reprendre le dossier en main et de se pencher efficacement sur l’accompagnement des entreprises, son application étant effectivement difficile à mettre en œuvre. Et d’aller chercher les 7 800 personnes fragiles et non vaccinées identifiées par la Dass. C’est aussi pour donner du temps au gouvernement qu’une majorité d’élus s’est prononcée en faveur de la proposition de Calédonie ensemble de reporter de deux mois son entrée en application. À ce stade, 74,86 % de la population vaccinable dispose d’un schéma complet. Il resterait dans cette catégorie 30 000 personnes à vacciner. Il a également été demandé au gouvernement de se doter, dès que possible, des vaccins Novavax et Valvena qui pourraient convaincre les personnes réticentes aux vaccins à ARN messager.

 


Fini, le consensus

L’union sacrée affichée le 3 septembre dernier en faveur de l’adoption de l’obligation vaccinale n’est qu’un lointain souvenir. Quelques jours seulement avant l’arrivée du virus sur le territoire, les élus avaient fait front commun pour défendre cette obligation dans l’objectif d’inciter à la vaccination et permettre de l’imposer à l’entrée de la Nouvelle-Calédonie pour sécuriser le sas sanitaire. Cette mesure prévoit une amende de 175 000 francs pour les employés des secteurs sensibles et les personnes à risques.

Cette fois, le sujet a divisé jusque dans les rangs des groupes politiques. La séance a donné lieu à de très nombreuses prises de parole. À la demande de Calédonie ensemble, le vote a été nominal, c’est-à-dire que chaque élu a dû exprimer à voix haute sa position. Sept élus sur 18 de l’Avenir en confiance ont suivi Virginie Ruffenach et voté pour l’abrogation. L’UC-FLNKS et Nationalistes et l’Éveil océanien s’est également prononcé pour, avec néanmoins deux abstentions : Caroline Machoro-Reignier et Isabelle Bearune. Kadrile Wright, du Parti travailliste, s’est prononcée pour. Calédonie ensemble et l’UNI ont fait le plein contre l’abrogation, avec également les 11 voix de l’Avenir en confiance, de Nicolas Metzdorf (Générations NC) et Marie-Line Sakilia, récemment suspendue du groupe UC, désormais sans étiquette.

 

Chloé Maingourd (© Archives DNC/A.-C.P.)