Le comité des Sages « très attentif » aux tensions

Dans le contexte compliqué du troisième référendum, le comité des Sages continue de jouer son rôle de veille pour un « débat public exemplaire et apaisé ». Jean-Pierre Flotat, son président, regrette notamment certains propos tenus ces derniers jours.

DNC : Le contexte politique vous inquiète-t-il ?

Jean-Pierre Flotat : On n’est pas inquiets outre mesure, mais attentifs à la situation parce que l’annonce du maintien du référendum le 12 décembre a créé des crispations dans les esprits, voire fait naître des inquiétudes qui conduisent à craindre un climat de tension. Nous n’intervenons pas sur le fond du débat parce que les politiques ont, bien sûr, la totale liberté de s’exprimer, mais nous regardons la forme parce que l’on estime qu’il y a des façons de dire les choses. Il ne faut pas que les propos ou déclarations publiques puissent heurter ou blesser la société calédonienne.

Justement, des propos vous ont-ils interpellé ces derniers jours ?

Oui dans les interviews à la télé, à la radio et même la lettre du Palika, par exemple, nous interpelle… M. Washetine s’en est expliqué et il a d’ailleurs reconnu que ses propos étaient excessifs. Tant mieux, je ne peux que m’en réjouir. C’est dans ce genre de situation que nous souhaitons intervenir pour éviter des déclarations qui peuvent créer un climat délétère. On peut légitimement ne pas être d’accord sur le choix de la date du 12 décembre, mais, pour autant, l’expression de ce parti pris doit se faire dans la retenue, tout comme de la part de ceux qui approuvent cette décision.

Tout cela contribue à alimenter un climat de tension inutile et dangereux que j’évoquais précédemment. Il faut faire en sorte de retrouver de la sérénité dans les esprits, calmer les tentations extrémistes de tous bords et, surtout, créer rapidement les conditions d’un dialogue ouvert et constructif. Fort heureusement, malgré ce qui a été dit, on observe qu’il y a une volonté, à partir du 13 décembre, de se rencontrer, c’est ce qu’il faut souhaiter. C’est juste dommage de voir qu’on en est encore à ce point au bout de trente ans. On est dans un goulot d’étranglement qu’il faudra bien franchir.

Quel positionnement pour le comité des Sages durant cette campagne ?

On va prendre des initiatives très rapidement auprès des responsables politiques et de la société civile pour faire en sorte que ce climat de tension ne dérape pas. On voit, par exemple, ce qui se dit sur les réseaux sociaux et qui attise la haine. C’est cela aussi qu’il faut à tout prix combattre. Fort heureusement le procureur de la République a pris des initiatives en ce sens et il faut s’en féliciter.


Dérapages

La justice continue de sévir contre les messages violents et les appels à la haine sur les réseaux sociaux qui n’épargnent pas les politiques. L’activiste Florent Eurisouké a ainsi été placé en garde à vue, puis sous contrôle judiciaire, dans le cadre d’une enquête pour des menaces proférées à l’encontre du président de la province Nord, Paul Néaoutyine, et des élus indépendantistes « âgés de plus de 50 ans ». Il sera jugé en mars prochain.

Dans une vidéo diffusée sur le média ERSK TV et enregistrée sur le pont de Tiwaka, l’intéressé avait appelé les jeunes « à les traîner de leur bagnole, leur savater la gueule (…) ces vieux pourris, il faut les arrêter d’une manière ou d’une autre, les savater (…) il faut les éliminer ». Il a contesté l’infraction reprochée, estimant que ses propos « correspondent à son franc-parler ». Il a interdiction d’entrer en contact avec Paul Néaoutyine et de détenir ou porter une arme. Il encourt cinq ans d’emprisonnement et une amende de plus de cinq millions de francs pour « provocation publique non suivie d’effet à la commission d’un crime ou d’un délit ».

Un homme de 45 ans, sans antécédents judiciaires cette fois, a été condamné pour les même chefs d’accusation au préjudice de la présidente de la province Sud, Sonia Backes. Le mis en cause avait diffusé cette phrase sur un post : « peut-être une balle qu’elle devrait prendre ».

C.M.

©C.M. / archives DNC