Le Chapitô contre vents et marées

Le grand chapiteau orange qui apporte des spectacles gratuits aux quatre coins de la Nouvelle-Calédonie a entamé sa saison à Ouégoa. Mais, en raison d’une baisse de ses ressources, son avenir est incertain.

♦ De Ouégoa à Voh 

C’est à Ouégoa, à la tribu de Bondé, que le Chapitô a lancé sa saison pendant deux semaines, jusqu’au week-end des 23 et 24 avril, avec huit spectacles et quatre séances dédiées aux scolaires, soit près de 2 000 spectateurs. Une offre complétée par six représentations dans les écoles menées par le Dansôbus de la compagnie Troc en jambes, ainsi que la tenue d’ateliers et d’un stage avec des jeunes de la Mij en partenariat avec la compagnie métropolitaine Surprise (lire par ailleurs), qui sera proposé lors de chaque implantation du Chapitô. Objectif, notamment, « travailler la prise de parole en public et la confiance en soi », explique Quentin Rétali, directeur du Chapitô, qui vient de prendre ses quartiers à Voh jusqu’au 10 mai.

La structure accueille cette fois neuf soirées, dont deux autour du cinéma, une portera sur l’égalité homme-femme et l’autre sur le processus de création avec un documentaire sur Richard Digoué et la compagnie de danse Nyian. Terre de punitions de la compagnie Mik Mak, Born to Be a Star de Maïté Siwéné et Celle qui marchait seule avec son carton de Pacifique & Cie sont aussi annoncées, ainsi que le spectacle « Waa’n Bwaxala » (musiques vivantes et chants océaniens), avant sa représentation sur la scène du Conservatoire.

♦ « Faire naître des projets »

Le Chapitô élabore sa programmation en fonction de plusieurs critères. Il y a des opportunités, comme celle qui s’est présentée avec la compagnie Surprise, « cela nous permet de diffuser quelque chose d’ailleurs », indique Quentin Rétali, mais aussi le suivi des artistes, danseurs et comédiens, auxquels la structure fait appel afin de « les installer dans un statut de professionnel ». Leur donner la possibilité de rester plusieurs jours au même endroit leur permet aussi de proposer des « ateliers, d’occasionner des moments de rencontre, voire de faire naître des projets. Le Chapitô est un peu un incubateur », précise le directeur. Et représente une façon de rompre l’isolement vécu par certains artistes de Brousse en se rendant jusqu’à eux, « on touche des sites très éloignés ».

♦ « Le combat recommence chaque fois »

Mais, cette année, il manquerait environ 20 millions de francs au Chapitô pour boucler son budget. Et cela, sans compter l’augmentation du coût de la vie, notamment du prix des carburants, qui affecte particulièrement l’organisation. Quatre opérations sur les huit prévues sont financées. « Le gouvernement nous a octroyé six millions de francs en 2021 contre 13 millions en 2014 et nous sommes toujours dans l’incertitude pour 2022. » Le financement de la province Nord aurait été divisé par trois et l’aide de la province Sud, « une participation plutôt sur l’aspect logistique », d’un tiers. Seul le soutien de la ville de Nouméa n’a « pas bougé ».

Pour faire face, il sera peut-être nécessaire « de resserrer voire d’annuler certaines choses ». 2022 pourrait-elle être la dernière de l’existence du Chapitô ? « Je suis pessimiste, mais je ne suis pas dans la défaite. Chaque année, on se dit que ce sera la dernière et on finit toujours par s’en sortir, alors on verra. Ce qui est fatigant, c’est que le combat recommence chaque fois, rien ne nous sécurise, aucune convention pluriannuelle. » Afin de récolter des fonds pour mener à bien son action, l’association a lancé une campagne de financement participatif sur wawa.nc.

♦ « C’est un choix politique »

« Il faut faire des économies, mais la question c’est où ? Et c’est toujours la culture qui trinque, c’est un choix politique », note Quentin Rétali, preuve selon lui qu’elle n’est pas une priorité. Or, « c’est ce qui soude. Quand on enlève cela, on brise le lien social », estime le directeur, qui regrette l’absence d’une politique culturelle. Selon lui, « tout va ensemble. S’il y a une vision, il faut les moyens en face. » Il prône une politique publique d’orientation qui laisse la place à « de la liberté », qui « permet de la diversité artistique. Il faut accompagner une vision de la culture sans que ce soit trop dirigé. »

 


Didier Super en Nouvelle-Calédonie

Didier Super est présent sur le territoire avec la compagnie Surprise, qui présente son dernier spectacle, La beauté intérieure ne fait pas tout, en tournée avec le Chapitô (à Voh le 6 mai, à Nouméa le 16 juin) et au centre culturel du Mont-Dore fin août, les 25, 26 et 27.

L’histoire ? Deux comédiens et chanteurs « à côté de la plaque » et « complètement à l’ouest » se glissent dans la peau des clowns Chaussette et Saucisse pour tenter de raconter l’histoire de Cendrillon.

 

Anne-Claire Pophillat (© Le Chapitô)