Le BTP en grande difficulté

Pour affronter la crise que traversent actuellement les entreprises du BTP, les acteurs de la construction ont décidé de créer le collectif Alliance urgence construction. L’objectif est double : sensibiliser la population et les élus aux risques d’effondrement du secteur et trouver des solutions immédiates pour relancer les projets en stand-by explique Silvio Pantoni, président de la Fédération calédonienne de BTP. 

 

DNC : Pourquoi un collectif pour le BTP ?

Silvio Pontoni : La situation s’est fortement dégradée ces dernières années, mais la crise s’est vraiment accentuée en 2020. Ce sont les architectes qui, en premier, nous ont alertés, car ils avaient déjà du mal à occuper leurs salariés. On sait qu’au dernier recensement, la Nouvelle-Calédonie a perdu 10 000 personnes, cela se ressent. Et puis, l’incertitude liée à l’annonce du troisième référendum n’a rien arrangé. Bref, la situation est très grave dans notre secteur et nous avons décidé d’unir nos forces avec l’ensemble des acteurs pour relancer rapidement les projets.

Dans quelle mesure l’arrêt des commandes met votre secteur en difficulté ?

Nos difficultés sont liées à l’arrêt des commandes dans le secteur privé. Il faut savoir que le privé représente 60 % de notre chiffre d’affaires. Donc à partir du moment où on ne lance plus de programmes de bureaux, de commerces ou de logements, ça se répercute forcément sur notre secteur. On va dire que le secteur public a joué son rôle tant qu’il pouvait, mais il a, lui aussi, des difficultés financières et privilégie le fonctionnement plutôt que l’investissement en ce moment.

Qui sont les membres du collectif ?

L’organisation regroupe des acteurs touchés par les difficultés du BTP : des organisations syndicales de salariés (Soenc BTP/Industries- énergie et chimie et USTKE), le syndicat des exploitants carrières et des industriels du béton prêt à l’emploi, la Fédération des entreprises de travail temporaire, la FPME du BTP, la Fédération calédonienne du BTP et la Fédération des industries. Nous avons aussi voulu associer l’Ordre des architectes, le conseil régional du Pacifique Ouest, la Confédération de l’immobilier, la Chambre des bureaux d’études, l’organisation patronale U2P-NC et le syndicat des importateurs et distributeurs.

La composition est-elle vouée à évoluer ?

Effectivement, nous avons contacté les gens dont on savait qu’ils étaient touchés par ces difficultés. Cependant, il y en a peut-être d’autres qui souhaitent se joindre à nous, que ce soit dans les organisations syndicales de salariés, de patrons, un promoteur… Nous les encourageons à venir.

Quelles actions allez-vous mettre en place ?

Dans un premier temps, nous voulons déjà sensibiliser le grand public, car nous nous sommes aperçus que la population ne se rendait pas du tout compte de la gravité de la situation. Beaucoup de gens pensent qu’à partir du moment où ils voient des grues, le BTP fonctionne. Or ce n’est pas le cas et nous avons un travail d’information à faire sur ce point.

Vous avez aussi rencontré des institutions. Qu’attendez-vous des élus ?

Nos élus, même s’ils mettent de la bonne volonté pour débloquer la situation, ont beaucoup de dossiers urgents en cours, le Ruamm, par exemple. Notre problématique risque de ne pas être prise en compte de manière prioritaire. Nous allons à leur rencontre pour les alerter de notre situation, mais ce que nous souhaitons faire pour relancer le secteur, c’est inciter nos clients, les maîtres d’ouvrage, qui repoussent leurs projets à les mettre en œuvre le plus rapidement possible. Je pense notamment à l’OPT, l’Aviation civile, les communes. Les travaux concernant le col de Katiramona bloqués à cause d’un litige pourraient également être lancés.

Il s’agit donc d’une relance à court terme ?

On sait très bien qu’il faudra aussi travailler avec nos élus pour gagner en visibilité. Mais ils ne peuvent pas s’engager avant le résultat du référendum et nous avons besoin d’une relance très rapide.

On sait qu’entre la conception d’un projet et sa concrétisation, les démarches administratives peuvent être longues. Comment pouvez-vous contourner ce problème ?

L’un de nos objectifs est de réduire au maximum ce mille-feuille administratif. Tous les élus que nous avons rencontrés sont favorables à une simplification des procédures. Nous avons également discuté avec l’Ordre des architectes pour voir comment il pouvait agir à ce niveau. Souvent, ce sont des motifs qui nous paraissent insignifiants qui bloquent tout le dossier. Je pense, par exemple, au site de l’ancienne clinique Magnin dont le projet est en cours, mais bloqué au niveau du permis de construire. On va voir avec le promoteur et l’architecte afin de comprendre de quelle manière nous pouvons les assister.


L’ensemble du secteur du BTP en difficulté

D’après le collectif Alliance urgence construction, 4 000 emplois ont été détruits en 10 ans, passant de 9 500 à 5 600 postes. « Depuis 2017, le BTP est touché par la crise, mais jusqu’à présent, seuls les salariés étaient concernés. Nous avons passé une étape supplémentaire, car le problème concerne maintenant l’ensemble des entreprises du secteur », réagit Vaamei Etuete, secrétaire général du Soenc BTP, qui représente le syndicat au sein du collectif. En 2020, 35 % des faillites font partie du secteur de la construction. Dans son communiqué de presse, il alerte : « Sans nouveaux projets, 2022 sera la pire année jamais vécue par ce secteur ».

V.G.

©M.D./DNC

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