Le béton frappé par une maladie peu connue

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Les constructions calédoniennes doivent faire face à une maladie pas vraiment nouvelle, mais peu documentée. Elle serait liée à la présence de zéolite dans les granulats utilisés dans la production de béton. Une étude sur trois ans a été lancée par la Fédération du BTP, en partenariat avec le gouvernement.

Il suffit de sortir de chez soi pour observer le phénomène. Les bétons « lépreux » qui s’effritent sous l’effet d’un simple frottement sont légion. On en retrouve un peu partout, à commencer au Centre de Ducos, où se trouve le siège de la Fédération calédonienne du BTP qui va lancer une étude pour mieux connaître cette maladie qui touche les bétons calédoniens et provoque une désagrégation prématurée.

La maladie n’est pas nouvelle puisque le phénomène a engendré des déclarations de sinistres depuis maintenant une dizaine d’années. Les professionnels du bâtiment se veulent toutefois rassurants : « Il n’y a pas de risque d’effondrement, assure Gilles Maeder, le directeur du laboratoire du BTP (LBTP) qui effectue notamment les contrôles pour les travaux publics. Les pertes de matière se chiffrent en millimètres et les désagréments sont avant tout esthétiques. Aujourd’hui, on intervient en appliquant un enduit de protection. » Une solution qui est mise en question du point de vue de sa durabilité.

Si l’on sait que cette maladie se développe surtout sur des bétons exposés aux intempéries, c’est à peu près tout. Et pour cause, la maladie n’existe quasiment pas en Europe, car la zéolite est peu présente. C’est selon toute probabilité à ce minéral, naturellement présent dans certaines carrières calédoniennes, que l’on doit cette maladie. Pour le directeur du LBTP, la présence de zéolite pourrait faciliter l’infiltration d’eau dans le béton et provoquer une plus grande friabilité des couches superficielles.

Appliquer un enduit de protection

Pour en avoir le cœur net, la Fédération calédonienne du BTP a décidé de mener une étude afin de documenter cette maladie qui est mal connue, y compris dans des pays comme le Japon ou l’Ukraine où elle également a été signalée. L’étude, d’un budget de 30 millions et cofinancée pour moitié par le gouvernement, devrait permettre de définir précisément la maladie, ses causes ou encore son évolution, mais aussi les remèdes éventuels. Ces solutions seront recensées dans des guides méthodologiques à l’usage des professionnels. À terme, des concentrations maximales en zéolite devraient être définies en fonction des usages possibles, tout comme les procédures d’utilisation des produits.

L’étude aura aussi pour objectif de définir une méthode de dépistage, les symptômes de la zéolite étant relativement proches d’autres pathologies du béton, comme la porosité. Elle sera découpée en trois phases, la première vise à recenser les travaux déjà effectués sur la question. La deuxième phase sera la plus complexe. Elle consistera à réaliser des expérimentations de recherche fondamentale et appliquée. Elle durera 14 mois. La dernière phase sera l’occasion de rédiger les guides méthologiques.

En attendant, pas de panique, puisque les professionnels se sont organisés et réservent les granulats extraits des carrières connues pour contenir de la zéolite à des usages bien particuliers. Pour éviter toute mauvaise surprise, il est recommandé de n’utiliser que des bétons répondants à la norme NF. Pour les personnes qui en font les frais et qui sont couverts par une assurance décennale, les travaux de reprise peuvent être pris en charge. Pour les autres, les travaux de renforcement pour éviter l’exposition à l’eau ne seront pas pris en charge, sauf par une assurance complémentaire, comme la loi le permet désormais. En plus d’apporter des solutions pratiques, l’étude servira à contextualiser le référentiel des matériaux de construction, engagé il y a maintenant plusieurs années par le gouvernement, mais toujours pas achevé.

M.D.