Si Laure Chatain reconnaît des bienfaits à la justice restaurative, l’avocate insiste sur l’essentiel selon elle : préserver l’intérêt de la victime.
Protéger les victimes. Cet aspect, fonda- mental, doit être au centre de toute démarche de justice restaurative, estime Laure Chatain. « Il n’est pas question de les jeter en pâture pour aider les auteurs et améliorer les statistiques de la récidive. » Les avocats pourraient tenir lieu de « garde-fou », mettant à profit leurs connaissances du client et du dossier. « Nous sommes les mieux à même de savoir s’ils sont susceptibles d’y participer, s’ils sont prêts, s’ils en ont la force. »
D’où l’importance également, souligne Laure Chatain, de la qualité de l’encadrement dispensé par les bénévoles dans un domaine aussi délicat. Et pour l’avocat lui-même, le dispositif nécessite sans doute de s’adapter, de changer de paradigme. « Ce n’est pas évident, pour un avocat de victimes ou l’association SOS violences avec laquelle je travaille. Il faut vraiment que la victime y trouve un intérêt personnel. » Cela a été le cas pour Jeanne, cliente de Laure Chatain, une des deux personnes à avoir suivi une médiation restaurative sur le territoire.
Victime d’un viol, Jeanne lui a partagé sa colère à l’audience. « Elle m’a dit : “l’auteur n’était pas foutu de dire pourquoi il a fait ça”. » Elle a alors entamé le processus, qui l’a menée à rencontrer l’auteur en prison. « Cela lui a fait du bien, elle voulait savoir. »
« DE LA FRUSTRATION »
La mesure est ainsi venue régler ce qui ne l’avait pas été par le jugement. « Il peut y avoir de la frustration » après un procès, reconnaît Laure Chatain. Elle y voit, en quelque sorte, « un échec », « un manque dans la procédure » : « on a jugé l’auteur, et finalement, on se dit qu’il faut faire autre chose parce que cela n’a pas suffi ». La justice manque de moyens, regrette-t-elle. « On réduit son utilisation. Des tâches sont confiées à des associations pour faire des économies, et après on vient vous dire : il faut faire de la justice restaurative parce que les gens sont traumatisés par la justice. »
Laure Chatain s’intéresse plus particulièrement à la création de groupes de parole détenus-victimes, pour lesquels elle a proposé son aide à la Fédération. « Quand les gens ont été cambriolés par des mineurs, par exemple, ils ont souvent envie de leur parler, d’essayer de leur faire comprendre l’impact que cela a eu sur eux. Quand je les ai comme clients, je me dis que ça leur ferait du bien, que cela les aiderait de se dire qu’ils vont tirer quelque chose de positif de leur histoire. »
A.-C.P.
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Impartiaux, les médiateurs se doivent d’accompagner chaque participant de la même façon. →
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