L’Avenir institutionnel à petits pas

Pour l’instant, force est de constater que les Calédoniens ne sont pas dans une démarche de négociation. Chacun défend fermement ses positions devant l’État, indépendantistes comme non-indépendantistes, même si ces derniers se disent prêts à passer à l’étape suivante. / © Stephane LEMOUTON, POOL, AFP

À Paris, les discussions se sont poursuivies entre l’État et les délégations calédoniennes rencontrées une nouvelle fois séparément. La séquence a été jugée « constructive » par l’ensemble des partenaires, mais les non-indépendantistes s’agacent de cette attente forcée pour entrer en négociation.

« On a dit ce qu’on avait à dire », s’impatiente Nicolas Metzdorf, lors d’un live sur sa page Instagram. « Depuis des mois, chacun des groupes non-indépendantistes a présenté son projet, on a aussi présenté un projet commun sur notre vision de l’organisation future de la Nouvelle-Calédonie. La phase de trilatérales doit commencer. »

Mais pour l’heure, estime le député, le FLNKS reste « arc-bouté sur sa trajectoire vers l’émancipation et le refus de nous parler », sans compter cette façon de faire « abstraction des trois référendums ».

De manière générale, ont écrit les non-indépendantistes à Gérald Darmanin, dans une lettre non signée par Calédonie ensemble, l’attitude des indépendantistes s’apparente à un « manque de respect », avec une « mauvaise volonté à bâtir un avenir en commun ».

Au terme de cette visite parisienne, la délégation a donc fait savoir qu’elle ne souhaitait plus travailler en bilatérales et qu’il était temps de lancer la discussion entre les trois partenaires « comme le prévoit l’Accord de Nouméa ». Selon Gil Brial, Gérald Darmanin leur a affirmé qu’il avait « conditionné sa venue au mois de juin » à un tel format de réunion.

Pour l’instant, force est de constater que les Calédoniens ne sont pas dans une démarche de négociation. Chacun défend fermement ses positions devant l’État, indépendantistes comme non-indépendantistes, même si ces derniers se disent prêts à passer à l’étape suivante.

PLUS EN DÉTAIL

La séquence parisienne n’a cependant pas été inutile. « On a pu entrer dans le détail de notre vision pour la Nouvelle-Calédonie et de ce qu’on attend de la France, développe Gil Brial. Dans son implication dans le Pacifique, au niveau politique, militaire, énergétique, de développement économique avec des lignes nouvelles comme le nucléaire. » Plus largement dit-il, « on s’est vraiment mis dans une position de bilatérale alors qu’avant on essayait d’expliquer là où on voulait aller avec les indépendantistes. »

Par ailleurs, « un nouveau pas a été franchi avec la participation des indépendantistes », indique Virginie Ruffenach. Même si selon Gil Brial, « ils sont venus sans mandat et sans projet. »

Le gouvernement et les non-indépendantistes savaient que la délégation partait avec un mandat très réduit. Mais certains ont été surpris des premières déclarations de Roch Wamytan (UC) expliquant qu’ils ne pourraient pas discuter des deux sujets à l’ordre du jour, à savoir le corps électoral et le droit à l’autodétermination, uniquement de la trajectoire pour l’accession à l’indépendance.

Quelques jours plus tard, les propos de Victor Tutugoro (UPM) à la presse étaient sensiblement différents. « Nous concluons cette semaine dans un esprit serein et satisfaits. » Le représentant a expliqué avoir évoqué « tous les sujets » avec un gouvernement « très ouvert ». Simplement, a-t-il ajouté, la tenue de la trilatérale « se posera en son temps ».

L’ambition est d’abord de « peaufiner les questions évoquées à Paris » à Nouméa avec le FLNKS et pendant la visite prochaine de Gérald Darmanin. Pour l’heure, ce rythme, cette stratégie ne semblent pas vraiment leur nuire.

LA VRAIE NÉGOCIATION, POUR QUAND ?

Sur la question du corps électoral, les non-indépendantistes semblent croire que faute d’accord, Gérald Darmanin restera déterminé à imposer un corps général pour les élections provinciales de 2024. « Il a montré qu’ils étaient décidés à avancer jusqu’à enclencher la modification de la Constitution », commente Gil Brial, qui évoque le travail à Paris de la délégation pour s’assurer d’une majorité au Congrès de Versailles. « Ce n’est juridiquement et politiquement plus soutenable », commente Virginie Ruffenach.

Sur le droit à l’autodétermination, il sera intéressant de suivre la déclaration du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer à New York au mois de mai devant le Comité spécial de la décolonisation des Nations Unies.

Les non-indépendantistes qui ne sont pas demandeurs, veulent laisser passer une longue période et refusent l’automaticité (ils souhaitent plutôt un questionnement aux Calédoniens pour savoir s’ils veulent à nouveau être consultés). Les indépendantistes ont-ils défini leurs limites ? Pourront-ils obtenir davantage sur ce volet ? Impression est donnée qu’ils resteront fermes à tous les niveaux.

Mais les non-indépendantistes restent eux-aussi solidement positionnés sur leurs fondamentaux (les trois Non, l’ancrage dans la France, le dégel, la nécessité d’une stabilité). Pourtant, Gil Brial affirme que son groupe est prêt à la négociation. « Nous sommes unis et c’est la chose la plus importante. » Selon lui, les indépendantistes ont maintenant deux choix possibles, « soit ils continuent l’enfermement et les choses se feront sans eux, soit ils obtiennent une légitimité pour négocier et on pourra mettre les sujets les uns après les autres ».

En attendant, chaque délégation va effectuer ses restitutions localement. Les indépendantistes ne se sont pas encore exprimés publiquement. Après un rendez- vous propre aux Loyalistes mercredi 19 avril, des réunions publiques communes seront organisées dès la semaine prochaine avec le Rassemblement.

Chloé Maingourd