[DOSSIER] L’avenir des métallurgistes ne tient qu’à un fil

Le site de KNS recherche un repreneur des parts de Glencore. Le verdict doit tomber théoriquement dans un peu plus d’un mois. (© Archives Y.M.)

Chahutés sur le marché international, malmenés sur leur terrain calédonien, les complexes métallurgiques ont des horizons limités et se démènent pour survivre. Les prochaines semaines seront décisives.

♦ PRNC : LE RISQUE À FIN 2024

Le décor est simple : il n’y a plus, à ce stade, à Prony Resources New Caledonia, d’extraction de minerai, ni de production de NHC (ou Nickel hydroxyde cake), cette matière intermédiaire peu raffinée et bien utile dans la fabrication des batteries pour les véhicules électriques. En raison de difficultés d’accès au site industriel et de sécurité, un arrêt progressif de l’usine et de la mine est intervenu dans la semaine du 20 mai. Deux tiers des 1 300 salariés ont été placés en chômage partiel, tandis qu’un tiers œuvre sur place aux services essentiels de sûreté et de préservation de l’actif.

Cette suspension de l’activité est rageante, puisque les quatre premiers mois avaient surfé sur une performance historique, « du jamais vu » selon un employé, avec une production de 3 500 tonnes mensuelles. Et heureusement. Ces revenus de début d’année permettent de renvoyer le risque lié à la trésorerie à la fin 2024.

Deux actions majeures sont menées. Malgré l’échec du pacte sur le nickel censé sortir la filière métallurgique de l’impasse, la direction de PRNC aurait obtenu ces jours-ci auprès de l’État, selon nos informations, le versement de la deuxième tranche ‒ évaluée à 3,6 milliards de francs ‒ du prêt exceptionnel de 16,7 milliards signé fin mars pour des actions de développement et la montée en puissance du complexe. Une première part de 4,1 milliards avait permis de s’acquitter des impayés à la Cafat et à Enercal.

Second point, la banque d’affaires Rothschild recherche toujours un repreneur potentiel de 74 % maximum du capital de l’industriel PRNC. Le management de l’usine du Sud devait, d’après le calendrier initial, présenter ce mois-ci le profil des possibles acquéreurs, mais les émeutes ont perturbé ce programme.

♦ KNS : L’ULTIMATUM DU 31 AOÛT

Actionnaire de Koniambo Nickel à hauteur de 49 % et financeur à 98 %, Glencore a annoncé en février son retrait de l’usine du Nord, l’opération étant jugée « non viable » malgré la promesse d’aides. Une phase de transition étendue sur six mois s’est ouverte, avec la mise en sommeil « à chaud » du site industriel, le maintien de l’emploi de tous les salariés locaux de KNS et la recherche d’un repreneur des parts du géant suisse du négoce. L’échéance, décisive pour la vie du projet, tombe le 31 août.

D’après nos sources, sur les six à huit intérêts de reprise manifestés au départ, c’est-à-dire avant le début des émeutes, trois offres dites non engageantes reposent aujourd’hui sur la table et sont en cours d’étude par une banque d’affaires qui doit remettre ses conclusions. Un rapport espéré le plus vite possible, dans les proches semaines, afin de mener des analyses plus poussées.

Des discussions pourraient être engagées avec Glencore en vue d’accorder un délai supplémentaire de quelques mois, si la procédure venait à dépasser l’ultimatum de la fin août. La question de son financement serait évoquée. L’ambition technologique également. Faut-il conserver le procédé NST, ou bien s’orienter vers la fabrication d’un nouveau produit comme la matte et le marché des batteries pour véhicules électriques ?

Le pire doit être néanmoins anticipé, au cas où aucune reprise ne serait conclue. Voilà pourquoi un plan de licenciement collectif pour motif économique, une mesure qui exige un processus de trois mois et intéresse plus de 1 200 employés, est travaillé. « C’est un saut dans l’inconnu », explique un salarié, forcément très inquiet comme tous ses collègues.

♦ SLN : LA RUPTURE À LA FIN DU MOIS

Frappée de plein fouet par les émeutiers et productrice d’un volume minimal de métal, la SLN ne dispose quasiment plus de marge de manœuvre. « Sa situation financière reste critique », relevait déjà la maison-mère Eramet le 25 avril. Selon des prévisions partagées, la rupture de trésorerie interviendra à la fin de ce mois de juillet ou début août, ce qui équivaudrait à une situation de cessation de paiements.

Afin d’éviter une telle issue, la direction de La Société Le Nickel aurait demandé à l’État une aide de 350 millions d’euros, soit 42 milliards de francs, pour tenir jusqu’à la fin de l’année 2025. Paris, ou du moins l’Agence des participations de l’État (APE) présente au capital de la SLN avec une action, aurait choisi une autre option, celle du versement par tranche. Une première, d’un montant de 80 millions d’euros (9,5 milliards de francs), serait dans les tuyaux pour la continuité d’activité. Cette somme permettrait de maintenir l’outil trois mois supplémentaires, soit jusqu’à la fin octobre.

Ce soutien attendu est loin d’être le premier. Fin février, l’État avait accordé à Eramet un prêt de 60 millions d’euros (7,1 milliards de francs) à destination de sa filiale calédonienne pour sa survie. Et ce, avant une neutralisation de la dette en avril estimée à 320 millions d’euros, soit 38,2 milliards de francs, dans les comptes consolidés du groupe. Mais « tout le monde pense au plan social, craint un salarié. La solution pour le nickel est liée, je crois, à l’avenir du pays ».

Yann Mainguet