L’avenir calédonien sera-t-il chinois ?

À l’occasion de la création d’une association sino-calédonienne ayant pour mission de favoriser les relations entre la Chine et la Nouvelle-Calédonie l’année dernière, une délégation de hauts dignitaires chinois était venue à la rencontre des Calédoniens et de leurs élus. Ils avaient notamment rencontrés le président du Congrès, Thierry Santa, le 28 novembre.

Les chiffres ont de quoi faire tourner la tête. Près de 130 millions de voyageurs dont 30 millions dans les îles. La Chine, ce sont aussi des opportunités de développement très diversifiées. La Nouvelle-Calédonie est-elle néanmoins prête à s’ouvrir et pour quelles finalités ? Beaucoup de questions restent en suspens.

La Chine fait peur autant qu’elle suscite les appétits. Il faut dire que la démesure des chiffres ne peut laisser insensible. L’empire du Milieu compte près de 1,3 milliard d’habitants et s’il ne connaît plus de croissance économique à deux chiffres, chaque année, son produit intérieur brut progresse d’environ 6 %. Parti de loin, le pays, qui est en passe de devenir la première puissance économique mondiale, a rattrapé un retard considérable. Fin des années cinquante, début des années soixante, une famine avait tué entre 15 et 36 millions de personnes. Si la population pauvre est toujours importante, des classes moyennes et moyennes-supérieures ont émergé et progressent très rapidement.

La Chine n’est donc plus seulement l’usine du monde, car il existe désormais un marché intérieur tiré par la forte progression du pouvoir d’achat de ces classes, au cœur du développement de l’économie de marché. Ils sont nombreux à croire aux opportunités de partenariat avec la Chine. C’est le cas d’Alain Descombels, qui tenait une conférence, vendredi soir, dans les salons du Méridien. L’homme d’affaires, ex-élu de la province Sud, s’est installé en Chine il y a huit ans et ne jure désormais plus que par la grande puissance asiatique, quitte à enjoliver un peu la réalité et présenter le pays sous des traits peut-être très flatteurs.

 

S’intéresser à la Chine pour qu’elle s’intéresse à nous

L’objectif d’Alain Descombels, en charge du développement économique de la province Sud entre 2004 et 2009 et à qui l’on doit notamment les lignes aériennes vers La Réunion et la Corée, toutes deux des échecs commerciaux, est de faire de la Chine un des principaux partenaires commerciaux de la Nouvelle-Calédonie. Les conférences, qui devraient être organisées un peu partout sur le territoire, sont l’occasion de brosser le portrait du pays et des opportunités de développement économique. Il explique notamment que les exportations chinoises sont à 40 % à destination des pays de la zone Pacifique, soit le même poids que celles en direction des Etats-Unis et l’Europe réunies.

Pour Alain Descombels, si la Chine ne s’intéresse pas à la Nouvelle-Calédonie, c’est parce que la Nouvelle-Calédonie ne s’intéresse pas à la Chine. La première chose est d’être représenté, au travers d’une structure du type Maison de la Nouvelle-Calédonie. Un premier pas qui permettrait de passer des accords politiques, indispensables à la conclusion d’accords commerciaux. Et l’idée est d’y aller le plus rapidement possible afin de profiter d’une fenêtre de tir favorable.

Le conférencier cite plusieurs pistes de développement, à commencer par le tourisme. Il fait toutefois valoir que le Chinois, à l’instar des Coréens, n’aime ni la mer, ni le soleil. En revanche, ils peuvent passer une journée entière en famille dans un centre de thalasso et sont des inconditionnels du vélo. Il faut donc développer des infrastructures de ce type si l’on veut pouvoir attirer la clientèle chinoise, mais aussi promouvoir les échanges d’étudiants et adapter l’accueil aux attentes et enseigner la langue. Il faut également que les Chinois puissent affréter des charters à un prix aller-retour comparable à celui de l’Australie, soit entre 40 000 et 60 000 francs.

Plus qu’un défi, cette ambition peut sembler un brin utopique si l’on considère le contexte de la Nouvelle-Calédonie, sa culture du tourisme et les attentes de la population. En matière de langue et d’infrastructures, le territoire n’a que peu avancé sur des marchés historiques tels que le marché japonais. Et c’est sans compter sur le problème de l’aérien qui pourrait poser quelques problèmes à Aircalin.

La Polynésie française, nettement en avance sur la Nouvelle-Calédonie, accueille un peu plus de 9 000 touristes chinois de ces classes moyenne à moyenne-supérieure. Au-delà des questions de visa, nos voisins ont engagés des relations commerciales. Des investisseurs ont notamment déjà racheté deux hôtels et développent des projets économiques comme un projet aquacole géant aux Tuamotu. Comme on peut le voir en Polynésie, les choses prennent énormément de temps et pas uniquement pour des raisons linguistiques. Les fonctionnements administratifs, les règles de droit du travail ou encore les contraintes réglementaires en matière d’environnement sont très différentes en Chine et en Polynésie ou en Calédonie. La possibilité d’ouvrir des fermes d’holothuries en Calédonie financées par des investisseurs chinois n’est donc pas pour demain, d’autant plus qu’il se pose encore de nombreuses questions techniques.

 

Quels liens économiques peut-on potentiellement développer ?

Au-delà de ces projets, Alain Descombels détaille un certain nombre d’opportunités qui peuvent paraître encore plus étranges. C’est le cas de la construction d’usine d’assemblage financée par des investissements chinois afin de profiter d’une exonération de taxes à l’importation aux Etats-Unis sur les produits fabriqués dans certaines îles du Pacifique ou encore de la construction de petits villages, sorte de maisons de retraite plus organisées, pour les personnes âgées. L’homme d’affaires assure que certains investisseurs ont déjà commencé les négociations avec l’Australie et le Vanuatu.

Si a priori, l’idée de diversifier les sources de financements a du sens, l’ouverture à la Chine de la Nouvelle-Calédonie devrait prendre du temps. Aussi amicaux que peuvent être les Chinois et quelle que soit leur proximité avec les Calédoniens, les investisseurs s’intéressent davantage aux rendements de leurs placements et à leurs fiabilités qu’à la sympathie de leurs partenaires. On peut le constater au Vanuatu où les navires de pêche chinois vident la mer avec des licences acquises grâce à des investissements dans des infrastructures construites par des entreprises chinoises. Après avoir été l’atelier du monde, la Chine consomme et nécessite des matières premières pour assouvir ses besoins. Du côté calédonien, avant d’aller plus loin dans le développement des échanges avec la Chine, les responsables politiques auraient tout intérêt à définir des objectifs clairs et à s’interroger quant à la perception de la population sur ces relations.