L’anglais pour rebondir dans la région

Calédonien d'adoption arrivé à 24 ans sur le territoire, Thierry Dervin, de Geo.Impact, entend bien, comme tous les salariés, développer le réseau professionnel dans le Pacifique. (© Y.M.)

Touchés par la baisse d’activité postémeutes, les salariés du bureau d’étude Geo.Impact prennent des cours d’anglais, sous l’impulsion du gérant Thierry Dervin, pour se donner toutes les chances de conquérir des marchés dans les pays anglo-saxons du Pacifique.

Les émeutes sur fond d’opposition au dégel du corps électoral provincial ont éclaté le 13 mai en Nouvelle-Calédonie, et maintenant « j’écoute sur mon ordinateur la BBC », la radio britannique. Les deux situations, totalement distinctes au premier abord, sont en fait liées par un souhait de rebond.

Gérant de la société Geo.Impact, Thierry Dervin a invité son équipe à suivre ensemble des cours d’anglais. L’ambition est de muscler son niveau dans la langue d’Elizabeth II pour approcher, et si possible, travailler sur des projets régionaux. « Nous pourrions tout faire par mail. Mais échanger de vive voix est préférable pour la transmission des messages et leur bonne compréhension. »

« TENIR DANS LA DURÉE »

Le bureau d’étude Geo.Impact, fondé en 2006 et basé à Nouméa, est spécialisé dans les géosciences avec des applications dans la mine, l’environnement, la lutte contre l’érosion, la revégétalisation, l’aménagement du littoral, la gestion des déchets… La crise du nickel a compliqué les affaires en début d’année, au point où une procédure de départ négocié a été conclue avec l’un des sept salariés.

Puis, très vite, l’économie calédonienne s’est arrêtée ou presque sous le coup des violences et destructions. Les six employés, tous ingénieurs géologues, sont désormais au chômage partiel : 60 % des heures travaillées, 40 % chômées, trois jours par semaine au bureau ou sur le terrain. Si la visibilité était réduite en janvier, « à partir des exactions, l’activité a chuté de 40 % », calcule Thierry Dervin.

D’où le recours, en juillet et pour trois mois, à la mesure exceptionnelle sur le temps de travail. « Le but est de tenir dans la durée. » Le gérant du bureau d’étude veut absolument « maintenir cette structure en vie. Parce que l’équipe est super et soudée, des salariés sont là depuis plus de dix ans. Une petite famille ».

« À partir des

exactions, l’activité a chuté de 40 %. »

Une option a émergé pour résister lors de la période critique : compenser la baisse d’activité en Nouvelle-Calédonie par la signature de marchés ailleurs. Comme en Métropole, où le décalage horaire peut permettre de gagner du temps, et ainsi constituer un avantage compétitif. « Nous avons un savoir-faire qui peut être valorisé à l’extérieur », appuie Thierry Dervin qui, de son aveu, avait déjà en tête ce projet depuis longtemps. « Là, j’ai du temps pour le préparer. »

Le site web est réactualisé, un réseau de professionnels exerçant dans le Pacifique est aussi réactivé… La langue a été perçue comme un frein, même si le niveau de la majorité des salariés est acceptable. D’autant qu’une mission intéressante en Australie et en Indonésie, avec la CCI, Expertise France et le CNRT, est prévue fin octobre. Ce programme, baptisé French Mining and Critical Mineral Tour 2024, « fut le déclic. Il faut se mettre à jour en anglais, c’est la première étape ».

VOCABULAIRE SPÉCIFIQUE

Geo.Impact a pu bénéficier, après présentation d’un dossier, d’un soutien financier du Fiaf, le Fonds interprofessionnel d’assurance formation. Désormais, Susanna, de la structure Nouméa School of English, se rend, depuis un mois, chaque lundi, auprès du groupe des ingénieurs géologues pour deux heures de cours agrémentés d’exercices à la maison. L’anglais enseigné est classique, mais du vocabulaire spécifique au métier de géologue est travaillé.

Cette formule doit se poursuivre jusqu’à la fin du mois de novembre. Pendant ce temps, divers pays anglo-saxons de la région vont être prospectés. « Dans notre métier, sauf pour les suivis de chantier, nous passons, après deux à trois journées de terrain, au moins 80 % du temps au bureau pour le fond de l’étude, les analyses cartographiques… », commente le gérant et fondateur de la société. « Nous pouvons donc télétravailler », c’est-à-dire satisfaire à distance la commande passée avec une structure implantée au-delà du lagon calédonien.

Si la démarche est concluante, si le succès est au rendez-vous à l’étranger comme en Australie, Nouvelle-Zélande et autres territoires du Pacifique, Geo.Impact compte bien maintenir la formation en anglais l’année prochaine. « Tout le monde pourrait ainsi être bilingue. »

Yann Mainguet