L’aide de l’État passe, les critiques restent

Les critiques ont été nombreuses, mercredi, envers le gouvernement. Mais, le principe de réalité l’a emporté. « Nous avons besoin de cette aide, nous ne jouerons pas au poker », a déclaré Virginie Ruffenach, convaincue de la nécessité de voter la DM6. (© A.-C.P.)

Les élus du Congrès ont adopté, mercredi 11 décembre, après des heures de débats, la décision modificative n°6 du budget, qui prévoit le versement de 27 milliards de francs par l’État en contrepartie de réformes de la TGC et de la CCS. Ces dernières doivent être examinées avant la fin de l’année.

Dix heures de discussion, plus d’une dizaine d’amendements et de multiples suspensions de séance. Mercredi 11 décembre, les élus ont finalement voté la décision modificative budgétaire n°6, à plus de 23 heures. Ce texte prévoit deux choses. Premièrement, l’octroi, par l’État, de plus de 27 milliards de francs sous la forme d’avance remboursable pour subvenir aux besoins des collectivités. Deuxièmement, une convention contenant les réformes demandées par l’État à la Nouvelle-Calédonie sur la révision du fonctionnement de la TGC, l’augmentation d’un point de la CCS et l’instauration d’un jour de carence pour les fonctionnaires.

Il s’agit, a indiqué Louis Mapou venu défendre le document, « de la dernière tranche d’un soutien convenu depuis le mois de mai », soit, en totalité, une aide de « 64 milliards de francs, dont 78 % d’avances remboursables ». Le président du gouvernement insiste, les enjeux de la DM6 sont connus : « permettre aux institutions d’assumer leurs missions jusqu’à fin 2024 et durant les mois de janvier et février selon leur situation ».

Mais voilà, cet argent ne sera effectivement donné qu’à condition que les représentants du Congrès actent les réformes avant le 31 décembre. L’État ne laisse pas le choix. Car la Nouvelle-Calédonie, si elle subit les effets de la crise engendrée par les émeutes du mois de mai, paie également des années de laisser-aller.

LE CONGRÈS PAS ASSOCIÉ,UN PROBLÈME

Or, dans ce texte, rien ne va pour Philippe Gomès. Autant sur la forme de l’aide, un prêt, qui, en s’ajoutant à ceux déjà octroyés, fait exploser l’endettement, que sur la nature des réformes. « Avec un PIB réduit de 30 %, 15 000 Calédoniens au chômage partiel qui passeront au chômage total en janvier, des entreprises qui ferment, l’État va imposer des milliards d’impôts pour la Nouvelle- Calédonie. » Surtout, Calédonie ensemble critique l’attitude du gouvernement, qui « négocie des conditions qui relèvent de la compétence du Congrès. C’est un problème majeur de ne pas avoir été associé en amont ». Virginie Ruffenach (Le Rassemblement) abonde. « Nous devons nous serrer les coudes face à l’État, nous militons pour travailler ensemble sur les prochaines conventions. »

Malgré les attaques, les élus, contraints, se sont prononcés favorables à l’unanimité. « Nous sommes dans une situation d’urgence absolue, cela ne laisse pas le luxe de l’immobilisme », considère Pierre-Chanel Tutugoro, président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes. « Ce projet permet de sauver les collectivités calédoniennes, Enercal, le Ruamm et de financer le chômage », pose Sonia Backès (Les Loyalistes), qui appelle, elle aussi, à un changement de méthode. « Le gouvernement sera plus fort pour aller négocier s’il le fait avec le mandat du Congrès. Nous allons le proposer. » Les autres griefs s’adressent à l’État, qui demande une augmentation de la fiscalité, alors que « nous devons bénéficier de la solidarité nationale ». Un des amendement rappelle d’ailleurs qu’afin « d’éviter un endettement excessif », l’État doit privilégier les subventions.

QUELLES RÉFORMES ?

En réalité, le plus dur reste à venir pour le gouvernement, qui a sollicité « une séance publique d’urgence » en vue d’examiner les réformes à mener, avec une application au 31 mars pour la CCS et une mise en œuvre progressive de la TGC le 1er juillet. Car la majorité des groupes estiment le moment mal choisi. « Les Calédoniens n’ont plus d’argent dans les poches », déclare Virginie Ruffenach, qui se montre claire sur les intentions du groupe, qui « s’opposera à la réforme de la taxe générale sur la consommation en l’état ». « Aussi nécessaires soient-elles, les révisions ne doivent pas aggraver la situation de la population », appuie Pierre-Chanel Tutugoro.

Milakulo Tukumuli se montre sceptique sur la capacité des représentants du boulevard Vauban à « faire en deux semaines ce qu’on n’a pas réussi à faire en cinq ans ». L’élu de l’Éveil océanien craint que cela ne se transforme en « bricolage ». Dans ce contexte, les réformes seront-elles votées ? Si oui, quels en seront les contours ? Et quelles conséquences dans le rapport de force avec l’État en 2025 ? « La question se reposera à ce moment-là », lors de la négociation de l’aide pour l’année prochaine.

Et si les élus ont su, une fois de plus, au pied du mur, se retrouver, la séance a une nouvelle fois montrer les dissensions entre le Congrès et le gouvernement, entre les représentants. Alors que les rumeurs d’une chute bruissaient de plus en plus fort ces derniers jours, l’exécutif a survécu à la séance de mercredi. Mais pour combien de temps encore ? Louis Mapou a à nouveau évoqué ce « climat de défiance vis-à-vis du gouvernent », rappelant qu’il « existe des procédures pour faire valoir les positions que vous défendez ici ». Personne ne s’y est encore risqué.

Anne-Claire Pophillat