« L’agriculture biologique vit un changement d’image très positif »

Grâce au renfort d’agriculteurs nouvellement certifiés bio, la production continue d’augmenter malgré les fortes pluies des dernières années. Pierre Migot, directeur de Bio Calédonia, constate un intérêt grandissant y compris chez les élus, dont il espère davantage de soutien, financier notamment.

DNC : Malgré les intempéries, la production biologique a continué d’augmenter grâce aux 29 agriculteurs nouvellement labellisés. Que retenez-vous de l’année 2021 ?

Pierre Migot : Elle a été très compliquée au niveau climatique. Nos plus gros agriculteurs ont connu des baisses drastiques : on recense 30 % de production maraîchère en moins dans le Sud. Mais on a réussi à attirer de nouveaux adhérents, ce qui nous permet d’avoir une production qui continue d’augmenter, notamment dans les Îles et dans le Nord. L’arrivée des éleveurs bovins nous a également apporté du volume.

156 producteurs sont désormais certifiés bio, contre 105 il y a deux ans. Comment expliquez-vous cette forte hausse ? La dynamique peut-elle durer ?

C’est peut-être le signe que l’agriculture biologique calédonienne vit un changement d’image très positif. Comme partout, la bio attire d’abord des sourires, puis une attention plus sérieuse et s’impose ensuite comme une pratique crédible. On est de plus en plus transparents, on a des membres très actifs, on attire des producteurs. On arrive à discuter avec des agriculteurs qui se posent la question du passage à la bio. Ils s’interrogent sur leurs pratiques et on les aide à trouver des solutions. C’est très intéressant.

La production est-elle écoulée au prix espéré ?

C’est un point sur lequel on est vigilants. Les circuits de distribution sont peu structurés et les marchés de niche commencent à arriver à saturation. On a des difficultés de planification, qui sont aggravées par les difficultés climatiques, donc on a des surproductions et, par conséquent, des soucis d’écoulement. Il faut aller sur des marchés comme la restauration collective. On sait que les cuisiniers et les collectivités sont de plus en plus attentifs à la qualité des aliments. À Canala, Pascal Vakié travaille avec la cantine du collège, il nous montre la voie.

Et la grande distribution ?

Elle est très attentive, elle souhaite s’impliquer. La SCIE (Géant-Casino, NDLR) a rejoint Biomonde au sein du collège « distributeurs » de notre conseil d’administration. Nos cousins du label Agriculture responsable ont développé un emballage particulier pour se différencier des produits conventionnels dans les grandes surfaces et on y réfléchit aussi. On se dote d’outils pour former un débouché pour les agriculteurs de la Grande Terre.

Avez-vous obtenu le soutien politique que vous attendiez ?

C’est paradoxal. On entend beaucoup de choses positives à propos de notre action, les élus semblent attentifs, notamment dans le Nord et dans les Îles, mais cela ne se traduit pas par des dynamiques financières plus intéressantes.
On peine encore à avoir des contacts, à voir des résultats sonnants et trébuchants. Aujourd’hui, on n’a pas l’impression d’être trop dans leur paysage, mais on ne doute pas qu’on le sera un jour.

Les élus semblent attentifs, notamment dans le Nord et dans les Îles, mais cela ne se traduit pas par des dynamiques financières plus intéressantes.

Qu’espérez-vous pour les années à venir ?

Une augmentation des productions afin que l’on puisse alimenter de plus en plus de marchés. Que l’on puisse rassurer les commerçants sur l’approvisionnement. En 2022 et 2023, il y aura aussi quelques projets très importants pour nous : le lancement de semences bio et la production locale d’alimentation animale. Sur ce deuxième chantier, on va améliorer le service fourni à l’éleveur, ce qui permettra des conversions. On a aussi un projet de labellisation groupée, une approche plus adaptée à une partie de la population, dans les îles notamment.

Propos recueillis par Gilles Caprais


329 tonnes de produits bio ont été commercialisées en 2021
(+ 4 % en un an). Le maraîchage (116 tonnes) devance les fruits (73,6) et les tubercules (62). L’ensemble représente environ 1% de la production agricole calédonienne (30 000 tonnes de végétaux et 7 700 tonnes de produits d’origine animale en 2020).