L’Agence sanitaire et sociale à la loupe

La Chambre territoriale de comptes vient de rendre public un rapport sur l’Agence sanitaire et sociale de Nouvelle-Calédonie. Un rapport qui pointe un manque de lisibilité des comptes et de certaines activités de cette agence qui gère un volume d’argent public très important.

Cinquante milliards de francs. Le budget et les délais ont beau rester dans les clous, il n’empêche que le montant de l’investissement du Médipôle est colossal. Ce budget, c’est l’Agence sanitaire et sociale (ASS-NC) qui le porte, avec une partie sur fonds propres et une autre de près de 15 milliards sur emprunts. Et ce n’en est qu’un seul des nombreux dossiers dont s’occupe l’ASS, tout comme l’allocation logement ou encore la prévention.

Un budget multiplié
par 20 en quatre ans

Cette nouvelle mouture porte sur les exercices 2009 à 2014, 2010 étant une année charnière pour l’agence qui a commencé à se voir affecter de nouvelles ressources et donc de nouvelles missions. Taxes sur les tabacs et les alcools, TSS, contribution sociale additionnelle… Autant de taxes affectées qui ont fait exploser le budget. De 1,9 milliard de francs en 2009, il était de 34,9 milliards de francs en 2013.

Le principal souci relevé par la Chambre concerne la lisibilité comptable de l’agence pour certaines opérations qui n’ont rien à voir les unes les autres mais sont pourtant passées sur le même compte. Une situation qui ne permet pas de « disposer d’une image fidèle des opérations menées par l’agence ».

Sans compter que le flou créé par la multiplication des missions de l’agence a conduit à prendre en charge des dépenses ne lui incombant pas. Toujours sur le plan comptable, les magistrats soulèvent des questions quant au financement du Médipôle. L’agence n’ayant pas d’actif, c’est le gouvernement qui devra se porter garant en cas de dysfonctionnements et plus particulièrement en cas de difficultés à rembourser les emprunts. Dans ce cas de figure, la Nouvelle-Calédonie serait contrainte de financer une opération non prévue. Un coup qui pourrait être dur en cette période de vache maigre.

Pas assez de prévention

La prévention n’est pas en reste puisque l’on découvre que certaines dépenses de prévention n’ont rien à voir avec justement la prévention. C’est le cas, par exemple, d’une subvention versée à la Cafat pour compenser la baisse du financement par la province Sud de la dotation globale de fonctionnement des hôpitaux. Une tendance qui a donné une idée surévaluée des dépenses de prévention selon la Chambre.

Aux problèmes comptables vont s’ajouter ceux du financement de certaines opérations, notamment l’aide au logement (AL). La loi de 2007 instituant cette aide confie le financement de la part Nouvelle-Calédonie à l’ASS. Une part qui, contrairement à celle des provinces, n’est pas plafonnée. Et les dépenses sont plutôt exponentielles. De 348 millions de francs en 2010, le montant de l’AL était de 1,13 milliard en 2013 et devait s’établir à 1,9 milliard en 2014, selon les prévisions de l’agence. Une situation qui ne pourra perdurer, au risque de ne pouvoir réaliser certaines opérations comme le soutien au déficit du Ruamm, Régime unifié d’assurance maladie-maternité.

C’est donc plutôt logiquement que la Chambre territoriale des comptes recommande à l’agence de mettre de l’ordre dans ses comptes afin d’être plus lisible et de permettre une meilleure information de ses membres, de la collectivité et du public. Les magistrats recommandent également à l’ASS de modifier ses statuts ainsi que d’élargir son conseil d’administration. L’idée est de l’ouvrir à des représentants des directions provinciales des affaires sanitaires et sociales. Une troisième recommandation a été formulée à propos de la prévention. Il est conseillé à l’agence de développer ses actions tout en étant plus rigoureuse quant à leur comptabilité. Point positif, l’agence accepte ces recommandations.

Tous ces postes de dépenses recouvrent un vaste champ de compétences dévolues au gouvernement et qui ont été confiées à l’agence. Elles représentent un budget de fonctionnement global de 34,9 milliards de francs d’argent public. Un budget sur lequel les magistrats de la Chambre territoriale des comptes conservent un œil. C’est le deuxième rapport de la Chambre sur cet établissement public, après une première analyse en 2010.