L’affaire des sous-marins provoque une crise diplomatique

Jeudi 16 septembre, Canberra a annoncé la rupture d’un gigantesque contrat avec Paris concernant l’achat de sous-marins fabriqués dans l’Hexagone. L’annonce a eu l’effet d’un séisme. Une semaine après, le volcan est loin d’être éteint.

Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères français parle d’un « coup de couteau dans le dos » venant des États-Unis, c’est dire si le dossier est énorme. Tout a commencé il y a une semaine lorsque Canberra a annulé un contrat de 56 milliards d’euros avec la France pour la construction de sous-marins. L’Australie va finalement s’équiper avec les États-Unis et le Royaume-Unis, pays avec lesquels elle a signé un pacte de sécurité nommé Aukus (Australie, UK, US). Cette alliance inclut la fourniture de sous-marins américains à propulsion nucléaire (et non armement) à l’Australie alors que l’accord conclu en 2016 entre Paris et Canberra avait acté la livraison de 12 sous-marins à propulsion conventionnelle du français Naval Group. En réalité, l’enjeu de cette affaire dépasse de loin le contrat lui-même.

Tensions avec la Chine

Pour le Premier ministre australien, Scott Morrison, « cette décision difficile a été prise en réponse à l’évolution rapide de l’environnement stratégique auquel l’Australie est confrontée, qui rendrait les sous-marins à propulsion conventionnelle inadaptés aux futurs besoins opérationnels », écrit-il dans un communiqué de l’ambassade d’Australie en France, tout en assurant que « la France reste un partenaire stratégique de premier rang pour l’Australie ». Le président américain, Joe Biden, précise que l’accord Aukus vise à « défendre la paix et la stabilité dans toute la région » (contre l’appétit chinois) et doit permettre de « doper la coopération dans de nombreux et nouveaux domaines » comme l’intelligence artificielle, les technologies quantiques et les « capacités sous-marines ». Qu’est-ce que les États-Unis reprochent à la Chine. Plusieurs choses : son ambition d’expansion économique dans la région et au-delà, l’ingérence soupçonnée de Pékin en Australie, le refus de Huawei sur l’île-continent pour la 5G ou encore le blocage concernant la demande de Canberra de mener une enquête sur les origines du Covid. Bref, les relations sont tendues.

La pilule passe mal

Boris Johnson, Premier ministre britannique, s’est aussi voulu rassurant soulignant que le nouveau partenariat stratégique liant Londres, Washington et Canberra n’est « pas destiné à être excluant ». Mais la France ne l’entend pas de cette oreille. Jean-Yves Le Drian laisse entendre que cette décision pourrait aussi peser sur l’avenir de l’Otan et la participation française à l’Alliance atlantique. Car « il y a eu mensonge, il y a eu duplicité, il y a eu rupture majeure de confiance, il y a eu mépris donc ça ne va pas entre nous », martèle-t-il tandis qu’Emmanuel Macron garde le silence depuis le début de la crise.

Pour exprimer son mécontentement, la France a annulé une soirée de gala à la résidence de l’ambassadeur de France à Washington, a rappelé ses deux ambassadeurs aux États-Unis et en Australie pour des consultations. Une décision rare, encore plus entre deux pays alliés.

Retentissement international et local
Les ministres des Affaires étrangères des 27 pays membres de l’Union européenne se sont réunis le 21 septembre, en marge de l’assemblée générale annuelle de l’ONU. Ils ont exprimé leur solidarité à l’égard de l’Hexagone et rappelé que cette crise n’est pas bilatérale, mais qu’elle concerne toute l’Union européenne.
En Nouvelle-Calédonie, le député Philippe Gomès, président du groupe d’amitié France-Australie à l’Assemblée nationale, évoque « un immense gâchis militaire, économique et politique ». On sait que les liens entre Anglo-Saxons sont et resteront les plus forts. Sur cette base, n’aurait- il pas été plus stratégique pour la France de mettre en avant dès le départ une Europe forte, avec une puissance militaire, dans la région dont le cœur aurait pu être la Nouvelle-Calédonie ?