L’ADN pour suivre les requins

Des écologues marins, américains, anglais et français (IRD) ont récemment montré que les fragments d’ADN laissés sous forme de traces dans l’océan Pacifique par les requins pouvaient être utilisés pour détecter leur présence, mesurer leur diversité ainsi que leur abondance.

Réalisée dans le cadre du programme Apex et publiée dans la revue Nature Scientific Reports, cette étude inédite prouve qu’un simple prélèvement d’eau de mer permet d’identifier de nombreuses espèces de requins. « L’eau de mer contient des fragments minuscules de peau, d’excréments, de sang et de cellules de toutes sortes laissées par les animaux présents dans les heures qui ont précédé le prélèvement », explique Laurent Vigliola, chercheur au centre IRD de Nouméa et coordinateur du programme Apex qui étudie les requins de la Nouvelle-Calédonie, en partenariat avec l’université de Montpellier, la fondation Total, Pew Charitable Trust et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. « Retrouver et identifier l’ADN contenu dans ces cellules qui vont se dégrader rapidement dans l’océan est similaire au travail des détectives qui utilisent la génétique pour révéler d’invisibles traces d’ADN laissées par les suspects sur une scène de crime », illustre-t-il.

Tests en Nouvelle-Calédonie

Le consortium de scienti ques a collecté de l’eau dans quatre sites des Caraïbes (Belize, Jamaïque, îles Turques-et-Caïques, Bahamas) et trois en Nouvelle-Calédonie (Nouméa, Entrecasteaux et Chesterfield). En utilisant la méthode de « metabarcoding », l’équipe a détecté un nombre significativement plus élevé de séquences d’ADN dans les récifs moins impactés par l’homme, là où les requins sont les plus abondants.
Dans les Caraïbes, la plus grande diversité a été trouvée aux Bahamas, un sanctuaire pour les requins, avec 11 espèces identi ées contre seulement une à Belize et deux en Jamaïque. Dans le Paci que, 14 espèces ont été détectées dans les récifs isolés de l’archipel calédonien contre seulement cinq à Nouméa.

Une méthode « révolutionnaire »

Comparée aux méthodes classiques telles que les comptages en plongée ou les vidéos appâtées, celle-ci a l’avantage d’être moins coûteuse et moins lourde à mettre en place. « Être capable d’étudier l’écologie de ces animaux emblématiques à partir de quelques litres d’eau est incroyable ! Au début, je n’arrivais pas à croire à nos résultats », s’est enthousiasmé Germain Boussarie, doctorant du programme Apex et coauteur de l’étude.

Pour que cette méthode puisse être utilisée en routine, il faudra, précisent les chercheurs, « encore améliorer les outils moléculaires a n d’éviter de confondre des espèces proches, mieux comprendre la durée de vie des fragments d’ADN dans l’environnement ainsi que leur dispersion par les courants marins »

C.M