Décortiqué par les partenaires sociaux, avant l’épreuve politique du Congrès, l’accord-cadre du gouvernement visant un redressement économique, fiscal et social trouvera sur sa route un syndicat opposé au projet. Deux visions s’affrontent.
Fruit de la conférence sociale et fiscale tenue du 22 au 25 avril à Nouméa, l’accord-cadre a bénéficié, le 12 mai, de la signature de la majorité des syndicats de salariés et des formations patronales. Des médias nationaux s’en sont même faits l’écho. Le ministère des Outre-Mer, dirigé par Manuel Valls, a vu dans ce soutien de représentants calédoniens à la démarche « un pas important pour la Nouvelle-Calédonie ».
L’ambition, pilotée par le membre du gouvernement, Christopher Gygès, est bien à la fois de redresser l’économie du territoire et de l’inscrire sur un chemin « plus juste, soutenable et solidaire » à travers un lot de réformes. Trois axes guident les travaux : construire un nouveau modèle économique, fiscal et social ; agir sur le niveau des prix ; enfin, favoriser le retour à l’emploi et l’inclusion. L’architecte du programme et porte-parole de l’exécutif estime présenter un projet d’accord « pour le quotidien des Calédoniens ». Avec un principe cardinal : « Notre objectif, c’est la création de valeur » par les entreprises calédoniennes, « c’est le retour à l’emploi ».
Une baisse de l’impôt sur les sociétés, prévue d’être financée par la réforme de la fiscalité extérieure, est entre autres annoncée, tout comme une exonération d’impôt sur les sociétés pendant trois ans pour les nouvelles entreprises. Le coût du plan n’a pas été précisé, mais, selon Christopher Gygès, ces mesures ne signifient pas une baisse de rendement. Une part sensible du projet repose donc sur la confiance en les entreprises, sources potentielles de croissance.
« VIGILANTS »
Cet accord économique, fiscal et social envisagé pour la Nouvelle-Calédonie n’est qu’au début de sa route. Les partenaires sociaux présents autour de la table le 12 mai analysent, tout d’abord, l’ensemble des points. Négociations, simulations, corrections. Et tous ou presque ont prévenu. « On se réservera le droit de signer ou non en fonction des sujets traités », a déclaré Christophe Coulson, de l’UT CFE-CGC.
« On n’est tous pas d’accord sur tout, mais nous sommes dans une situation économique et sociale qui nous force à nous mobiliser », a expliqué de son côté Alexandre Lafleur, du Medef. Tandis que pour Mélanie Atapo de l’USTKE, « il faut tenir compte de la révolte du 13 mai 2024 pour ne pas reproduire les mêmes déséquilibres ». Tony Dupré, de la Cogetra, voit, lui, les élections provinciales se profiler, alors « on sera vigilants ».
Justement, après le passage au gouvernement, les mesures seront portées au débat politique du Congrès. Deuxième épreuve. Là, tout est possible : adoption, rejet, amendements… sachant que la majorité d’élus peut varier en fonction des textes. Enfin, l’opposition des syndicats FO et La Fédé, non signataires du document, constitue un troisième filtre.
LA TGC « COMME LEVIER »
Pour la Fédération des fonctionnaires qui s’est ouverte au privé, l’équation ne tient pas. Le projet vise « principalement à diminuer les charges – contributions et impôts sur les bénéfices – dans le but de maximiser les profits, tout en proposant une réforme de la TGC jugée inflationniste ». L’exécutif voudrait financer le coût du travail par une augmentation des taxes à la consommation, avec la fameuse TGC « comme levier ».
Un transfert impensable, selon Steeves Teriitehau et Joao D’Almeida qui ont livré un « plan de refondation social et solidaire ». Cet acte, né du colloque de la fin mars et considéré comme une alternative au PS2R du gouvernement Mapou, explore différents chapitres, et pour la Fédé, le sujet N°1 de préoccupation est « la persistance voire l’aggravation des situations d’inégalité ». Le syndicat propose l’instauration d’un observatoire dédié. De même, la suppression « sans délai » du Smag (salaire minimum agricole garanti) et la programmation d’une revalorisation du SMG (salaire minimum garanti) sont suggérées.
Au-delà du logement, de la santé ou encore de l’éducation, les syndicalistes se sont penchés sur les prélèvements obligatoires et d’après leur rapport, le taux « par rapport à notre produit intérieur brut est inférieur de onze points par rapport à celui de l’Hexagone ». Augmenter l’indice de cinq points « nous situerait au niveau du Luxembourg qui est considéré comme un paradis fiscal en Europe », écrit La Fédé qui a sorti sa calculette : une telle majoration rapporterait 55 milliards de francs à la Nouvelle-Calédonie.
La fiscalité calédonienne serait beaucoup trop appuyée sur la contribution des consommateurs. Dans ce système, la TGC « fait la part belle ». Mais cette taxe est considérée comme « la plus injuste », car elle touche tout le monde, quel que soit le niveau de revenu. La Fédé compte bien se faire entendre face au plan du gouvernement.
Yann Mainguet