La vaccination est lancée, un outil supplémentaire pour nous protéger

La campagne de vaccination des Calédoniens a débuté mercredi. Elle fonctionnera, comme ailleurs, selon un système de priorités. Plus de 8 500 personnes, les plus exposées et fragiles, seront vaccinées d’ici fin avril avec les premières doses. La quatorzaine dans un hôtel à l’entrée du territoire reste pour l’heure inchangée, mais elle devrait progressivement être assouplie.

Sa carte de vaccination porte le numéro 1. Thierry Santa, président du gouvernement, a été le premier Calédonien vacciné sur le territoire, mercredi. Comme lui, les élus du gouvernement, les présidents de la province Sud, du Congrès, du Sénat coutumier, du Cese et des associations des maires ont souhaité montrer l’exemple et toute la confiance qu’ils ont en ce vaccin pour continuer à protéger la population – en plus des mesures très strictes déjà prises – immuniser à terme le plus grand nombre et permettre un jour de rouvrir ce territoire. Pas d’image pour immortaliser les injections, mais le message est là : le vaccin n’est pas obligatoire, mais il est administré en toute sécurité et considéré comme une « chance » à saisir.

Moins d’un mois après le lancement de la vaccination en Europe et en Métropole, la Nouvelle-Calédonie a pu emboîter le pas. Depuis la réception, le 8 janvier, de 17 550 doses du vaccin Pfizer BioNTech (chaque flacon permet, comme ailleurs, six doses et non cinq, comme initialement prévu), les autorités n’ont pas chômé. Il a fallu élaborer la stratégie vaccinale sur la base du nombre de doses reçues, concerter les différents représentants calédoniens, recevoir leur aval et monter le premier centre de vaccination au Médipôle.

La stratégie vaccinale a été élaborée par la Direction des affaires sanitaires et sociales, selon les recommandations de la Haute Autorité de santé et l’Organisation mondiale de la santé. Elle fonctionne, comme ailleurs, selon un système de priorités, mais a été adaptée au contexte local marqué, on le sait, par l’absence de circulation du virus et un sas sanitaire à l’arrivée. Pour ces raisons, l’urgence n’est pas la même que dans les pays affectés et les personnes prioritaires non plus.

Première phase : les personnes en première ligne

La campagne va se dérouler en trois phases. Le lot de vaccins reçus doit couvrir, sur une période de douze semaines, la première phase et une partie de la seconde (les vaccins sont à utiliser avant la fin du mois d’avril). Concrètement, il s’agit, dans un premier temps, de protéger environ 2 600 personnes ayant le plus de risques de contracter le virus, c’est-à-dire toutes celles et ceux qui sont en contact avec les voyageurs : le personnel navigant, le personnel de l’aéroport, de transport de passagers, des quatorzaines, les professionnels de santé susceptibles de prendre en charge les voyageurs en quatorzaine, les agents du port autonome ou en contact avec les minéraliers. Prioritaires également, mais difficiles à quantifier, les voyageurs, particuliers et professionnels, qui se déplacent pour un motif impérieux.

Deuxième phase : les plus fragiles

Il est ensuite prévu, toujours sur ce premier lot, de vacciner une partie des plus fragiles, ceux qui peuvent potentiellement développer une forme grave de la maladie et y succomber. Dans ce groupe, la priorité sera donnée aux résidents des maisons de retraite, les Éhpad, et de toutes structures accueillant les personnes âgées. Leur nombre est estimé à 1 800. Le personnel qui s’en occupe pourra également se faire vacciner (1 500 personnes). On arrive à près de 6 000 personnes auxquelles pourraient éventuellement s’ajouter, pour cette première vague, une petite partie des personnes âgées de plus de 75 ans (10 000 au total).

La deuxième phase, qui se poursuivra avec l’arrivée d’autres vaccins, prévoit justement un élargissement de la vaccination à tous les plus fragiles. Elle concernera donc les personnes âgées (d’abord de 75 ans et plus, puis de 50 ans et plus), mais aussi les personnes ayant des pathologies comme l’obésité, le diabète, l’insuffisance rénale chronique, le cancer… Elles seront reçues, là aussi, en fonction de leur âge. Concernés également, l’ensemble du personnel soignant et les professionnels des secteurs « essentiels » au bon fonctionnement du territoire (forces de l’ordre, pompiers, enseignants, personnel des crèches, etc.).

Phase 3 et immunisation

La phase 3 visera le reste de la population de plus de 16 ans avec quelques exceptions. « L’objectif à terme est d’atteindre l’immunisation des deux tiers de la population (66 %), ce qui permettrait d’espérer de diminuer la réplication virale (moins de malades) et le risque de mutation du virus » en cas d’introduction, a expliqué le docteur Thierry de Greslan.

Le président du gouvernement a précisé qu’il était difficile de savoir quand nous pourrions atteindre cet objectif, la campagne étant corrélée à la fois à l’adhésion de la population et aux prochaines doses, dont on ignore quand elles nous parviendront. Seule certitude : à chaque première dose administrée, la seconde sera conservée pour la même personne.

Le premier centre de vaccination est installé au Médipôle, la première phase concernant principalement des personnes résidantes dans le Grand Nouméa. D’autres centres ouvriront prochainement au centre hospitalier du Nord (CHN) (« d’ici deux semaines »), et progressivement, dans des centres médico- sociaux. Les vaccins sont conservés au Médipôle et au CHN et pourront être acheminés vers les dispensaires et les structures accueillant les personnes âgées.

Encourager les Calédoniens

Outre cette logistique à assurer, reste maintenant à convaincre la population du bien-fondé de cette opération.
Valentine Eurisouké, en charge de la santé au gouvernement, évoque un « levier important ». « La vaccination a permis d’enrayer par le passé un certain nombre de maladies comme la rougeole ou l’hépatite B. Notre bulle nous fragilise et il est important que nous nous immunisions. J’encourage donc les Calédoniens à être volontaires pour se protéger et protéger les plus fragiles. » Le président du Sénat coutumier, Justin Gaïa, qui a rappelé l’implication forte des coutumiers pour « préserver le pays » au début de la crise, a, lui aussi, appelé les Calédoniens, en particulier les Océaniens de plus de 75 ans, à se faire vacciner, comme lui. La présidente de la province Sud, Sonia Backes, a rappelé, pour sa part, la chance que nous avons d’avoir reçu ces doses « gratuites et tout de suite ».

Le docteur Thierry de Greslan a parlé « d’un jour historique pour la Nouvelle-Calédonie et le CHT » et son confrère, Pierre-Henri Moury, responsable du centre d’un « défi logistique et humain, un évènement qu’on attend depuis le début de la crise ». Les professionnels assurent que le vaccin est bien toléré, injecté dans une « sécurité parfaite » et qu’il est efficace à 95 %.

Vers un assouplissement des règles à l’entrée

Les autorités concèdent que le principe de l’immunisation doit permettre un assouplissement des mesures à l’entrée du territoire. A court terme, « d’ici un mois », les voyageurs vaccinés seront soumis à leur retour à un double test, sérologique et PCR, pour vérifier leur immunité et qu’ils ne sont pas contaminés. Ces tests pourraient permettre aux personnes négatives et immunisées de quitter la quatorzaine après une nuit à l’hôtel. Si le voyageur décide de ne pas se faire vacciner, il sera soumis à la quatorzaine classique.

Ensuite, une fois que les plus faibles seront vaccinés, la réflexion porte sur un « assouplissement des contraintes de déplacement ». Les personnes sans raisons impérieuses pourraient éventuellement partir à condition de se faire vacciner et de prendre en charge leur quatorzaine. Mais seule l’immunité collective permettrait une ouverture au sens large.

La situation de fermeture, on le sait, engendre des dommages collatéraux sur la limitation des évacuations sanitaires, les approvisionnements de médicaments et dispositifs médicaux, les missions de spécialistes, et pèse très lourd sur notre économie (un milliard par mois pour la quatorzaine) avec des dégâts sur de nombreux secteurs dont le tourisme.

Pour toute question sur la vaccination, le centre du Médipôle est joignable à ce numéro vert 05 00 33 du lundi au vendredi, de 8 heures à 17 heures.


Comment s’y prendre ?

L’identification des travailleurs en première ligne est menée par les employeurs (public et privé), en partenariat avec le service médical interentreprises, la Dass, la Direction du travail et de l’emploi. Les entreprises organisent les rendez- vous pour leurs salariés consentants directement avec le centre de vaccination.

Les structures accueillant des personnes âgées doivent identifier celles qui sont volontaires, en partenariat avec leur médecin référent. Le recueil du consentement se déroulera dans les établissements en présence d’une personne de confiance si besoin.

Les voyageurs devant faire des allers- retours pour des motifs impérieux et qui souhaitent se faire vacciner doivent envoyer une demande via un formulaire de recensement disponible sur le site du gouvernement, gouv.nc. Une fois la demande validée, ils seront dirigés vers le centre de vaccination pour fixer un rendez-vous.

Il faut prendre en considération le fait que le protocole vaccinal nécessite un délai minimum de 35 jours entre la première injection et la date du voyage (deux injections à 21 jours d’intervalle et 14 jours pour atteindre une immunisation maximale).

Une plateforme de pré-inscription en ligne devrait ouvrir prochainement.


« Efficace » sur les mutants

Les médecins du CHT ont confirmé que les études ont démontré pour l’instant l’efficacité du vaccin Pfizer sur les virus mutants, sachant que « des données plus précises arriveront dans les semaines à venir ». Ils expliquent, par ailleurs, que les nouveaux vaccins à ARN comme Pfizer ont cette particularité de pouvoir être rapidement adaptés aux nouvelles souches. Le Covid-19 est aussi « beaucoup plus stable que celui de la grippe »…


Phase 1 : 2 500 personnes en première ligne et les voyageurs.

Phase 2 : 104 300 personnes fragiles.

Phase 3 : 97 000 personnes pour l’immunisation du plus grand nombre.


Surveillance

La vaccination est effectuée par un médecin ou un infirmier supervisé par un médecin. Elle est précédée d’une information collective, d’une déclaration des antécédents d’accidents allergiques et du recueil du consentement, des étapes qui peuvent se dérouler au centre, en maison de retraite ou en entreprise. Une consultation médicale est prévue en cas d’antécédents exposant la personne à des risques secondaires, pour les personnes sous tutelle ou à la demande. Pour toute vaccination il faut présenter sa pièce d’identité, procéder à un entretien médical.

Les personnes vaccinées sont sous surveillance durant 15 minutes après injection, un délai qui correspond à l’apparition d’éventuelles réactions allergiques. Une information sur les effets indésirables possibles (douleurs au point d’injection, fièvre…) est remise à chacun.

Un registre de vaccination permet aux autorités de santé de suivre la campagne et d’assurer la traçabilité des vaccinés. Elles recenseront tous les effets secondaires qui pourraient survenir à l’occasion de la vaccination.


Qui paye ?

Pour la vaccination, le CHT a mis à disposition ses locaux, ses médecins. Du personnel de la Nouvelle- Calédonie se charge du numéro vert. Le coût de la logistique sera pris en charge par le fonds de compensation de santé publique de la Cafat, dont le comité se réunira prochainement.

C.M.