Le gouvernement d’Alcide Ponga, le producteur d’électricité Enercal ainsi que les métallurgiques SLN et Prony Resources NC ont détaillé, dans un courrier commun adressé au ministre des Outre-mer, Manuel Valls, leur vision et leurs souhaits pour l’élaboration du schéma énergétique de demain.
Les enjeux sont liés. Comme le confirme la toute première phrase de la lettre. « La pérennité de la filière industrielle de la métallurgie du nickel en Nouvelle-Calédonie est essentielle à la stabilité institutionnelle et sociale du territoire, ainsi qu’à la relance de son économie, durement affectée par les troubles de mai 2024. »
Dans un courrier du 20 février adressé au ministre d’État des Outre-mer, Manuel Valls, et consulté par DNC, le gouvernement d’Alcide Ponga, le producteur, transporteur et distributeur d’électricité Enercal ainsi que les sociétés métallurgiques SLN et Prony Resources décrivent avec précision la trajectoire énergétique du secteur du nickel.
Les signataires sollicitent un soutien de Paris pour ces « investissements stratégiques », après avoir rappelé l’avis du président de la République, Emmanuel Macron, à la tribune de la place des Cocotiers à Nouméa, fin juillet 2023. « La refonte du système énergétique, productif est essentielle. (…) On va être clair, il n’y a que l’État qui peut le financer. »
Selon les acteurs calédoniens, cette transformation est jugée « cruciale » pour satisfaire trois objectifs. Tout d’abord, sécuriser l’approvisionnement électrique des métallurgistes et de la distribution publique. Ensuite, réduire les coûts de production. Enfin, diminuer réellement les émissions de CO2.
Des centrales sur chaque site
Le schéma énergétique a connu par le passé bien des tergiversations industrielles et reculades politiques. La SLN dispose aujourd’hui d’une solution coûteuse, mais stable, une centrale accostée temporaire au fioul, louée à la compagnie turque Karpowership.
À la lecture du récent courrier, il est préconisé l’implantation d’une centrale thermique à moteurs gaz à Doniambo, de 160 à 200 mégawatts, pour un investissement de 400 à 600 millions d’euros ou 48 à 72 milliards de francs. « C’est le pivot du futur système électrique », écrivent les auteurs de la lettre envoyée au locataire de la rue Oudinot, qui soulignent la nécessité d’une révision de la stratégie envisagée début 2024 pour le Sud au regard de l’impact des événements de mai.
Un outil apportant « une énergie pilotable » au plus près du site de PRNC est envisagé sous la forme d’une centrale thermique également à moteurs gaz à Prony, de 80 à 100 MW, pour un engagement financier de 200 à 300 millions d’euros, soit 24 à 36 milliards de francs. En outre, est-il précisé, « lorsque la reprise de l’activité métallurgique de KNS sera clarifiée, un schéma similaire devra être étudié », c’est-à-dire des « moyens de production compétitifs, stables et décarbonés au plus près de l’usine ».
Soutenir la Step
Ces investissements estimés « de base » s’insèrent dans « la dynamique » du Stenc 2.0 ou schéma pour la transition énergétique de Nouvelle-Calédonie approuvé par le Congrès en août 2023. Selon le gouvernement, Enercal et les métallurgistes, si des initiatives sont déjà engagées, des efforts financiers complémentaires sont indispensables dans deux grands domaines.
Tout d’abord, « un déploiement massif des énergies renouvelables, notamment photovoltaïques ». L’exécutif recense 430 MW déjà autorisés sans aides publiques. « L’élargissement du dispositif de défiscalisation nationale aux projets ENR [énergies renouvelables] destinés à l’industrie améliorerait la compétitivité prix », pensent les signataires de la missive, pour qui « un développement de 80 à 100 MWc [mégawatts-crête] par an serait nécessaire ». Enfin, des unités de stockage d’envergure pour stabiliser le réseau sont attendues. Sous forme de grande batterie, mais aussi d’une station de transfert d’énergie par pompage-turbinage (Step) comme étudié à Tontouta. Ce projet de 50 à 60 milliards de francs requiert « un soutien de l’État en investissement et en garantie de prêt ».
Au final, calculent le gouvernement, Enercal, la SLN et PRNC, « la réalisation de ces investissements doit conduire à une baisse du prix de l’électricité de l’ordre de 65 % ». Ce qui rapprocherait la facture des opérateurs en Nouvelle-Calédonie de celle des rudes concurrents en Indonésie. Mais voilà, ces ambitions lourdes ne se concrétiseront pas tout de suite.
D’ici là, les auteurs du courrier jugent « impératif » de soutenir le secteur du nickel « en réduisant le coût de l’énergie et en accompagnant au mieux les métallurgistes dans leur transition ». Des dispositifs en vigueur sur le plan national sont cités, tels que les aides aux industries hyper électro-intensives et des mesures du plan France 2030.
Place des Cocotiers en juillet 2023, le président Emmanuel Macron avait posé une condition à un appui notable de l’État : « Je n’utilise pas l’argent du contribuable pour financer des modèles improductifs. Et donc, on va s’engager sur un projet nickel d’avenir. » Mais le temps passe et rien ne bougera si les uns et les autres se renvoient leurs exigences respectives.
Yann Mainguet