La solidarité nationale engagée pour la vaccination

La Nouvelle-Calédonie a donc reçu ses premiers vaccins. Un peu plus de 14 000 doses nous sont parvenues, vendredi, et ont été transférées au Médipôle. La stratégie vaccinale du gouvernement doit être présentée ce jeudi aux élus du Congrès et quelques jours plus tard aux Calédoniens. Objectif : immuniser la population en cas d’introduction du virus et, on l’espère, nous permettre de sortir progressivement de l’isolement.

Un convoi exceptionnel. Même si la Nouvelle-Calédonie est l’un des seuls territoires au monde épargné par l’épidémie de Covid-19 et ne connaît donc pas la même urgence, la solidarité nationale s’est exercée comme ailleurs.

Les vaccins, produits en Belgique, achetés par l’Agence nationale de santé publique et mis à disposition gratuitement par l’État, sont arrivés au même rythme dans les départements et collectivités d’outre-mer que dans les régions hexagonales. Dans le Pacifique, les territoires français ont été les premiers à recevoir un vaccin avec les pays insulaires approvisionnés par les États-Unis, a même souligné le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu.

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7 000 personnes concernées par les premières doses

C’est précisément un lot de 14 625 vaccins anti-Covid qui nous est parvenu par voie militaire, vendredi. Il s’agit du vaccin élaboré par le duo germano-américain Pfizer-BioNTech (lire encadré), le premier autorisé en Europe, le 21 décembre dernier. (Le vaccin Moderna vient d’être autorisé à son tour et AstraZeneca a été soumis à l’approbation de l’Agence européenne du médicament).

Le transfert vers le Médipôle a ensuite été assuré par hélicoptère sous la houlette de la Direction de la Sécurité civile et de la gestion des risques. La particularité de ce produit, on le sait, est sa conservation à très basse température (– 80 °). Le gouvernement a informé qu’un contrôle avait été réalisé à l’arrivée pour confirmer le bon respect de la chaîne du froid. Les équipes médicales ont pu réceptionner le précieux chargement qui sera stocké dans trois enceintes de congélation, en province Sud et province Nord jusqu’au lancement de la campagne de vaccination.

Le produit doit être inoculé par deux injections à 21 jours d’intervalles et environ 7 000 personnes pourront en bénéficier. La stratégie vaccinale a été élaborée par la Direction des affaires sanitaires et sociales de Nouvelle- Calédonie, le gouvernement étant compétent en matière de santé. Elle doit être présentée, à huis clos ce jeudi matin, aux élus du Congrès, puis prochainement aux Calédoniens.

On ignore encore le calendrier ou les modalités de cette campagne. On sait simplement que dans un premier temps, comme partout, elle concernera les personnes les plus exposées et les plus vulnérables. On pense notamment aux professionnels de santé en première ligne, au personnel navigant d’Aircalin, voire au personnel « essentiel » au fonctionnement du pays et bien sûr aux personnes âgées et ou celles présentant une comorbidité. Le territoire compte de très nombreuses personnes à risque et avec 7 000 vaccinations initiales, la plupart devront attendre de prochains envois.

Situation d’isolement « intenable »

En Métropole, plusieurs décrets ont précisé les modalités de distribution, de prescription et d’administration des vaccins. Le déploiement de la vaccination s’effectue progressivement avec, en priorité, les personnes les plus exposées et susceptibles de développer des formes graves, par tranches d’âge (d’abord les 75 ans et plus), ou présentant un risque de comorbidités. Au printemps, le vaccin sera proposé à l’ensemble des personnes majeures. Environ 600 centres de vaccination doivent ouvrir. Tous les professionnels de santé sont habilités à vacciner, sauf les pharmaciens. Le vaccin n’est pas obligatoire et le consentement du patient est requis. La prise en charge est intégrale. Un dispositif de surveillance d’éventuels effets indésirables a été mis en place.

Dans la région, en Polynésie française, le principe est le même avec une limitation géographique à Tahiti et Moorea, en raison des contraintes logistiques pour l’acheminement des doses dans les îles. Cette barrière sera levée avec le vaccin Moderna qui n’a pas besoin d’une conservation à très basse température.

On imagine que notre stratégie sera sensiblement différente dans la mesure où nous sommes dans une situation « Covid- free » au-delà des quatorzaines, avec des frontières fermées. Il s’agira d’immuniser progressivement les Calédoniens contre l’arrivée du virus et en même temps, de continuer dans la mesure du possible à retarder cette échéance. Mais le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, l’a clairement dit dans son allocution de lundi, « la situation d’isolement n’est pas tenable durablement ». La vaccination vise donc aussi à permettre une réouverture de nos frontières et, qui sait, à force d’immuniser localement, d’offrir une alternative à la quatorzaine obligatoire, très onéreuse pour le pays.

Sur cette base, de très nombreuses questions demeurent. Les coutumiers, que l’on a vus déterminés depuis le début de la crise, seront-ils prêts à faire confiance à ce vaccin qui n’empêche pas les contaminations, mais plutôt les formes graves ? Si la vaccination n’est pas rendue obligatoire et que des gens refusent de se vacciner pourront-ils se déplacer hors du territoire et surtout revenir ? Les autorisations de vols seront-elles toujours conditionnées aux situations épidémiques des autres pays ? C’est le gouvernement qui en décidera. Des réponses seront apportées, a priori mardi prochain.


Quelle situation sur nos destinations ?

La France, qui a vacciné quelque 140 000 personnes au 12 janvier, est toujours dans une situation compliquée sans baisse de contaminations depuis un mois. Autre inquiétude, l’arrivée d’un variant, plus contagieux, qui a provoqué une flambée de l’épidémie au Royaume-Uni. Une autre mutation venue du Brésil a été découverte au Japon. Une troisième en Afrique du Sud. En Australie, quelques cas de Covid-19 ont été enregistrés dans le New South Wales et la ville de Brisbane, dans le Queensland, a été reconfinée trois jours après la découverte d’un premier cas du variant britannique. La campagne vaccinale (Pfizer-BioNTech et AstraZeneca) doit débuter vers mi ou fin février. Les Néo- Zélandais rencontrent toujours des cas importés, mais en quatorzaine. Les vaccins ne sont pas encore approuvés dans ce pays.


Le vaccin en question

Le vaccin de Pfizer-BioNTech dénommé « Comirnaty » est l’un des vaccins contre la Covid-19 le plus acheté dans le monde après ceux d’AstraZeneca/Oxford, Novavax, Sanofi/GSK et Gamaleya. C’est le premier vaccin à ARN messager à être commercialisé dans le monde. Ces nouveaux vaccins sans agent infectieux « enseignent » à nos cellules, avec de petits morceaux d’information génétique du virus, comment fabriquer une protéine qui déclenchera une réponse immunitaire et à produire des anticorps. Les résultats des études menées jusqu’à présent montrent que le vaccin permet de réduire significativement les formes graves de la Covid-19 et la mortalité due au virus. Il peut être utilisé chez les personnes de 16 ans et plus. Pour l’instant, faute d’essais clinique, la Haute Autorité de santé déconseille son administration pendant la grossesse et l’allaitement, sauf en cas de risque élevé de développer une forme grave.

Le vaccin Moderna, auquel nous devrions avoir accès par la suite, fonctionne selon le même principe d’ARN messager. Mais il offre l’avantage de ne pas nécessiter une conservation à basse température, principal inconvénient du vaccin de Pfizer-BioNTech. Les deux vaccins peuvent provoquer des douleurs au point d’injection, parfois une grosse fatigue, de la fièvre, des maux de tête. Les réactions allergiques sévères de type anaphylactiques seraient de 11,1 pour un million de doses administrées contre 1,3 pour les vaccins antigrippaux, soit une personne sur 100 000.

C.M. ©haut-commissariat

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